Conakry : l’Association des Victimes du Camp Boiro demande réparation et réhabilitation de leurs proches

Les membres de l’Association des victimes du camp Boiro (AVCB) ont organisé une conférence de presse ce mardi, 24 janvier 2023, à Conakry. La démarche s’inscrit dans le cadre de la commémoration des pendaisons du 25 janvier 1971 sous le régime de Sékou Touré. Les membres de la structure ont demandé à l’Etat guinéen réhabilitation et réparation, a constaté sur place Guineematin.com à travers un de ses reporters.

C’est en prélude à la commémoration du 52ème anniversaire des pendaisons et fusillade du 25 janvier 1971 que l’association des victimes des camps Boiro a organisé cette conférence de presse.

Abdoulaye Conté, secrétaire général de l’Association des victimes du camp Boiro (AVCB)

Le secrétaire général de l’AVCB, Abdoulaye Conté, a rappelé quelques faits historiques qui ont marqué les esprits avec comme point d’orgue, les pendaisons du 25 janvier 1971. « … Le 22 novembre 1970, un débarquement militaire des portugais venait en Guinée, l’objectif était de libérer des prisonniers portugais qui étaient détenus à Mamou, pas à Conakry. Et, une semaine avant le débarquement des portugais, comme par coïncidence, on déplace les prisonniers et, on les envoie à Conakry, à la Bellevue dans des villas qui sont à proximité de la mer. Lorsque le débarquement du 22 novembre intervient, les militaires portugais n’ont qu’à libérer tous leurs prisonniers, aucun n’est resté en Guinée, et ils sont partis. Mais, ils sont venus avec des guinéens qui étaient à l’extérieur, qui voulaient profiter pour renverser Sékou Touré. Ils les ont laissés sur le terrain et ils sont partis. Bien évidemment, ils furent massacrés, mais ce débarquement à la fin fut le moment le plus difficile pour le peuple de Guinée. Ce fut l’occasion pour le président Sékou Touré de faire la plus grande purge de l’histoire de la Guinée. Tous ces civils que vous voyez et ces intellectuels sur les photos, qui ne savaient rien de ce débarquement, furent exécutés dans des conditions horribles, 1970 et 1971 furent les années les plus dramatiques de la Guinée. C’est à ces époques qu’on a perdu tous ceux qui constituaient la crème de l’élite guinéenne dans tous les secteurs… Tous les détenus arrêtés lors du complot de 1969, les Bocar Marega, furent exécutés pour complicité avec les assaillants alors qu’ils étaient depuis 9 ou 12 mois en prison au camp Boiro dans des cellules de 3 à 9 mètres carrés. Dans cette folie meurtrière, l’on était sidéré de voir 17 membres du gouvernement, sur 24 ministres, furent arrêtés et 14 furent exécutés. Ce sont des chiffres incroyables qui n’ont existé nulle part en Afrique », a expliqué Abdoulaye Conté.

Me Jean Alfred Mathos, fils d’une victime du camp Boiro et membre de l’AVCB

Me Alfred Mathos, également fils d’une victime du camp Boiro et membre de l’AVCB, a demandé à l’Etat guinéen de prendre ses responsabilités sur le plan judiciaire avec la refondation qui est prônée par le CNRD. « Il est important que pour la mémoire collective et pour la bataille de l’opinion, puisque nous sommes dans ce cadre, que les guinéens sachent et que le monde entier sache que justice n’a pas été rendue. Quand vous faites un travail de devoir de mémoire, vous devez faire un travail pour restituer la vérité. Cette vérité est sûre, elle est connue et archivée. Mais pour que l’articulation entre vérité, justice et réparation se fassent, il faut que l’Etat guinéen prenne ses responsabilités. On a parlé de violence d’Etat, aujourd’hui si vous voulez interpeller quelqu’un, on sait toujours que la responsabilité pénale est individuelle, beaucoup n’existent plus, mais il est important pour que la refondation tant prônée aujourd’hui se fasse, qu’on fasse un point d’arrêt sur la justice », a-t-il dit.

Alpha Telly Diallo, fils de Diallo Telly, ancien secrétaire général de l’OUA

Alpha Telly Diallo, fils de Diallo Telly, ancien secrétaire général de l’OUA, a exprimé ses doutes un doute vis-à-vis des autorités de la transition. « Comme tous les guinéens, ont était très heureux que le système change et qu’on ait un nouveau pouvoir, qui est venu avec de très belles paroles. Et quelles actions ils prennent ? Nous ne tenons pas compte de ce que tous les guinéens savent, la première chose qu’ils font, c’est de donner le nom de l’aéroport à quelqu’un qui est aussi contesté que Sékou Touré, à quelqu’un qui, dans tous les livres d’histoire du monde entier, est considéré comme un criminel. Deux, ils restituent des biens à des gens où il n’y a aucune preuve que c’est à eux, alors qu’il y a des familles, des centaines de victimes, qui n’ont pas eu aujourd’hui ce qui leur appartient. Donc, c’est pour dire qu’on a beaucoup de doutes. Après, il y a eu une action qui, comme par hasard, peut-être qu’ils l’ont fait pour essayer de calmer un peu les guinéens, ils ont fait ce fameux séminaire sur la réconciliation, mais vous remarquerez qu’il n’y a pas de réconciliation, s’il n’y a pas de vérité et de justice. Il n’est pas question que l’on soulève le tapis, on balaye la mémoire de nos parents sous le tapis pour parler de refondation, ils perdent leur temps. Tant qu’ils ne vont pas réhabiliter correctement, selon les conditions qu’ils ont dites, il n’y aura aucune refondation dans ce pays », a lancé Alpha Telly Diallo, fils de feu Diallo Telly.

L’Association des victimes du Camp Boiro AVCB attend de l’Etat guinéen la réhabilitation et la réparation des dommages causés par le régime de Sékou Touré.

Mamadou Tanou Bah pour Guineematin.com

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