Gestion d’affaires pénales de l’interpellation à la juridiction de jugement : voici les explications de Me Mountagha Kobélé Keita

Les citoyens sont souvent en conflit avec la loi. Si des soupçons pèsent contre un justiciable, il y a une procédure à suivre. De son interpellation jusqu’à son procès, la procédure peut connaître plusieurs étapes : interrogatoire préliminaire, déferrement devant le parquet ou le jugement d’instruction, puis le transfèrement du dossier devant la juridiction de jugement. Pour parler de ces étapes, un reporter de Guineematin.com a donné la parole à maître Mountagha Kobélé Kéita, avocat au barreau de Guinée.

Nous vous proposons ci-dessous l’intégralité de cet entretien.

Guineematin.com : Me Mountagha Kobélé Keita, vous êtes avocat au barreau de Guinée. Expliquez-nous comment se fait la conduite d’une affaire pénale de l’interpellation d’un citoyen par les officiers enquêteurs, sur lequel pèsent des soupçons, jusqu’au cabinet du juge d’instruction ?

Me Mountagha Kobélé Kéita, avocat

Me Mountagha Kobélé Keita : il faut dire tout d’abord qu’il y a plusieurs catégories d’infractions. Il y a ce qu’on appelle les infractions contraventionnelles, les infractions délictuelles et les infractions criminelles. Si nous prenons par exemple quelqu’un qui est poursuivi pour des faits d’abus de confiance, escroquerie etc… s’il y a eu un citoyen qui s’est senti brimé ou bien s’est senti touché dans son droit, il porte plainte au niveau du parquet. Soit il porte directement plainte au niveau d’une brigade de gendarmerie ou bien au niveau d’un commissariat de police. Le citoyen peut aussi, comme c’est le cas d’ailleurs actuellement, porter plainte au niveau du parquet, le parquet reçoit cette plainte et fait à son tour un soi transmis, c’est-à-dire il va saisir une unité dans le ressort dudit tribunal. Donc, on interpelle la personne contre qui la plainte est formulée, on l’entend sous procès-verbal et également on peut aussi entendre le plaignant, parce que nonobstant que la plainte que le plaignant a déposée, ça ne veut dire que pour éclairer la religion de cette unité peut convoquer le plaignant. On peut même organiser la confrontation entre les deux parties, c’est-à-dire, entre le plaignant et la personne mise en cause. C’est en ce moment, que l’on transmettra le dossier au parquet et si le dossier doit partir au parquet, ça va avec la personne mise en cause.

Guineematin.com : mais parfois, il y a de ces affaires qui se limitent au niveau des unités de sécurité soit à la brigade de gendarmerie ou au commissariat de police où les plaintes ont été déposées. Selon vous pourquoi se limitent-elles là au lieu d’être orientées au parquet ?

Me Mountagha Kobélé Keita : conformément au code de procédure pénale, l’affaire ne doit pas faire plus de 72 heures avec les Officiers de police judiciaire (OPJ). Mais, certains OPJ peuvent se permettre de ne pas fouiller profondément, ils ne peuvent dire ainsi au plaignant que l’affaire n’a aucune connotation pénale et qu’elle ne peut pas être poursuivie. Mais, ils vont continuer à faire souffrir le plaignant ou le mis en cause. C’est pourquoi désormais, il y a beaucoup plus de citoyens qui préfèrent saisir directement le parquet de leurs affaires pour éviter que la gestion de l’affaire ne prenne une certaine tournure. Parce que si le parquet qui oriente l’affaire vers les OPJ, ces derniers sont obligés, parce qu’étant dans la loupe du parquet, de faire les choses dans les délais prescrits et à chaque fois qu’ils posent un acte, ils en informent automatiquement le service de tutelle qui est le parquet.

Guineematin.com : au niveau des unités de police ou de gendarmerie, est-ce que vous ne pensez pas que certains citoyens ne passent pas par des dessous-de-table pour régler l’affaire sans le droit ?

Me Mountagha Kobélé Keita : oui, c’est fréquent. Il y a de ces affaires qui se règlent justement au niveau des unités à l’amiable et de façon juste, tout comme le contraire, de façon injuste. Mais, ce qui peut aider de plus dans une affaire, c’est si le procureur compétent est saisi de l’affaire que ce soit par le plaignant où par le mis en cause. Dans ce cas, il y a aussi la procédure à suivre. Les unités qui sont saisies en premier lieu peuvent aussi orienter les affaires vers le parquet d’être profondément examinées et que la vérité soit trouvée enfin par toutes les parties. Puisque c’est le droit qui doit être dit dans n’importe quelle affaire.

Guineematin.com : comment doit être détenu un mis en cause dans une affaire, de son interpellation jusqu’au niveau du cabinet d’instruction

Me Mountagha Kobélé Kéita, avocat

Me Mountagha Kobélé Keita : quand un dossier, dans lequel plaignant et mis en cause sont entendus arrivent au parquet, si on estime que les faits poursuivis ne sont pas établis, on peut classer le dossier sans suite et ce, sur le fondement des dispositions des articles 50 et 51 du code de procédure pénale. Donc, le parquet en pareils cas peut classer le dossier sans suite ou en instruction, ou en flagrant délit. Si le dossier est classé sans suite, il y a une autre procédure qui va suivre. Donc, on sera obligé de procéder en citation directe. Si la personne poursuivie a été interpellée comme on aime à le dire souvent, la main dans la poche, on oriente le dossier en flagrant délit et le dossier dans ce cas ne doit prendre plus de deux jours sans être jugé. Donc, même si la personne poursuivie est placée sous mandat de dépôt, le délai de jugement ne doit pas dépasser deux jours. Puisque quand ça dépasse deux jours, on sera obligé de libérer la personne, mais cette fois-ci, orienter le dossier à un cabinet d’instruction. C’est ce que la loi dit. Après le jugement, le juge peut prendre sa décision sur siège. Si le dossier est orienté à un cabinet d’instruction, le juge d’instruction instruit à charge ou à décharge. Si les faits poursuivis ne sont pas établis contre le mis en cause, le juge prend une ordonnance dans ce sens en prenant un non-lieu en faveur de la personne poursuivie. Ainsi, on peut libérer la personne mais sauf que le procureur peut interjeter appel contre cette ordonnance de non-lieu. Dans ce cas, on sera obligé d’aller devant la chambre de contrôle de la Cour d’Appel et à ce niveau-là, le juge de cette chambre de contrôle de la Cour d’Appel peut infirmer l’ordonnance de non-lieu, tout comme il peut la confirmer… Et si le juge d’instruction estime que c’est le contraire, c’est-à-dire que les faits sont établis à l’encontre de la personne mise en cause dès l’interrogatoire de première audition, le juge d’instruction peut automatiquement ordonner soit un mandat de dépôt ou un placement sous contrôle judiciaire, selon la situation du dossier et en conformité avec la loi. Après ça, le juge d’instruction va orienter le dossier au niveau du parquet qui à son tour, après examen, va le retourner au niveau du juge d’instruction et le juge d’instruction va enfin prendre l’ordonnance de renvoi devant le tribunal pour le jugement.

Interview réalisée par Mamadou Laafa Sow pour Guineematin.com

Tél : 622919225

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