Guinée : Gabriel Haba du (CNOSCG) invite l’Etat à déclarer les montants mobilisés par la CRIEF

Dans un décret publié dans la soirée d’hier, mercredi 16 novembre 2022, le président de la Transition, colonel Mamadi Doumbouya, a limogé le ministre des transports et des infrastructures (Yaya Sow) et sept autres membres de son cabinet. Ces hauts cadres de l’Etat sont accusés de « corruption et détournement de fonds ». Des faits pour lesquels le ministre de la justice et des droits de l’homme a d’ailleurs instruit des poursuites à leur encontre.

Visiblement, cette action du chef de l’Etat s’inscrit dans le cadre de la lutte contre les maux qui gangrènent la gouvernance économique et financière (corruption grandissante, détournement des deniers publics, enrichissement illicite…) en Guinée. En tout cas, dans un entretien accordé à Guineematin.com ce jeudi, 17 novembre 2022, Gabriel Haba, le secrétaire exécutif du conseil national des organisations de la société civile guinéenne (CNOSCG), a salué cette décision du président de la Transition.

« En tant qu’acteur de la société civile guinéenne, je ne peux que saluer l’initiative. Puisque c’est une première fois dans l’histoire de la gouvernance de notre pays qu’un ministre en exercice soit limogé de ses fonctions pour des cas de détournement ; et, avec tous ses cadres qui sont impliqués dans le processus. D’abord, c’est une démarche qui vient effectivement renforcer et confirmer les efforts fournis par le gouvernement et le CNRD pour lutter contre la corruption et le détournement. Parce qu’au regard du volume de la corruption dans notre pays, l’espoir était complètement perdu qu’on pouvait avoir aujourd’hui une véritable lutte pour dissuader les éventuels candidats à la corruption et au détournement. Parce que l’argent du contribuable a été utilisé par les gouvernants dans le passé comme un bien personnel, pendant que les citoyens sont en train de tirer le diable par la queue, pendant que les gens sont en train de périr. Il y a de ces préfectures où même les élèves étudient par terre, alors que des ministres sont en train de s’enrichir par des milliards et des milliards. Moi, je pense que cette démarche est à encourager et à soutenir pour vu que tous les administrateurs, tous les gouvernants qui sont dans l’optique de détourner l’argent du contribuable guinéen soient mis devant leurs responsabilités. Et, tenez-vous bien, cet acte est un signal fort et ça met désormais en garde tous les ministres, tous les autres gouvernants qui pensaient que c’était qu’un simple slogan de dire que le CNRD a engagé une lutte contre les détournements et la corruption », a-t-il indiqué.

Mais, en dépit de son soutien à cette action du Chef de l’Etat, Gabriel Haba dit avoir des inquiétudes par rapport à la démarche judiciaire.

« Il y a eu plusieurs actes et plusieurs décisions qui ont été prises. Il y a eu des poursuites, il y a eu des traqués, mais nous avons un problème de compréhension par rapport à la suite des démarches. Parce qu’aujourd’hui je ne peux pas vous donner le nombre de personnes poursuivies et le nombre de personnes arrêtées. On n’a pas de chiffres exacts qui prouvent que voici le nombre de personnes poursuivies et ceux qui sont poursuivis qu’elle est la suite des poursuites. Parce que si le CNRD prend la mesure, à travers le ministère de la justice, de publier ceux qui sont poursuivis, on doit exactement à chaque étape montrer au peuple de Guinée que ceux qui sont poursuivis voici le niveau d’évolution ou d’avancement de la procédure pourvu qu’on sache que ce n’est pas des feus de paille ou du tape à l’œil qu’on est en train de faire au peuple de Guinée… Il faut encourager le CNRD à poursuivre ses actes ; mais, il faut aussi l’amener à faire de ce processus là un processus transparent. Nous entendons à tout moment, par le porte-parole du gouvernement et par le procureur spécial de la CRIEF, que l’argent est en train d’être mobilisé à travers cette démarche de lutte contre la corruption et le détournement. Mais, à date, combien l’Etat a pu mobiliser ; et, l’argent est couché dans quelle banque ? Est-ce que c’est à la banque centrale, est-ce que c’est dans une banque primaire ? Nous avons mobilisé au jour d’aujourd’hui combien ? Nous avons besoin de savoir en tant que société civile. Et, ça aide nos gouvernants à renforcer leur lutte, parce qu’ils incarneront toute la crédibilité qu’il faut pour mieux faire ce travail-là. Et, ils seront appuyés par l’aide même de la population dans ce sens », a-t-il expliqué.

Par ailleurs, le secrétaire exécutif du conseil national des organisations de la société civile guinéenne a invité l’Etat à éviter l’injustice dans cette lutte pour la moralisation de la gouvernance économique et financière dans notre pays.

« En tant que société civile, nous sommes vraiment à l’aise par rapport à cet engagement du CNRD pour lutter contre la corruption et le détournement. Mais, quand les gens sont arrêtés, la justice voudrait, le droit voudrait que ceux qui sont arrêtés puissent bénéficier d’un procès juste et équitable. Mais, on ne doit pas détenir les gens en prison, on ne connaît pas leur issue, ils ne bénéficient d’aucun jugement. Alors, cela peut ressembler à une autre forme d’injustice qui ne dit pas son nom. Notre souhait aujourd’hui est que l’Etat prenne toutes les dispositions pour que ceux qui sont détenus en prison soient jugés. Quand ils sont jugés, que les guinéens puissent comprendre ce pourquoi ils sont arrêtés et qu’est-ce que finalement la justice a retenu contre eux comme sanction. C’est en cela que la démarche sera complète et légitime ; et, c’est en cela que la démarche sera juste », a-t-il dit, tout en précisant qu’il est de la responsabilité de tout citoyen de dénoncer les actes de corruption et de détournement.

Ansou Baïlo Baldé pour Guineematin.com

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