Bilan de l’OPROGEM en 2022 : « nous avons eu 266 cas de viols enregistrés et déférés » (Entretien)

La croisade contre les Violences basées sur le genre (VBG) se poursuivent aussi bien de la part des services étatiques que des ONG qui en ont la vocation. Au compte de l’année 2022 qui tire à sa fin, des cas de viols, de traite de personnes, de violences conjugales, de harcèlement sexuel, entre-autres, ont été mis à jour et traités devant les services compétents.

Selon Marie Gomez, directrice générale de l’Office de protection du genre, de l’enfance et des mœurs (OPROGEM), quelques 266 cas de viols ont été enregistrés et déférés devant les autorités. Dans une interview accordée à un reporter de Guineematin.com, la directrice a donné un bilan détaillé des actions menées sur le terrain.

Nous vous proposons ci-dessous le décryptage intégral de cette interview.

Guineematin.com : madame, vous êtes la Directrice générale de l’OPROGEM, une structure qui, en relation avec la justice et certains partenaires, réprime plusieurs infractions liées aux Violences basées sur le genre. Que peut-on retenir des actions que vous avez menées en 2022 ?

Marie Gomez : en termes de bilan, nous avons mené pas mal d’activités dans le cadre du renforcement des capacités opérationnelles en ce qui concerne les équipements pour nos agents sur le terrain. Mais quand on parle du bilan, on ne peut pas parler du bilan sans parler des chiffres. Nous avons des chiffres, mais des chiffres qui font froid au dos, quand on parle des infractions liées aux VBG. Alors, en ce qui concerne la formation, nous n’avons reçu pas mal de formations au courant de l’année 2022. Expertise France a formé 250 policiers dans le cadre de la traite des personnes et les pratiques assimilées. D’abord, il y a eu une tranche de formation des formateurs. Les cadres qui ont été retenus à la fin de cette formation ont été déployés dans les 8 régions administratives pour aller restituer ce qu’ils ont reçu comme formation aux cadres n’ayant pas pu effectuer le déplacement à Conakry pour leur formation. Donc ça, c’est un acquis. Parce qu’on ne peut s’attaquer à une infraction si on ne connaît pas la définition et les éléments constitutifs de l’infraction pour pouvoir réprimer les faits. Ensuite, les partenaires nous ont accompagnés durant les années 2019 et 2020 en termes de rédaction des procès-verbaux dans le cadre du renforcement des capacités opérationnelles de nos agents sur le terrain. Mais, c’était la zone spéciale de Mamou, Labé, Kankan qui n’avait pas bénéficié de cette formation. C’est à Mamou que la séance de formation a eu lieu, moi-même j’étais de la partie où les formateurs formés sont allés pour la restitution aux agents de cette brigade spéciale de Mamou. Il s’agissait de leur expliquer comment rédiger des procès-verbaux quand ils sont en face des victimes et les présumés auteurs des infractions liées aux VBG orientées vers chez nous. Mais, on avait remarqué qu’il y avait 3 régions qui n’avaient bénéficié de cette formation. Il s’agit de Faranah, Boké et de Kindia. Alors cette année 2022, on a jugé nécessaire d’offrir cette formation aux agents de ces trois régions sur les 3 thématiques à savoir l’établissement des procès-verbaux sur les VBG, la traite des personnes, les droits des êtres humains. Parce que les officiers de police judiciaire, nous devons savoir qu’au tant les citoyens ont leurs droits, autant, nous aussi nous avons nos droits. Donc, il faut apprendre cela aux différents officiers de police judiciaire qui sont sur le terrain et qui font un travail vraiment de titan. Ensuite, nous avons été appuyés par l’Interpol qui est la police internationale. Le bureau régional au niveau de l’Afrique de l’Ouest qui se trouve à Abidjan. Interpol est composé de 195 pays membres, dont la Guinée. En commun accord avec cette organisation, il nous a été offert une formation. Il y a eu des experts qui ont quitté la France, à Lyon, plus d’autres cadres du bureau régional d’Interpol pour former cette fois-ci pas seulement les cadres de l’OPROGEM mais aussi, l’OCAD (Office central antidrogue), la protection civile, la sécurité publique ainsi que les cadres se trouvant au niveau des frontières terrestres et aéroportuaires. Parce que spécifiquement, c’était la traite des personnes et les pratiques assimilées. On parle de traite, c’est quand il y a le recrutement, le transport, l’hébergement et l’exploitation. Et, vous n’êtes pas sans savoir qu’il y a eu un départ massif de nos sœurs et de nos enfants vers les pays du Golfe ; et arrivées dans ce pays, elles sont dépossédées de leurs documents de voyage et subissent toutes formes d’exploitations domestiques, d’abus sexuels, physiques. Nous sommes, tout le temps, confrontés à ce problème. Donc, Interpol a jugé utile de déployer nos agents ayant bénéficié de la formation au niveau de nos frontières telles qu’à Kourémalé, vers le Mali ; à Pamélap, vers la Sierra Leone, et à l’aéroport international de Conakry avec un plan opérationnel confidentiel qui avait été établi à cet effet. Puis il y a eu des interpellations à tous ces niveaux tout comme au niveau des motels.

Parlant de la traite des personnes, disposez-vous de chiffres pour l’année 2022 ?

Marie Gomez, directrice générale de l’Office de protection du genre, de l’enfance et des mœurs (OPROGEM)

Dans le cadre de la traite des personnes, nous avons interpellé, le 19 mai 2022, 180 personnes suite à une information de la part d’une victime qui s’est évadée dans le groupe. Une malienne qui a été conduite à l’OPROGEM ici. Jusqu’à présent, elle est là. Dans les 180 personnes interpellées, nous avons eu 127 mises à la disposition des parents faute de preuves. 53 personnes ont été déférées dans les tribunaux de Coyah et de Dubréka. 5 ont été condamnées, chacune, à 3 mois de prison ferme, avec une amende d’un million de francs par personne. 20 ont été condamnées à 6 mois de prison avec sursis et une amende de 1 à 3 millions de francs. 3 personnes ont été placées sous contrôle judiciaire pour d’autres infractions de droit commun. Vous avez suivi, le président de la transition a offert 41 motos au service de l’OPROGEM pour l’ensemble de nos représentants dans les 33 préfectures et les régions administratives. Vous savez qu’il y a des endroits où des véhicules ne peuvent pas arriver. Avec ces motos, nos représentants peuvent désormais aller dans les confins à la rencontre des présumés auteurs qui ont commis une infraction liée aux VBG parce qu’il n’y a pas le viol que nous gérons : nous avons l’infanticide, la traite des personnes, nous avons également les enlèvements, les violences physiques et les cas d’abandons, les cas d’excision, les mariages précoces. Nous gérons toutes ces différences infractions à notre niveau. Lorsqu’on parle de bilan, voilà ce qu’on peut vous apporter comme bilan. Nous avons une bonne collaboration avec la justice actuellement. Mais nous avons des difficultés avec certaines familles de certaines personnes victimes de violences. Il y a de ces cas, quand on vient nous saisir des faits dont les enfants sont victimes, le lendemain, les parents viennent nous dire qu’ils se sont désistés.

Au-delà des interpellations que vous venez de citer, relatives aux infractions portant sur quelques violences basées sur le genre, pouvez-vous nous donner quelques statistiques liées aux différentes infractions que vous réprimez avec la justice ?

Marie Gomez, directrice générale de l’Office de protection du genre, de l’enfance et des mœurs (OPROGEM)

Pour cette année 2022, du 1er janvier au 30 novembre, nous avons eu 266 cas de viols enregistrés et déférés. Les cas d’enlèvement, on en a reçu 91, pendant que les cas d’abandons d’enfants, nous en avons enregistré 167. Pour les séquestrations, on a enregistré 66 cas. S’agissant des cas de coups et blessures volontaires, on en a reçu 220. Abandons de familles, 230 cas ; pour ce qui est du harcèlement, on en eu 20 cas, surtout le harcèlement dans les milieux professionnels. La traite de personnes, on a enregistré 147 cas. Les mariages précoces et forcés, 57 cas ; les menaces, 58 cas ; les violences physiques, 135 cas ; la maltraitance, 53 cas ; les violences conjugales, 59 cas ; les injures publiques, 78 cas ; et l’invitation des mineurs à la débauche, 18 cas. Voilà en résumé les statistiques dont on dispose liées aux violences basées sur le genre que nous avons enregistrées du 1er janvier au 30 novembre 2022 sur toute l’étendue du territoire national.

Quelles sont les perspectives que vous avez pour l’année 2023 qui se profile à l’horizon ?

En ce qui concerne les perspectives de l’année 2023, nous comptons accentuer nos séances de sensibilisation et élargir cela au niveau l’ensemble du territoire national. Surtout, aller vers les personnes les mieux indiquées et ces personnes, ce sont les jeunes. Comme ça, nous irons dans les universités et les établissements scolaires. Je voudrai, à cette occasion, demander aux parents des enfants d’être vigilants et surtout d’accepter de collaborer avec la justice et la police nationale ; bref, les forces de défense et de sécurité. Il ne faut pas que les gens restent dans leurs maisons et ne pas venir vers nous quand les enfants sont victimes de ces différents abus. Ils n’ont qu’à avoir le courage de venir dénoncer. C’est ce qui nous permettra de nous saisir des affaires. Bien que les ONG font beaucoup de dénonciations, mais il faudrait bien que les parents aient le courage de venir vers nous. Ça, c’est un. Deuxièmement, c’est de remercier les partenaires techniques et financiers qui ne ménagent aucun effort pour nous accompagner dans le cadre du renforcement des capacités opérationnelles de nos agents dans nos différents services.

Entretien réalisé par Mamadou Laafa Sow pour Guineetin.com

Tél : 622919225

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