Moussa Dadis Camara au procès du 28 septembre : voici l’intégralité de son échange avec le juge, Ibrahima Sory 2 Tounkara

Moussa Dadis Camara, ancien président de la junte militaire guinéenne

Il était très attendu et l’opinion publique est restée sur sa faim ! L’ex chef de la junte guinéenne du CNDD n’a pas accepté de livrer sa part de vérité dans le massacre qui a endeuillé des centaines de familles le 28 septembre 2009, sous son magistère. Appelé à la barre ce lundi, 5 décembre 2022, Moussa Dadis Camara a dit être malade en refusant de répondre à la question de savoir de quoi souffrirait-il. Il a tout de même été ferme : il ne parlera que si le tribunal le lui obligeait. Ibrahima Sory 2 Tounkara, le président du tribunal criminel de Dixinn, délocalisé à la Cour d’Appel de Conakry, a finalement reporté l’audience au 12 décembre, en tenant compte de la demande de l’ancien putschiste qui a souhaité avoir moins d’une semaine.

Après la levée de l’audience d’aujourd’hui, un journaliste de Guineematin.com a décrypté pour vous l’intégralité de l’échange entre l’accusé Moussa Dadis Camara et le juge Ibrahima Sory 2 Tounkara.

Ibrahima Sory 2 Tounkara, président du TPI de Dixinn

Ibrahima Sory 2 Tounkara, juge : Monsieur Camara, vous voulez parler debout ou vous souhaitez vous asseoir.

Moussa Dadis Camara, accusé : monsieur le président, avec votre permission…

Ibrahima Sory 2 Tounkara, juge : Bon, le micro, s’il vous plaît, les techniciens, prenez vous ? Est ce que ça c’est portable ? Il n’y a pas de micro ?

Moussa Dadis Camara, accusé : Monsieur le Président. Monsieur le Président, avec votre permission, je ne voudrais pas faire certains détails. Je suis un officier d’état major et nous sommes faits pour la guerre et nous sommes faits pour la prison. Donc, mon état de santé…

Ibrahima Sory 2 Tounkara, juge : Je voulais savoir d’abord si vous voulez parler assis ou debout ?

Moussa Dadis Camara, accusé : Je veux vous dire, Monsieur le Président, avec tout le respect que j’ai pour votre auguste tribunal, j’en ai déjà informé le directeur de la garde pénitentiaire, le médecin chef de la garde pénitentiaire, depuis un très bon moment, je souffre et j’en ai informé les avocats. Sauf pour votre respect. Si effectivement vous m’obligez, Monsieur le Président, je ne suis pas au dessus de la loi. Si vous m’obligez, l’obligation de la loi. Je pourrais essayer d’être à votre entière disposition, monsieur le Président. Mais, en toute sincérité. Bon, je ne me sens pour le moment absolument pas ; mais, je m’en remets à votre sagesse. Je n’ai pas de choix, monsieur le président.

Ibrahima Sory 2 Tounkara, juge : Si je vous comprends. Vous voulez dire que vous êtes souffrant ? C’est ce que vous voulez dire ?

Moussa Dadis Camara, accusé : Oui, parfaitement. 

Ibrahima Sory 2 Tounkara, juge : Vous n’êtes pas en mesure de vous adresser au tribunal, vous n’êtes pas en mesure de donner votre part de vérité maintenant ?

Moussa Dadis Camara, accusé : Maintenant là, monsieur le président. 

Ibrahima Sory 2 Tounkara, juge : Là, je vous le dis que le tribunal ne peut pas vous obliger à dire ou à faire ce que vous ne voulez pas faire. Si vous n’êtes pas en mesure, si votre état de santé ne vous permet pas, le tribunal est obligé de vous suivre. Si vous dites que vous ne pouvez pas. Le tribunal vous suivra.

Moussa Dadis Camara, accusé : Merci monsieur le président !

Ibrahima Sory 2 Tounkara, juge : Est-ce que vous êtes en mesure de tenir les débats ?

Moussa Dadis Camara, accusé : Je ne suis pas en mesure pour la simple raison, le simple même fait que je suis arrêté…

Ibrahima Sory 2 Tounkara, juge : Quand est-ce que vous serez prêt ?

Moussa Dadis Camara, ancien président de la junte militaire guinéenne

Moussa Dadis Camara, accusé : Monsieur le Président, ce serait de l’incertitude. Je veux simplement vous dire, Monsieur le Président, si depuis plus de treize ans, je me suis battu corps et âme jusqu’à ce que je sois devant votre auguste tribunal, quels que soient les jours à venir, par la grâce de Dieu, je serai là, devant votre auguste tribunal, devant les éminents magistrats, pour vous livrer ma part de vérité. Mais, vous dire un jour, deux jours, je ne suis pas un homme qui aime mentir. Je veux vous dire simplement, Monsieur le Président, dès lors que je veux me rétablir, je suis même plus pressé, Monsieur le Président. En toute sincérité. 

Ibrahima Sory 2 Tounkara, juge : On peut savoir de quoi vous souffrez, monsieur Camara.

Moussa Dadis Camara, accusé : ehh ! J’ai… Il y a le médecin. Bon, c’est un peu…

Ibrahima Sory 2 Tounkara, juge : On n’a pas reçu de dossier médical d’abord vous concernant, c’est pour cela que je vous pose cette question ?

Moussa Dadis Camara, accusé : Oui, sinon que les traitements. Et puis avec le palu que j’ai eu, un affaiblissement total. Et, je me gène… Parce que comme je l’ai dit, un officier…

Ibrahima Sory 2 Tounkara, juge : Je suis obligé de vous informer que le ministère public nous a fait parvenir une information vous concernant. Ça fait très longtemps. Et à cet effet, je ne sais pas si c’était un de vos conseils ou si c’était vous ? Il avait été demandé trois semaines. Et, ces trois semaines sont épuisées… Donc, C’est pourquoi je vous demande de quoi vous souffrez ?

Moussa Dadis Camara, accusé : Oui, c’est des problèmes de… Et, je ne voudrais pas, Monsieur le Président, avec tout le respect que j’ai pour vous, pour votre auguste tribunal… Simplement, vous dire que je ne suis pas en forme, en toute sincérité. Et si dans moins d’une semaine je peux être devant votre auguste tribunal, ce serait encore mieux pour moi. Mais, vous dire une date, je ne suis pas Dieu.

Ibrahima Sory 2 Tounkara, juge : On sera alors dans l’obligation de renvoyer cette affaire.

Moussa Dadis Camara, accusé : D’accord Monsieur le Président 

Ibrahima Sory 2 Tounkara, juge : En tenant compte de votre état de santé. Voilà, là, je ne donne la parole à personne, parce que c’est quelque chose qui ne peut pas se discuter…

En tenant compte de votre état de santé. Le tribunal va estimer d’autant plus qu’avant cette période, vous serez plus ou moins apte à pouvoir dire votre part de vérité à ce tribunal…

Voilà. Parce que je l’ai rappelé, on nous avait rapporté que vous aviez en ce moment demandé trois semaines.

Moussa Dadis Camara, accusé : Oui.

Ibrahima Sory 2 Tounkara, juge : Et on en avait tenu compte. Ces trois semaines sont déjà passées.

Moussa Dadis Camara, accusé : Effectivement, Monsieur le Président.

Ibrahima Sory 2 Tounkara, juge : Personne n’a la parole.

Moussa Dadis Camara, accusé : Je peux déposer le micro, Monsieur le Président ?

Ibrahima Sory 2 Tounkara, juge : Le tribunal renvoie cette affaire au 12 décembre 2012 pour la suite des débats. Vous avez une semaine, monsieur Camara. L’audience est levée.

À rappeler qu’avant le capitaine Moussa Dadis Camara, ont comparu le Colonel Moussa Thiégboro Camara, du Capitaine Marcel Guilavogui, du Commandant Aboubacar Sidiki Diakité, alias Touma, du Capitaine Cécé Raphaël Haba, du Colonel Abdoulaye Chérif Diaby, du Colonel Ibrahima Camara dit Kalonzo, du Margis-Chef Mamadou Aliou Keïta, tous accusé pour « meurtres, assassinats, vols, pillages, incendies volontaires, vol à main armées, coups et blessures volontaires, outrage à agents de la force publique, tortures, enlèvements et séquestrations, non assistance à personnes en dangers, violences sexuelles, attentats à la pudeur, détention de matériel de guerre de première catégorie et complicité » dans ce même dossier du massacre du 27 septembre 2009.

Moussa Dadis Camara, ancien président de la junte militaire guinéenne

Propos enregistrés et décryptés par Mohamed Doré pour Guineematin.com

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