CRIEF : après sa libération le 27 juillet dernier, Dr Fodé Cissé de nouveau à la barre

Dr Fodé Cissé, ancien Directeur général de la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS), et Fodé Siragata Bangoura, informaticien de la même structure, sont jugés en appel à la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF). Leur procès en appel s’est ouvert ce mardi, 20 décembre 2022, après avoir été déclarés non coupables de détournement de deniers publics et complicité devant la Chambre de jugement de la CRIEF. C’est le parquet spécial de la CRIEF et l’Agence Judiciaire de l’Etat, partie civile dans cette affaire, qui ont interjeté appel, a appris sur place Guineematin.com à travers un de ses reporters.

Dr Fodé Cissé et Fodé Siragatha Bangoura avaient été jugés une première fois par la CRIEF dans une affaire portant sur 1 milliard 277 millions 726 mille 940 GNF. Ils avaient été déclarés non coupables et libérés le 27 juillet 2022 par la chambre de jugement de la CRIEF. Le parquet spécial de la CRIEF et la partie civile avaient interjeté appel. Ce qui a conduit à cette nouvelle phase dans ce dossier. Aussitôt qu’elle a ouvert le dossier, la Cour a donné la parole aux parties appelantes pour présenter les motifs de l’appel contre la décision de la chambre de jugement de la CRIEF.

Le ministère public, représenté à cette audience par Lazare Mamady Bauret, a dit que la chambre de jugement de la CRIEF n’a pas accédé à ses réquisitions. « Nous avons relevé appel contre la décision rendue par la chambre de jugement qui a renvoyé Fodé Cissé, ancien DG de la Caisse de prévoyance sociale, et monsieur Fodé Siragakata Bangoura, des fins de la poursuite pour délit non constitué à leur encontre. Dans nos réquisitions, on avait sollicité de la Cour la condamnation de M. Fodé Cissé au reversement du montant incriminé du compte de la caisse de prévoyance sociale de N’Zérékoré au trésor public. Nous, nous avons estimé que le fait de déplacer les fonds d’un lieu à un autre sans fondement légal constitue déjà un détournement. Donc, les faits de détournement sont perpétrés dans cette présente procédure. Nous relevons formellement appel contre la décision rendue dans cette procédure. Et nous savons que vous allez condamner M. Fodé Cissé. Par contre, nous ne retenons rien contre M. Fodé Siragakata Bangoura », a dit le procureur Lazare Mamady Bauret.

Du côté de l’Agent judiciaire de l’Etat, partie civile dans cette affaire, représentée par Me Faya Gabriel Kamano, les motifs sont à deux niveaux. « Nous, partie civile dans la présente procédure, ce qui nous intéresse, ce sont nos intérêts civils. Lors de nos plaidoiries dans cette affaire devant la chambre de jugement, on avait plaidé que la Cour condamne M. Fodé Cissé au paiement d’un milliard à titre de dommages et intérêts pour les préjudices qu’il a causés à l’Etat guinéen. Parce que, nous avons souffert de ses agissements. Cela n’a pas été pris en compte par la chambre de jugement d’instance. Ça, c’est un des motifs de notre appel. L’autre motif, c’est qu’on avait plaidé également que la Cour ordonne le reversement du montant incriminé sur le compte de l’agence judiciaire de l’Etat, conformément au nouveau décret présidentiel qui régit le fonctionnement de l’agence judiciaire de l’Etat. Ce décret indique que quand un montant incriminé est litigieux, il doit être versé sur le compte de l’agent judiciaire de l’Etat et non au trésor public. C’est pourquoi, monsieur le président, nous, partie civile, nous disons que nous sommes dans notre droit de faire appel dans cette affaire parce qu’il y a eu effectivement le déplacement du montant incriminé de Conakry à N’Zérékoré », a dit Me Faya Gabriel Kamano.

Les avocats de la défense de leur côté ont demandé à la Cour de rejeter systématiquement les motifs formulés et présentés par le ministère public et l’avocat de l’Agent judiciaire de l’Etat. Selon eux, ces motifs ne sont fondés sur aucune base légale. « L’appel interjeté dans la présente affaire est en violation des dispositions légales. Le ministère public veut tellement réprimer dans cette affaire. Qu’il change d’arguments pour dire désormais que ce n’est pas un détournement mais une tentative de détournement. C’est dilatoire. Nous demandons à votre Cour, monsieur le président, de rejeter systématiquement les motifs d’appel formulés et présentés par le ministère public et la partie civile puisque n’étant fondés sur aucune disposition légale », a demandé Me Emanuel Bamba.

Le prévenu dans cette affaire, Dr Fodé Cissé a continué à clamer son innocence. « Je suis dans cette situation parce que j’ai engagé des réformes dans ce secteur. Quand je suis venu, j’ai entrepris un système de gestion de manière à arrêter toutes les manœuvres frauduleuses. Mais, j’avais des pressions qui venaient de partout. Mais j’ai tenu bon. A mon arrivée à la Caisse nationale de prévoyance sociale, il y avait 21 000 cas de personnes décédées dont l’argent partait dans la poche des gens. C’est ainsi que j’ai demandé à ce que toutes les agences de prévoyance sociale me remontent chacune la situation des pensionnés à son niveau. Sur les 21 000 cas, on ne m’a remonté que 1000 seulement. C’est ainsi que j’ai décidé d’envoyer le montant de 1 milliard 277 millions 726 mille 940 francs guinéens litigieux à l’agence de Matam mais les pressions étaient si fortes que je ne pouvais pas le faire. A ce moment, parmi les chefs d’agence, je n’avais eu confiance qu’à celui de N’Zérékoré qui m’avait fait compte rendu fidèle et honnête avec un rapport récapitulatif de tous les faits qui se déroulaient à son niveau. Ainsi, j’ai décidé d’envoyer le montant sur le compte de son agence jusqu’à ce que des vérifications sérieuses soient faites concernant les bénéficiaires. C’est dans ces circonstances que le décret est tombé, m’enlevant du poste de DG de la Caisse nationale de prévoyance sociale. Aussitôt, on m’a interpellé puis interrogé pour des faits de détournement de deniers publics parce que tout simplement j’ai entrepris des réformes qui freinent les mauvaises pratiques dans le secteur. Il y avait à mon arrivée à la tête de ce service, beaucoup de problèmes. C’est par exemple la majoration des pensions. Les preuves sont là, je peux vous les fournir. Il y a une liste, on majorait les pensions de 1 million et quelques francs guinéens à plus de 20 millions. Là où il y avait 20 millions on augmente à 300 millions. Où allaient toutes ces différences-là ? C’est dans la poche des gens, pas dans celle des bénéficiaires. C’est parce que je me suis attaqué à tout cela qu’on m’a enlevé et envoyé devant votre Cour. Mais moi, je prends Dieu. Je ne regrette pas ce que j’ai fait dans ce service. En âme et conscience », a-t-il laissé entendre.

En outre, le prévenu a battu certaines accusations portées contre lui. « Si on parle de bâtiments et de voitures que j’ai acquis dans cette affaire, c’est mal me connaître. Moi, j’ai eu mes bâtiments et mes voitures avant que je ne sois Directeur général de la Caisse de prévoyance sociale. Je travaillais déjà avant d’arriver là », a-t-il laissé entendre.

La Cour a renvoyé le dossier au 3 janvier 2023 pour la suite des débats.

Mamadou Laafa Sow pour Guineematin.com

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