Qui est Mamadi Diakité, père du Commandant Toumba ? Le combattant au parcours atypique s’ouvre à Guineematin

Etiqueté comme le cerveau du massacre du 28 septembre 2009 en Guinée, le commandant Aboubacar Sidiki Diakité, dit Toumba, a tenté de laver son image dans l’opinion lors de sa comparution dans le procès de ces douloureux événements. Dans sa déposition, l’ancien aide de camp du capitaine Moussa Dadis Camara, a parlé de son papa qui relevait de la garde présidentielle sous la première République. Mais qui est Mamadi DIAKITE, le père de Toumba ? Dans un entretien accordé à un reporter de Guineematin.com dans la journée d’hier vendredi, 27 janvier 2023, à son domicile au quartier Béhanzin, dans la commune de Matoto, cet homme au parcours exceptionnel est revenu sur ces 49 ans de service au sein des forces armées guinéennes.

Selon le Colonel à la retraite Mamadi Diakité, il est l’un des premiers éléments du bataillon char en Guinée, chose qui a valu son détachement à la présidence pendant 14 ans sous la première République. « J’ai intégré l’armée en 1962 par l’intermédiaire d’un de mes grands frères, Mamadi DIAKITE, ancien élément de la garde Républicaine de l’armée française. On a suivi notre formation de base dans la troisième région militaire de Kankan. Après cette formation, certains de mes amis et moi avions été mis à la disposition du camp Alpha Yaya Diallo de Conakry. Nous avons été les premiers char-men (conducteurs de char) de l’armée guinéenne. Il y avait 10 chefs de chars, 10 conducteurs et 10 techniciens ou mécaniciens. Nous avons tous été déversés au compte du bataillon char. Nous avions fait à l’époque notre formation CAT 1 et CAT 2 à l’école militaire du camp Alpha Yaya Diallo. Après toutes ces formations, nous y sommes restés pendant 9 ans ; l’agression portugaise du 22 novembre 1970 nous a trouvé au camp Alpha Yaya Diallo », a dit le géniteur du Commandant Toumba.

Colonel à la retraite Mamadi Diakité, père du Commandant Toumba Diakité

Spécialiste en conduite de chars de combat, Mamadi DIAKITE fut déployé avec tout le bataillon char pour combattre les mercenaires portugais qui venaient d’attaquer le pays en 1970, à travers les côtes maritimes. Intrépide, le jeune soldat à l’époque a été posté à la présidence qui était la cible principale des agresseurs afin de déjouer le complot. « À l’arrivée des mercenaires portugais, notre équipe avait pris les chars pour sortir combattre les ennemis en ville. Moi, je suis allé avec mon char à la présidence. À deux heures du matin, on nous apprend que les ennemis sont arrivés au port de Conakry. Nous sommes allés là-bas, on a trouvé le bateau dans lequel sont venus les agresseurs, accosté au niveau de Petit bateau. Puisqu’il y avait certains chefs militaires guinéens qui étaient dans le complot, ils n’ont pas accepté de nous donner les munitions nécessaires, ils nous ont juste donné 5 obus. Nous avons bombardé leur bateau qui était garé au petit bateau là-bas, mais ces obus n’étaient pas performants, ils ne pouvaient rien contre ces bateaux-là. Mais néanmoins, après ces tirs, on a vu le bateau se retirer jusqu’à ce qu’on l’a perdu de vue en haute mer. Après, la nuit, ils sont allés se positionner dans leurs bateaux sur la mer, certains aux cases de Bellevue, au camp Samory, à l’aviation et au camp Alpha Yaya Diallo. C’est comme ça qu’ils ont encerclé Conakry. À Kaloum, nous on s’est mis à pourchasser les ennemis. À Sandervalia précisément, on a trouvé qu’ils avaient coupé en deux le chauffeur d’un pick-up de notre armée qui avait été attaqué. Ils avaient attaqué aussi le Ministère de la Défense. C’est nous qui les avons de là. Le lendemain nuit encore, on nous apprend qu’ils sont au port, j’ai pris mon char avec mes amis pour aller. Tellement que mon char était en vitesse, je n’ai pas pu le maîtriser il est descendu dans la mer au port. Mes amis eux, ils ont sauté pour s’accrocher à un bateau puis ils ont fait descendre une corde dans le char qui s’enfonçait peu-à-peu dans l’eau pour que je puisse grimper aussi. Donc, c’est ainsi on a combattu ces assaillants jusqu’à ce qu’on les a vaincus », a-t-il expliqué.

Après ses prouesses, le père de Toumba Diakité sera retenu à la présidence de la République en 1970. Il fut alors désigner responsable des quatre chars du palais présidentiel où il passera les trois quarts de sa carrière dans la protection de feu Ahmed Sékou Touré.  « Après cette agression, moi je suis resté à la présidence. Il y avait 4 chars de combat qui étaient là-bas sous mon commandement, dont un petit char qui était bien masqué dans une maison contiguë à la chambre du président Sékou Touré. En cas de problème ou d’attaque, c’est dans ça qu’on allait le mettre pour l’extirper du palais. Donc, c’est comme ça moi je suis resté à la présidence pendant 14 ans (1970-1984), jusqu’à la mort du président Sékou Touré. Toute ma famille partait me rendre visite là-bas. Quand Toumba dit qu’il priait la prière de vendredi aux côtés du président, c’est vrai ! Quand il était petit, il venait là-bas, le président pouvait l’amener jusque dans sa chambre après la prière », a dit Mamadi DIAKITE.

 

Après la mort de Sékou Touré, l’ancien officier supérieur de l’armée a occupé plusieurs postes de responsabilité et a combattu sur beaucoup de fronts, notamment en Sierra Léone et au Libéria. « Après la prise du pouvoir par le feu président Lansana Conté, notre équipe a passé une année au palais des nations au service de la présidence qui était basée au camp Samory Touré. Entretemps, il y a eu une décision de réquisition de tous les chars. C’est ainsi que je suis retourné au camp. Du coup, j’ai été nommé comme coordinateur de la troupe de l’aviation militaire et civile à l’aéroport international de Conakry. Après 6 mois passés à ce poste, j’ai été mis parmi les renforts qui devaient aller combattre la rébellion en Sierre Léone. Une fois là-bas, j’ai été désigné responsable des chars au grand camp militaire du pays. J’ai été également commandant de compagnie là-bas avant de rentrer en Guinée après 8 ans de guerre. À peine arrivé, j’ai été désigné par la hiérarchie militaire comme chef de mission dans la rébellion de Madina Woula (Kindia) en septembre 2000. J’ai fait un an au commandement là-bas aussi. Ensuite, j’ai été muté à N’Zérékoré avec 10 petits chars de combat à mon actif. À mon retour de N’zérékoré, j’ai passé beaucoup de temps à Conakry ici avant qu’on ne me déploie comme commandant de renfort à la frontière avec le Liberia au moment de la guerre civile dans ce pays. J’ai encore passé 8 ans là-bas ».

 

Par ailleurs, le Colonel à a retraite Mamadi Diakité, natif de la préfecture de Mandiana, est revenu sur le moment le plus tumultueux de son existence qu’est celui de la tentative d’assassinat du président Dadis Camara par son fils. « J’ai été promu au poste de l’attaché de défense à l’ambassade de la Guinée au Libéria, mais malheureusement, cela n’a pas pu se réaliser. C’est après l’échec de cette nomination qu’on m’a muté au compte du sous groupement tactique à Lola en 2009. J’ai bougé ici un vendredi à l’effet d’aller faire la passation de service et revenir réceptionner ma femme (la mère de Toumba) qui était allée à la Mecque. À Kissidougou, où j’ai fait l’escale la nuit (le 3 décembre 2009), un de mes enfants m’a téléphoné pour me dire que mon fils a tué le président Dadis. Entretemps, les gens sont allés raconter au camp de Kissidougou que le père de Toumba est là. Donc, le commandant a mis deux pick-up de l’armée à ma recherche pour m’arrêter le lendemain matin. C’est ainsi j’ai été conduit de Kissidougou à Conakry dans le plus grand respect par les militaires. Arrivé au camp Alpha Yaya Diallo, j’ai été enfermé aux 32 escaliers sur ordre de Koplan (le Colonel Claude Pivi, un des accusés du massacre du 28 septembre, ndlr). Il a fallu l’arrivée du Général Sékouba Konaté pour que je recouvre ma liberté. C’est ainsi en 2011, après l’avènement du Pr Alpha Condé au pouvoir, j’ai été mis à la retraite », a conclu le Colonel à la retraite Mamadi DIAKITE.

Il faut noter que le Colonel, père biologique du Commandant Aboubacar Sidiki Diakité alias Toumba, était marié à deux femmes, dont la mère de Toumba, Mme Diaraye Barry, décédée en 2015. Il est père d’une dizaine d’enfants.

Entretien réalisé par Malick DIAKITE pour Guineematin.com

Tel : 626-66-29-27

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