Conakry : immersion dans le difficile quotidien des mères seules ou célibataires

Le phénomène de mères, divorcées, veuves, ou célibataires, vivant avec des enfants est l’une des facettes de nos sociétés pas souvent mises sous le feu des projecteurs. Pourtant, de nombreuses femmes vivent cette situation, et se trouvent être confrontées à des difficultés de plusieurs ordres : besoins de nourriture, de vêtements, de formation et de cohabitation tranquille avec la communauté. A cela s’ajoute la difficulté pour certaines de se remarier à cause des nombreux préjugés. Certaines de ces femmes, interrogées par un reporter de Guineematin.com, ont levé un coin du voile sur leurs problèmes quotidiens.

Pourquoi la plupart des hommes évitent d’être en couples avec des mères célibataires ? Et comment les mères célibataires vivent-elles avec leurs enfants ? Que dit la religion musulmane du remariage des mères célibataires ? Un de nos reporters a cherché à en savoir davantage.

En effet, le phénomène des mères célibataires est une réalité en Guinée, notamment dans la capitale Conakry. Il n’est pas rare de croiser des jeunes femmes qui vivent seules, avec un ou plusieurs enfants, sans conjoint ou époux. Elles sont quelques fois objets de stigmatisation, exposées à la précarité et à certains travers sociaux.

Mabinty Camara, mère célibataire

Pour Mabinty Camara, depuis que le premier mariage a foiré, elle vit seul. « J’ai eu deux enfants avec mon ex-mari. On était légalement marié, c’est le fils de mon oncle paternel. J’étais à Kindia, c’est lui qui est allé me chercher là-bas pour venir ici, à Conakry. Après la naissance de notre premier fils, je suis répartie à Kindia où mon enfant et moi sommes restés pendant longtemps avant que mon mari ne revienne encore me chercher. Dès que je suis retombée enceinte pour une deuxième fois, les problèmes ont commencé entre nous, il m’a fait subir des choses que je ne souhaiterais même pas à mon pire ennemi. J’étais devenue comme un chiffon. J’ai finalement compris qu’il était mieux pour moi de demander le divorce que de continuer à vivre l’enfer sur terre. Malheureusement, l’un de mes enfants est décédé, mais le second qui est là vit avec moi, et grâce à mon abnégation, j’arrive à payer ses frais de scolarité à l’école. Il a ses 5 ans maintenant. Il y a au moins trois hommes qui m’ont dit qu’ils veulent de moi en mariage, mais j’ai compris qu’ils voulaient plutôt tirer leurs coups et partir. Ils n’étaient pas prêts à m’accepter avec mon enfant. On ne peut pas vouloir de la maman du veau et rejeter son petit, c’est impossible. Pour le moment, je suis une mère célibataire qui n’a pas trouvé un homme avec lequel se remarier. Je ne veux pas voir mon ex-mari et je n’aime même entendre parler de lui… ».

Mariama Camara, mère célibataire

Pour sa part, Mariama Camara est une mère célibataire, jamais mariée, elle a fait un enfant avec un homme alors qu’elle était élève. Cette situation l’a poussée à abandonner les études pendant un long moment pour se consacrer à son enfant. Quant à l’homme, il a fini par l’abandonner avec le bébé, accuse-t-elle. « Mon enfant est avec mes parents, moi je voulais poursuivre mes études en Santé publique mais cette année je ne pourrais le faire car je n’ai aucun soutien financier et mes parents aussi n’ont pas les moyens nécessaires. Actuellement, les hommes ne sont intéressés par les femmes que pour l’accomplissement de leur désir, une fois qu’ils obtiennent ce qu’ils veulent, c’est fini, ils te mettent dans la poubelle. Pour le moment, je n’ai pas rencontré un homme qui veut de moi dans le cadre du mariage, c’est difficile pour un homme d’épouser une mère célibataire. Récemment, un homme m’a dit qu’il voulait de moi, mais depuis que je lui ai fait comprendre que j’ai un enfant, il n’est plus revenu. Je conseillerai toutes les filles et femmes célibataires de se protéger pour ne pas faire d’enfants avant le mariage… ».

Élisabeth Sovogui, mère célibataire

Élisabeth Sovogui, la vingtaine, assure seule l’éducation de son fils, Jean Guilavogui. Le père de l’enfant lui avait promis le mariage. Actuellement, elle fait le linge dans certaines familles pour subvenir à ses besoins. « Pour moi, ce n’est pas compliqué de mener cette vie de mère célibataire parce que je travaille. Il y a des hommes qui viennent vers moi pour me dire qu’ils souhaitent m’épouser, mais je leur demande toujours d’aller réfléchir avant d’entreprendre toute démarche allant dans le sens du mariage, parce que si quelque chose t’arrive une fois, la deuxième, tu aurais fait exprès ».

Cheick Ahmed Khav, citoyen

Certains hommes ne trouvent aucun mal à entreprendre des démarches de mariage avec des mères célibataires. Cheick Ahmed Khav est dans cette situation depuis deux mois avec une femme qu’il a rencontré récemment. « Aujourd’hui, je veux épouser une femme qui a déjà un enfant. Dès le départ, elle m’a dit la vérité parce que dans toute chose, il faut qu’il y ait de la franchise. Certains hommes pensent que les mères célibataires sont des sources de problèmes, notamment financiers. D’autres estiment que l’enfant d’une mère célibataire crée toujours des soucis à la longue. Moi, je trouve que cela est injuste, si vous voulez fonder un foyer avec quelqu’un, vous devez commencer par mettre des bases solides de votre relation. Si on disait aussi le contraire, c’est-à-dire que tous les hommes qui ont des enfants ne seront acceptés par aucune femme, est-ce que les hommes vont accepter cela ? Moi je trouve tout simplement qu’elles sont victimes et innocentes », soutient-il.

Mamoudou Touré, technicien

Par contre, il y en a qui ne veulent absolument pas se lancer dans un projet de mariage avec une mère célibataire. C’est le cas de Mamoudou Touré qui a perdu sa femme il y a quelques mois, mais qui n’envisage pas de se remarier avec une mère célibataire. « Je préfère me marier à une femme célibataire qui n’a jamais fait d’enfant. Si tu épouses une mère célibataire, l’enfant qu’elle va apporter chez toi finira, premièrement, par retourner chez son père. Et, deuxièmement, toi l’homme, tu vas souffrir avec le financement de ses études et ses soins médicaux. Imaginez que cet, une fois qu’il atteindra sa majorité, lorsqu’il aura ses 20 ans ou 25 ans, il ira chercher son papa. En plus, mes parents n’accepteront pas que j’épouse une mère célibataire, c’est quelque chose de très compliqué ».

Oustaz Mohamed Ramadan Bah, chroniqueur islamique et imam à la Mosquée de Koloma

La religion musulmane ne trouve aucun inconvénient pour un homme à épouser une mère célibataire. Oustaze Ramadan Bah, imam et chroniqueur, classe ces femmes en trois catégories qui sont : les divorcées, les veuves et celles qui ont fait un ou des enfants à la suite d’une fornication. Pour les deux premières, il y a aucune condition imposée selon ce religieux. « Celles qui ont perdu leurs maris ou celles qui ont divorcé après avoir eu des enfants, là il n’y a pas de conditions. Seulement, pour celles qui ont perdu leurs maris, elles doivent attendre la période de veuvage, qui est de 4 mois et 10 jours. Si cette période arrive à expiration, elles peuvent se remarier sans aucun problème. Il y a certains qui disent qu’épouser les femmes veuves peut coûter la vie aussi à leur second époux. Cela ne repose sur aucune preuve. La vie appartient à Dieu. Pour celles qui ont divorcé ; là, il faut faire attention, chercher à savoir les causes. Qu’est-ce qui a causé le divorce ? Est-ce que c’est la faute de la femme ou bien du mari ? Parce qu’il y a des fautes qu’on peut pardonner et il y en a d’autres qu’on ne peut pas pardonner. Par exemple, si la femme est perverse ou associatrice, c’est-à-dire elle associe d’autres croyances à Dieu, si c’est à cause de cela qu’elle a divorcé avec son premier mari, là il faut éviter cette femme. Cette femme doit se repentir avant qu’on ne la remarie. Pour celles qui ont eu des enfants hors mariage, elles ont fait une grande faute et là aussi, ça demande qu’elles se repentissent, un repentir sincère. Celui qui doit épouser cette femme, doit faire très attention et surtout il doit chercher à savoir si elle n’est plus dans son ancien système qui est la fornication. Parce que, si toutefois il se mariait avec cette femme et qu’elle soit toujours dans ses anciennes habitudes, le mariage n’aura pas longue vie. Voilà pourquoi il faut se renseigner très bien », a-t-il expliqué.

Mamadou Tanou Bah pour Guineematin.com

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