Guinée : « nous avons stoppé beaucoup de velléités de musellement des médias en 2022 » (Syndicat de la Presse)

Sékou Jamal Pendessa, secrétaire général du SPPG

Après une année d’exercice, le Syndicat des professionnels de la presse de Guinée (SPPG) parle d’un bilan mi-figue mi-raisin de la situation des médias et des journalistes pour 2022. Depuis sa création en 2015, ce syndicat des journalistes milite pour la défense des intérêts des hommes de médias et l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail. Si beaucoup d’efforts ont été faits en faveur de la presse en 2022 en Guinée, il n’en demeure pas moins que les autorités de la transition sont accusées par le syndicat de certains manquements.

Dans un entretien accordé à un reporter de Guineematin.com, Sékou Jamal Pendessa, secrétaire général du SPPG, est revenu sur le bilan 2022 avant de brosser les perspectives pour 2023.

Guineematin.com : après une année d’exercice, quelle lecture faites-vous de la situation globale de la presse en République de Guinée ?

Sékou Jamal Pendessa : la presse, il est difficile de dire qu’elle s’est bien portée durant cette année. Parce qu’on a connu beaucoup de difficultés. Globalement, ça pouvait aller mieux si certains acteurs n’avaient pas posé des actes liberticides qui ont contribué à faire chuter la bonne marche de l’élan qui avait été pris le 5 septembre 2021. Malheureusement, la presse a été confrontée à beaucoup de difficultés : notamment vous avez connu des journalistes agressés dans l’exercice de leur métier, notamment à Kankan ou encore le cas le plus emblématique c’est celui de Kindia, là où Mohamed M’Bemba Condé a été battu par les gendarmes jusqu’à ce qu’il soit hospitalisé. On a connu des emprisonnements injustifiés de journalistes. C’est le cas du correspondant de Mosaïque à Dinguiraye et rédacteur en chef de la radio rurale de Dinguiraye, Mamadou Sagnane. Il a été placé en garde à vue sur ordre du préfet qui l’avait appelé d’ailleurs pour le livrer à ses assaillants. Vous avez connu le cas de Mohamed Bangoura qui a été convoqué dans un camp militaire. Il fallait que le syndicat s’y oppose catégoriquement pour que ce projet soit abandonné. Vous avez connu par la suite le cas du journaliste Amadou Djouldé Diallo qui a été embarqué dans un pick-up des militaires du BATA (Bataillon autonome des troupes aéroportées) pendant une manifestation du FNDC. On ne sait pas ce que le BATA cherche dans le maintien d’ordre. Le lendemain, il y a Bachir Sylla de la Guinee.info qui a été aussi embarqué dans un pick-up de la gendarmerie pendant qu’il couvrait une manifestation à Hamdallaye. Et puis, tout récemment, vous vous rappelez du cas de Morlaye de tropical FM qui est parti s’intéresser au recrutement militaire derrière le camp Samory Touré. Lui aussi a été pris là par le chef d’Etat-major général des armées qui est allé le séquestrer au camp Samory Touré. Il y est resté pendant plusieurs heures. Donc, c’est très difficile de dire que la presse s’est plus ou moins bien portée. Globalement, on peut dire que la presse s’est très mal portée en République de Guinée en 2022. Il y a eu quelques points qui pourraient nous faire rebondir positivement. Mais, malheureusement, il y a eu beaucoup d’actes liberticides qui viennent éclipser tout ce qu’on pouvait apprécier.

Guinéematin.com : votre objectif étant la défense des intérêts des journalistes, quelles sont les activités menées par le syndicat dans ce sens ?

Sékou Jamal Pendessa : Nous avons, au cours de cette année qui s’en va, défendu une vingtaine de journalistes qui, soient étaient en détention ou qui étaient sur le point d’être placés en détention. Nous avons stoppé beaucoup de velléités de musellement des médias. Parce que si on ne se levait pas, beaucoup de choses étaient déjà planifiées pour museler complètement les médias. On a réglé 4 dossiers puisque l’année est en cours. Il y a un 5ème dossier en cours de traitement à l’intérieur du pays, on ne sait pas si on le réussira ou pas. Donc, il faut retenir que nous avons réglé 4 problèmes à l’amiable. Les dossiers qui opposent les employés de médias à leurs employeurs. On a empêché que ceux-ci ne partent devant les juridictions. Nous avons poursuivi le processus de mise en place de nos antennes à l’intérieur du pays puisque qu’on avait commencé en 2021, mais à cause du coup d’État, on avait stoppé le processus. Mais, en 2022, on l’a relancé. Ce qui nous a permis de mettre en place les antennes de Kankan, de Faranah, de N’zérékoré et de Boké. Donc, on a fait ça cette année. Et puis, nous avons, au cours de l’année, intensifié le processus de syndicalisation, c’est-à-dire appeler les journalistes à se faire syndiquer ; et cela a marché. Parce qu’il y a eu une étude pour la première fois menée sur le paysage médiatique guinéen par Avocats sans frontière France. Et cette étude prouve que 85% des journalistes sondés adhèrent au SPPG. Là également, c’est un bon résultat. C’est ce qui nous a valu beaucoup de choses à l’international. On ne va pas passer sous silence la participation du SPPG, à travers son secrétaire général, à l’atelier sous régional de Grand Bassam, en Côte d’Ivoire, au mois de novembre dernier. Une nouveauté : nous sommes en train de travailler sur le rapport annuel de la situation de la liberté de la presse en Guinée. Vous verrez cette fois-ci un rapport du SPP-G qui va vous parler de la situation de la liberté de la Presse en Guinée. Nous participons pour la deuxième fois à l’établissement du classement mondial de Reporters sans frontière. Pour le classement 2023 également, nous avons été retenus et le processus est en cours. C’est au cours de cette année que nous avons pu obtenir un siège pour le SPPG, et cela, grâce aux doléances portées auprès du président, le Colonel Mamadi Doumbouya quand on l’a rencontré au palais Mohamed V à l’occasion d’un déjeuner de presse qu’il avait offert aux médias. Nous avons également obtenu deux places pour la première fois au sein du Conseil d’Administration de la maison de la presse. Il y a aussi une place au conseil d’administration du FADEM (fonds d’appui au développement des médias). Mais là, il faut préciser que le processus est en cours et ça n’a pas été encore officialisé.

Guineematin.com : Est-ce qu’au regard de tout ce qui vient d’être dit ci-haut, on ne peut pas en déduire qu’il y a eu des efforts de la part du gouvernement en faveur de la corporation ?

Sékou Jamal Pendessa : justement, le gouvernement aussi a fait quelques efforts, il faut le signaler, notamment l’obtention de la maison de la presse à Conakry ici et puis les maisons de la presse régionale à l’intérieur du pays, notamment à N’Zérékoré, à Kankan, à Mamou et à Kindia. Pour le moment, eux, ils ont tenu compte des régions naturelles. Parce que dans chaque capitale de région, il y a une maison de la presse. Et là, il faut mettre ça à l’actif du syndicat et du gouvernement. Mais, nous poursuivons les démarches. Parce que nous nous sommes dit qu’il faut que chaque région administrative ait sa maison de la presse. Le gouvernement a aussi rehaussé la subvention allouée aux médias même si le syndicat n’est pas tellement impliqué, parce que le syndicat n’a pas sa part. Parmi les doléances qu’on a faites dans nos mémos, on demande à ce que le syndicat ait sa part désormais dans la répartition des subventions. On espère qu’au cours de l’année 2023, on va accéder à ça.

Guineematin.com : vu que tout n’a pas été rose au cours de l’année 2022, quelles sont les perspectives du syndicat des professionnels de la presse de Guinée ?

Sékou Jamal Pendessa : notre démarche est de faire en sorte que Faranah, Boké et Labé aient aussi leurs maisons de la presse. L’obtention d’une part dans la répartition de la subvention allouée aux médias. Nous comptons aussi signer, cette fois-ci, la convention collective qui est l’ADN du SPPG. Nous nous sommes battus depuis la création du SPPG, ça a été notre combat phare. Sinon, on était partis jusqu’à quelques microns de la signature de la convention, quand il y a eu incompréhension entre les patrons et le syndicat. On espère qu’au cours du premier trimestre de l’année 2023 qu’on pourra signer cette convention. Sans oublier aussi qu’on veut élargir le partenariat à l’international. Nous ambitionnons de créer une mutuelle pour les journalistes pour assister les journalistes malades. On ne veut plus que ça soit une sollicitation spontanée, circonstancielle, non. Mais, que ça soit institutionnalisé. Et que tout journaliste de la République de Guinée qui accepterait, vienne s’enregistrer, moyennant une petite contribution et cela vous garantit une prise en charge médicale. Parce que nous, quand on aura notre part dans la subvention, ce n’est pas à mettre dans nos poches. Il y a une partie qui sera consacrée au fonctionnement du syndicat, bien sûr, mais la grande partie sera consacrée à la prise en charge des journalistes malades sous forme de mutuelle.

Propos recueillis par Malick DIAKITE pour Guineematin.com

Tel : 626-66-29-27

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