Détention provisoire : l’avocat guinéen, Me Faya Gabriel Kamano, dit tout à Guineematin

Me Faya Gabriel Kamano, avocat

En Guinée, les prisons grouillent de personnes placées en détention provisoire pour diverses infractions à la loi pénale. Certains parmi eux y ont fait des années et n’ont jamais comparu devant une juridiction de jugement. Mais, en quoi consiste réellement la détention provisoire ? Quelles sont les conditions qui la motivent ? Qui peut être placé en détention provisoire et qui doit le faire ?

Dans un entretien accordé à Guineematin.com hier, mercredi 14 décembre 2022, Me Faya Gabriel Kamano, avocat au barreau de Guinée, est largement revenu sur ces questions dont les réponses sont clairement mentionnées dans le Code de procédure pénale guinéen.

Décryptage !

Guineematin.com : La détention provisoire est devenue un sujet de tous les jours dans notre pays. Mais, chaque citoyen y va de son chef pour y faire des commentaires. Donc, en tant qu’avocat et professionnel de Droit, que pouvez-vous nous dire de la détention provisoire ? 

Me Faya Gabriel Kamano : Ce qu’il faut retenir, c’est que dans notre législation, la liberté c’est le principe. Le principe voudrait que les gens soient en liberté, parce qu’il y a la présomption d’innocence qui existe. Mais, cela ne veut pas dire que personne ne doit aller en prison. Non ! Lorsque le juge d’instruction reçoit les dossiers, lesquels ne sont reçus par réquisitoire introductif du parquet, lorsqu’il reçoit les dossiers et qu’il estime que les faits sont tels sur le fonctionnement de l’article 35, que la détention de l’inculpé ou les inculpés est nécessaire à la manifestation de la vérité, que la détention est nécessaire à la sauvegarde des indices de la preuve, il estime que la détention est nécessaire qu’on puisse mettre la pression sur les témoins ou qu’il y ait une concertation frauduleuse entre les différents inculpés, dans ces conditions il peut décider de priver les inculpés de leur liberté.

Alors, lorsqu’il décide de les priver de leur liberté, il prend une ordonnance de placement en détention. Cette ordonnance est une décision contre laquelle toutes les parties peuvent relever appel. Quand je dis toutes les parties, il s’agit de l’inculpé ou son conseil, mais aussi le ministère public. Parce que le ministère public est une partie au procès. Lorsqu’aucune voie de recours n’était exercée contre l’ordonnance de placement en détention, dans ces conditions, si nous sommes en matière de délit, la durée détention provisoire est de 4 mois à compter de ce jour. Mais, lorsque au bout de 4 mois le juge d’instruction n’a jugé nécessaire de remettre l’inculpé en liberté ou au bout de 4 mois, il n’a pas fini son instruction, il a l’obligation avant les 4 mois de renouveler le mandat. Et, pour cela, il doit organiser une audience au cours de laquelle toutes les parties : le ministère public, le ou les conseils de l’inculpé et les conseils de la partie civile vont en débattre. Il relance ainsi les débats sur la question du renouvellement du mandat. Lorsque le juge omet de renouveler le mandat, dans ces conditions-là, l’inculpé doit être libéré. C’est-à-dire son conseil peut saisir la chambre de l’instruction afin que celle-ci constate que le mandat n’a pas été renouvelé et ordonne la liberté de l’inculpé. Mais, s’il renouvelle le mandat, ce renouvellement aussi est de 4 mois. Ça fait 8 mois. Au-delà du renouvellement à 4 mois, il ne peut plus renouveler le mandat.

Lorsque que nous sommes en matière criminelle, ce délai est doublé c’est-à-dire une période de 8 mois dans un premier temps, après une autre période de 8 mois aussi dans un second temps qui est le deuxième mandat.

Guineematin.com : Qu’en est-il des inculpés détenus et oubliés en prison dont les dossiers pourraient même s’être perdus dans les tribunaux ou les cours ?

Me Faya Gabriel Kamano : il arrive que des dossiers souffrent dans les tribunaux, parce qu’ils ne sont pas programmés ou il arrive qu’ils soient égarés dans le circuit judiciaire ou il arrive même que les détenus soient oubliés en prison. Vous pouvez même trouver des cas de flagrant délit qui perdurent. Dans ces conditions, les avocats peuvent organiser ce qu’on appelle les référés liberté. Nous, nous le faisons beaucoup dans le cadre de notre ONG avocats sans frontières et d’autres ONG comme Mêmes Droit pour Tous, comme la LUIGDHO qui le font aussi très souvent. Ils organisent les référés liberté. Généralement ça arrive aux accusés, aux inculpés détenus qui n’ont pas de conseils. C’est dur en prison quand on les oublie. Donc, quand nous sommes informés, nous prenons les dossiers en charge et nous organisons ce qu’on appelle les référés liberté.

Guineematin.com : si ces inculpés détenus et oubliés arrivaient à être d’abord extraits, puis jugés et enfin libérés suite aux référés liberté organisés par les avocats des ONG de défense des droits humains, est-ce que l’Etat donne des indemnités en leur faveur ?

Me Faya Gabriel Kamano : c’est le ministère public qui poursuit, mais il n’est pas responsable du fait qu’ils soient (les inculpés détenus) oubliés en prison. Mais, lorsque vous prenez la loi sur la Cour suprême, ça existe ailleurs aussi dans d’autres pays tels la France, les personnes détenues oubliées en prison et qu’il s’est avéré finalement que les infractions pour lesquelles ils sont poursuivis ne sont pas constituées, on prévoit un fonds d’indemnisation pour ces personnes. Puisque, imaginez-vous passez 5 ou 6 ans de votre vie inactive, vous avez perdu beaucoup d’opportunités, vous avez perdu beaucoup de choses et que vous sortez, on vous laisse aller à vous-mêmes… Donc, lorsque vous prenez la loi sur la Cour Suprême, elle prévoit un fonds d’indemnisation qui malheureusement n’est pas encore mis sur pied. Mais, nous avons l’espoir et le fait déjà de penser est une très bonne chose. Nous pensons que dans les années à venir, la mise à disposition de ces fonds pourra être possible, puisque c’est vraiment nécessaire.

Mamadou Laafa Sow pour Guineelatin.com

Tél. : +224622919225

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