165 jours de clandestinité pour Billo Bah du FNDC : « il m’arrive parfois de passer plusieurs jours sans voir la lumière du soleil »

Mamadou Billo Bah, responsable de la mobilisation et des antennes du FNDC

C’est une ‘’prison à ciel ouvert’’ que décrit Mamadou Billo Bah pour parler de sa ‘’vie en clandestinité’’. Ce responsable des antennes du FNDC (Front national pour la défense de la constitution) est menacé de poursuites judiciaires (comme beaucoup d’autres de ses camarades du FNDC). Et, depuis un peu plus de cinq mois, il vit en cachette pour éviter d’être arrêté. « Une vie dure » qui le laisse coupé de sa famille et de ses activités professionnelles. 

« Il m’arrive parfois de passer plusieurs jours sans voir la lumière du soleil… Mais, cette vie de clandestinité nous l’avons choisi (…), parce que nous estimons qu’aller en prison est une manière de permettre à la junte militaire (le CNRD) au pouvoir de décapiter le mouvement (FNDC) et de mettre fin à toutes nos activités de lutte pour la préservation des acquis démocratiques et la restauration de l’Etat de droit », a-t-il confié dans une interview accordée à Guineematin.com hier, lundi 09 janvier 2023.

Ce mardi [10 janvier 2023] marque 165 jours de clandestinité pour Billo Bah. Il est sorti de chez lui le jour du baptême de son dernier enfant. Et depuis, Il n’a aucun contact physique avec sa famille. Il se contente, avec tristesse, de contempler les visages de sa femme et de ses trois enfants sur l’écran de son téléphone, sur les réseaux sociaux.

« Ma fille aînée de 6 ans ne cesse de me réclamer. Elle n’est pas habituée à vivre à mon absence. Donc, je suis parfois obligé de lui mentir pour prétexter l’impossibilité pour moi de rentrer très tôt à la maison. Et puis, j’ai quitté la maison le jour du baptême de mon dernier enfant. Donc, c’est vraiment très difficile de vivre ainsi (dans la clandestinité). Mais, lorsqu’on est dans un tel combat, on met sa vie sentimentale en veilleuse pour pouvoir tenir le coup. La seule anxiété que j’ai, c’est le fait qu’il n’était dans mon programme que mes enfants soient éduqués à mon insu. Donc, cela me met très mal à l’aise », a-t-il témoigné.

Dans sa vie de clandestin, Mamadou Billo Bah repose sur ses maigres moyens. Mais, il ne s’en plaint pas et cela n’entame en rien sa détermination à mener sa lutte pour la démocratie et l’Etat de droit en Guinée. Son rêve est de voir des générations de Guinéens s’épanouir dans la démocratie.

« Depuis que je suis dans la clandestinité, il m’arrive parfois de passer un bon bout de temps, c’est-à-dire plusieurs jours, voire des semaines, sans voir la lumière du soleil. Je ne me déplace que par extrême nécessité, c’est-à-dire lorsqu’il y a une réunion ou une intervention médiatique. Tout ça c’est pour éviter d’exposer ma cachette. Et, heureusement pour moi, j’évolue dans des professions libérales et j’avais entrepris des initiatives génératrices de revenu qui fonctionnent indépendamment de mon temps. Et, c’est ce qui me permet de tenir le coup et de prendre en charge ma famille dans la plus grande dignité… Le combat que nous menons, nous ne sommes pas obligés de le mener. Mais, c’est parce que nous avons nous-mêmes décidé de notre propre chef, en toute conscience, en toute objectivité et de façon très rationnelle de nous engager dans une telle lutte. Parce que nous estimons qu’il faut qu’il y ait un Guinéen ou un groupe de Guinéens qui acceptent de s’engager dans une telle lutte pour permettre aux futures générations de profiter des fruits de ce combat. Nous souhaitons que les générations à venir héritent d’une Guinée démocratique et dotée d’un Etat de droit, une Guinée où il y a la bonne gouvernance et où le développement est amorcé », a-t-il indiqué.

Selon cet activiste et responsable des antennes du FNDC, son quotidien est actuellement meublé de « réunions virtuelles, rédiger des communiqués, faire des recherches sur internet, suivre l’actualité socioéconomique du pays et faire des interventions médiatiques ». Mais, le plus difficile, c’est le fait de changer régulièrement de « cachette » pour éviter de se faire arrêté.

« La privation de liberté est difficile et dure. C’est une situation dans laquelle vous êtes obligés de changer régulièrement de refuge pour échapper aux mailles de filets de la sécurité de votre pays, vous êtes obligés très souvent de vous terrer et limiter vos mouvements, vous êtes obligés d’éviter les appels directs, vous êtes privés de vos droits civiques, vous ne pouvez pas exercer vos occupations professionnelles. Donc, nous traversons une période très dure, nous sommes dans une situation où on ne peut même pas accéder à nos familles parce qu’elles sont fliquées. Nous avons appris qu’il y a des motards qui sont postés aux abords de nos domiciles. Mais, cette vie de clandestinité nous l’avons choisi au détriment d’aller en prison ou en exil, parce que nous estimons qu’aller en prison est une manière de permettre à la junte militaire au pouvoir de décapiter le mouvement (FNDC) et de mettre fin à toutes nos activités de lutte pour la préservation des acquis démocratiques et la restauration de l’Etat de droit… Nous avons déjà passé plus de cinq mois de clandestinité. C’est très difficile de mener une telle vie où vous n’avez pas accès à vos femmes, à vos enfants. Moi personnellement, j’ai une mère qui est très maladive, très sensible et très sentimentale. Donc, elle a des problèmes de santé récurrents et elle s’inquiète beaucoup pour moi… Mais, renoncer au combat à cause des difficultés que nous rencontrons n’a jamais traversé notre esprit et ne va jamais traverser notre esprit en tant que combattant de la démocratie. Parce que nous étions déjà préparés à tout ça. Et, ce qui nous renforce dans notre conviction, c’est de bénéficier du soutien du peuple, c’est de savoir qu’une frange importante de nos concitoyens se reconnait au combat que nous menons », a rassuré Billo Bah.

Mamadou Baïlo Keïta pour Guineematin.com

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