Charles Wright à la CRIEF : « ce qui vous attend est encore plus difficile que ce que vous avez fait jusque-là »

Le Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Alphonse Charles Wright, en compagnie de plusieurs cadres du département, a effectué ce jeudi, 5 janvier 2023, une visite à la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF). La démarche du Garde des Sceaux visait à échanger avec les magistrats de cette juridiction spéciale autour des nouvelles innovations entreprises dans le cadre de la moralisation de la vie publique. Le ministre prévient que le chemin à parcourir est encore plus long et plus tortueux, a constaté sur place Guineematin.com à travers un de ses reporters.

Charles Alphonse Wright est venu présenter deux documents importants permettant aux chefs des différentes juridictions d’être non seulement plus efficaces dans leur travail mais aussi de travailler dans la plus grande transparence. Il s’agit, apprend-on, d’un rapport annuel composé de 7 chapitres que sont : le contexte, la brève représentation de la juridiction, les activités annuelles de la juridiction, les difficultés rencontrées, le partenariat, les défis et perspectives et la conclusion. Le deuxième document concerne ce qu’on appelle les notices mensuelles. C’est un document, selon le département, qui permet d’apporter des corrections en temps réel dans les différentes juridictions du pays.

Aly Touré, procureur spécial près la CRIEF

Avant la présentation de ces deux documents au personnel de la CRIEF, le Procureur spécial près la CRIEF, Aly Touré a énuméré des difficultés rencontrées courant 2022. « Monsieur le ministre, l’année 2022 n’a pas été que radieuse pour nous. En plus des difficultés que vous connaissez par rapport à l’allocation de notre budget, nous investiguons ici sur la matière financière. Et du point de vue procédures, nous avons de sérieuses difficultés parce que les ordonnances 007 et 009 qui nous régissent, nous rabattent sur le code de procédure pénale. Vous êtes magistrat, vous avez suivi beaucoup de procédures et je vous rappelle que vous avez instruit un dossier de détournement de deniers publics où des moustiquaires ont été détournés dans notre pays. Ce dossier vous a permis d’aller très loin dans les investigations et vous avez compris la complexité des investigations en matière financière. La difficulté que nous exprimons ici est liée aux spécificités propres aux enquêtes financières, lorsque nous devons scrupuleusement respecter les textes et les délais contenus dans le code de procédure pénale. Sous d’autres cieux, les délais en matière financière sont doublés. Malheureusement chez nous encore, on est lié aux délais rigoureux du code de procédure pénale. C’est une doléance que je pose puisque vos techniciens sont ici présents. Au niveau de la direction nationale de la législation, si on peut faire des propositions par rapport aux délais procéduraux, ne serait-ce que pour la CRIEF, ça va beaucoup nous aider pour que nous soyons beaucoup plus efficaces dans la conduite des affaires que nous menons ici », a laissé entendre Aly Touré.

Alphonse Charles Wright, ministre de la Justice Garde des Sceaux

En réponse, le ministre de la Justice s’est dit conscient des conditions de travail et de vie du personnel de la CRIEF. Mais pour aider à améliorer ces conditions, Alphonse Charles Wright a expliqué que les tâches auxquelles ils sont commis ne sont nullement faciles et que pour surmonter les défis qui s’imposent, il faut le sacrifice de soi. « Je voudrais sincèrement, avec beaucoup d’humilité, dire que le travail que vous êtes en train de faire, nous sommes conscients des difficultés et des défis qui vous attendent. Nous sommes conscients que vous êtes dans un navire qui, avec le petit temps que vous avez pu piloter, chacun a pu avoir une petite idée sur l’étendue de vos différentes responsabilités. Ça pouvait être facile avec certains, mais aujourd’hui avec le temps, le recul, vous découvrirez vous-mêmes, en tant professionnels, que ce n’est pas une mission facile… Je suis porteur de 3 messages. Sur la difficulté que vous venez de soulever, Je voudrais porter à votre que l’avant-projet de la loi sur la CRIEF est déjà terminé. Compte tenu de la spécialité de la matière, dans les prochains mois, cette loi, je la défendrai devant le CNT. Vous serez accompagnés par des techniciens ici. Votre compétence va s’élargir sur les questions économiques, financières et fiscales. Les affaires de produits pharmaceutiques, vous ne serez plus compétents pour les gérer. Ça deviendra un de trop. Vous savez, pour être efficaces, il faut cadrer vos objectifs. Vous ne pouvez pas être sur tous les fronts. Vous avez les juridictions de droit commun qui vont beaucoup vous aider. Mais ça ne va pas être fait comme ça, ça doit être fait sur la base de la loi. Mais avant de faire passer cette loi, je vous la soumettrai pour votre observation. On en fait quoi ? C’est une machine qui a été mise en place pour la moralisation de la vie publique. Ce n’est contre personne. Seul Dieu sait combien de fois c’est difficile que pour des magistrats que vous êtes de vous atteler au plus grand mal du siècle. C’est le détournement des deniers publics.

Par ailleurs, Alphonse Charles Wright a invité les magistrats de la CRIEF de résister à la tentation. « Il y a 3 forces souterraines auxquelles vous devez résister pour réussir. Des forces qui peuvent mettre pression sur vous parce qu’elles vous entourent. La première force qui peut nous influencer, ce sont nos mères. La deuxième force, ce sont nos épouses et la troisième force, c’est l’argent. Vous savez, entre vous et moi, difficilement je parle d’argent avec vous. Nous, on s’est sacrifiés pour cette institution. Je ne veux pas parler d’argent avec vous. On le sait tous, nous sommes prédisposés à servir partout. L’égalité de traitement de tous les magistrats est un principe sacro-saint chez nous. Mais, je le dis, vous méritez des primes d’encouragement. Et ça, je vais me battre, ça va être fait. Je sais ce qui se passe. Tout n’est pas rose. Je le sais. Mais ce que je vais dire aussi, c’est que, ce qui vous attend est encore plus difficile que ce que vous avez fait jusque-là. Ça, vous pouvez me croire ».

En outre, le Garde des Sceaux a invité la CRIEF à faire médiatiser les procès qui s’y tiennent. « Le peuple de Guinée vous regarde. C’est pourquoi, je vais faire un petit plaidoyer à l’égard des magistrats du siège, mais aussi des magistrats du parquet. Faites-en sorte que ce que vous faites ici comme jugement de dossiers, que la publicité des débats puisse être demandée au siège pour permettre aux médias de venir couvrir vos procès ».

Pour finir, Charles Wright a promis d’assurer la sécurité des magistrats de la CRIEF. « Ce que je vais dire, c’est que cette fois-ci, beaucoup va changer en termes de conditions pour vous encourager et pour vous permettre d’être en sécurité. Si ce sont des menaces, je les reçois tous les jours, mais on ne m’entend pas par rapport à ça. Je sais que vous vous vivez sous pression. Mais ce que vous faites, vous le faites par métier et par amour pour votre pays », a-t-il laissé entendre.

Mamadou Laafa Sow pour Guineematin.com

Tél : 622919225

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