165 jours de clandestinité pour Abdoulaye Oumou du FNDC : « ce qui me fait le plus mal, c’est quand sa fille me demande de l’envoyer chez son papa »

Abdoulaye Oumou Sow et Mme Fatoumata Diaraye Baldé 

C’est le témoignage d’une épouse attristée par l’absence de son mari, mais aussi très déterminée à soutenir le combat pour lequel son époux a été contraint à vivre dans la clandestinité. Mme Fatoumata Diaraye Baldé, épouse du responsable de la communication du FNDC (Abdoulaye Oumou Sow), ressent un sentiment d’impuissance à chaque fois que sa fille aînée lui réclame son papa. « Je me sens inutile(…), ça fait très mal au cœur », a-t-elle confié dans un entretien accordé à Guineematin.com ce mardi, 10 janvier 2023. Mais, cette mère de deux enfants espère triompher des épreuves du moment. « Avec la volonté de Dieu, nous finirons par vaincre », a-t-elle déclaré avec beaucoup d’espoir.

Depuis un peu plus de cinq mois, Abdoulaye Oumou Sow vit en cachette pour éviter d’être arrêté et jeté en prison. Des poursuites judiciaires planent sur sa tête et il est recherché par les services de sécurité. Son crime jusque-là connu a été de s’engager, au sein du FNDC (Front national pour la défense de la constitution), dans une lutte pour un retour rapide et apaisé de la Guinée à l’ordre constitutionnel.

Avec le FNDC dont il est le responsable de la communication, il souhaite que le CNRD (la junte militaire au pouvoir en Guinée depuis le 05 septembre 2021 :ndlr) rende le tablier le plus tôt que possible en organisant des élections inclusives et transparentes pour que le peuple choisisse librement ses dirigeants. Mais, son souhait ne cadre visiblement pas avec ceux du CNRD. D’où ses présents ennuis qui le contraignent à vivre dans la clandestinité.

Une vie qu’il a annoncée à sa femme au téléphone. « Ça été un au revoir assez tragique, assez émotionnel. Quand il (Abdoulaye Oumou Sow) m’a dit au revoir au téléphone, j’ai ressenti une grande peur », a confié Fatoumata Diaraye Baldé, son épouse, ce mardi.

Après165 jours, cette peur habite toujours cette jeune femme. C’est la première fois qu’elle vit une si longue séparation avec son époux depuis leur mariage (il y a 5 ans). Et, aujourd’hui, elle brûle d’envie de voir le père de ses enfants rentrer en paix. Mais, son désir ne l’amène pas à lui demander de renoncer à sa lutte. D’ailleurs, elle dit être prête à le soutenir jusqu’au bout.

« Face à une telle situation, tu t’attends souvent à ce qu’on appelle pour te dire que ton mari a été arrêté ou qu’il lui est arrivé ceci ou cela. Tu n’es vraiment pas tranquille. Mais, il ne me vient jamais en tête de lui dire de renoncer à son combat. Parce que je sais que ce combat qu’il mène est un combat noble, ce n’est pas un combat pour sa famille, mais c’est celui de tout un pays. Et, quoi qu’il arrive, je vais le soutenir et l’accompagner dans ce combat », a déclaré Fatoumata Diaraye Baldé.

Le combat de son mari est dur et le chemin d’y arriver est parsemé d’embûches. Fatoumata Diaraye Baldé en est consciente.  Et, d’ailleurs, elle vit une douleur constante depuis que son époux est entré dans la clandestinité.

« Je sais que s’il est là, il est d’un grand soutien. Sa présence nous apporte de la tranquillité. Mais, actuellement, je suis constamment inquiète pour lui. Je me demande comment il vit, comment il arrive à trouver à manger. 165 jours sans lui auprès de nous, surtout ses enfants, c’est difficile. On a même fait le baptême de notre dernier enfant à son absence. Ça n’a vraiment pas été facile. Mais, avec le soutien de la famille, on s’accroche, on tient le coup et on espère que nous finirons par gagner… C’est vraiment difficile avec les enfants, surtout la grande qui réclame souvent son papa. Je lui dis toujours que son papa est parti pour une mission et qu’il va bientôt rentrer. Mais, à chaque fois elle me demande de l’envoyer chez son papa. Elle me dit parfois qu’elle veut passer la nuit avec son papa. Après l’école aussi, elle demande toujours si son papa n’est pas rentré », raconte-t-elle avec une certaine tristesse.

Avec le soutien de sa famille, Fatoumata Diaraye Baldé tient encore le cap. Elle s’accroche comme elle peut aux valeurs et aux idéaux défendues par son mari. Et, du mieux qu’elle peut, elle s’occupe de l’éducation de leurs enfants. Mais, son « plus grand mal », c’est ce sentiment d’impuissance qui l’habite à chaque fois que sa fille réclame son père.

« Mon plus grand manque aujourd’hui, c’est son absence auprès de nous. Ça fait 5 ans depuis notre mariage, et c’est la première fois qu’on est séparé ainsi. Mais, ce qui me fait plus mal, c’est quand sa fille me réclame de l’envoyer chez son papa et que je sois incapable de lui faire ce plaisir. C’est comme si je me sentais inutile, et ça fait très mal au cœur. Mais, je sais que ça va aller, avec la grâce de Dieu. Avec la volonté de Dieu, nous finirons par vaincre », a-t-elle dit, tout en laissant remonter les douloureux souvenirs de la dernière descente des forces de l’ordre à son domicile.

« Dernièrement, quand nous avons subi l’attaque des forces de l’ordre à notre domicile, j’ai failli perdre mes enfants. Avec la quantité de gaz lacrymogènes tirée dans la maison, c’était difficile de respirer. Et d’ailleurs, ce jour, le bébé venait juste d’avoir deux mois. J’ai failli la perdre. Malgré ce traumatisme, nous essayons d’être fort. Puisqu’on estime que beaucoup d’autres compatriotes sont autant victimes que nous et d’autres ont d’ailleurs perdu les leurs dans cette injustice incarnée par l’État qui est censé protéger tout le monde. Et, c’est bien dommage pour notre pays », a déploré Fatoumata Diaraye Baldé.

Mamadou Baïlo Keïta pour Guineematin.com

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