Paris et Canberra clament la réconciliation et annoncent une aide à Kiev

Les ministres français et australiens de la Défense et des Affaires étrangères ont tenté lundi à Paris de retisser des liens rompus après la crise des sous-marins, annonçant aussi la livraison à l’Ukraine d’obus de 155 mm fabriqués conjointement.

Les obus de 155 mm sont ceux tirés par plusieurs pièces d’artillerie occidentales fournies à l’Ukraine dans sa guerre contre la Russie, comme les Caesar français, les M777 américains, ou les Panzerhaubitze 2000 allemands.

« Plusieurs milliers d’obus de 155 mm vont être fabriqués en commun » a déclaré M. Lecornu, précisant que les premières livraisons étaient espérées au premier trimestre 2023.

« Nos industries d’armement doivent produire plus vite en maitrisant les coûts et en gérant les stocks », a-t-il ajouté, estimant que l’accord permettait « de le faire à deux, en limitant l’effort budgétaire et en ne prélevant pas dans le stock de nos armées ».

« L’idée est d’apporter une aide significative, et un effort qui soit continu dans le temps ».

Richard Marles, ministre australien de la Défense, a pour sa part salué un « projet de plusieurs millions de dollars » australiens et une « nouvelle coopération entre les industries de défense australiennes et françaises ».

Côté français, le contrat sera exécuté par Nexter, avec notamment de la poudre australienne.

La confiance entre Paris et Canberra s’était brisée en septembre 2021 lorsque l’ancien gouvernement conservateur australien avait brusquement annulé un contrat de 90 milliards de dollars australiens (56 milliards d’euros) pour douze sous-marins du groupe français Naval Group, lui préférant des sous-marins à propulsion nucléaire britanniques ou américains.

– Retour à une relation « chaleureuse » –

Les relations bilatérales sont ensuite restées tendues jusqu’à l’élection, en mai 2022, d’un nouveau Premier ministre australien, Anthony Albanese, qui s’est efforcé depuis d’apaiser les relations avec Paris, avec notamment la volonté pour les deux capitales de bien s’entendre dans la zone indopacifique, zone stratégique cruciale des années à venir.

La cheffe de la diplomatie française Catherine Colonna, qui recevait elle aussi son homologue Penny Wong, a écarté d’une phrase « l’épisode » des sous-marins avant d’exprimer la volonté de « poursuivre ce travail de reconstruction d’un partenariat que nous voulons ambitieux » sur la base du « respect mutuel, de la confiance et de l’ambition ».

« L’ambiance chaleureuse entre nous quatre caractérise réellement de façon parfaite le retour d’une relation bilatérale chaleureuse », a ajouté pour sa part M. Marles.

La France, comme les Etats-Unis et nombre de pays occidentaux, s’efforcent d’affermir leurs positions dans la région indopacifique, vaste zone allant des côtes est-africaines aux côtes ouest-américaines par où transite un part cruciale du commerce mondial et où la Chine accroît son influence.

Paris y compte de nombreux territoires et espaces maritimes qui lui offrent un droit de regard et lui imposent une vigilance constante sur les équilibres géostratégiques mais aussi sur les enjeux environnementaux et halieutiques, ainsi que sur la lutte contre les divers trafics liés aux océans.

La France a aussi accru sa présence militaire, privilégiant, outre ses propres points d’appui, une coopération croissante avec les pays riverains. Elle a multiplié les exercices conjoints (Inde, Japon) et les patrouilles en mer de Chine, qui concentre les tensions et où Pékin multiplie provocations et revendications.

– « Page blanche » –

« Les ministres ont souligné l’importance de la paix et de la stabilité dans le détroit de Taïwan et ont appelé au règlement pacifique des questions concernant les deux rives du détroit par le dialogue, sans menace ni emploi de la force ou de la coercition », selon la déclaration conjointe des ministres.

Le président Emmanuel Macron revendique le rôle de Paris comme « puissance d’équilibre » dans la région. Mais l’éloignement de la métropole et la faiblesse de l’arsenal français dans la zone face à ces deux super-puissances ne sont guère compatibles avec ces ambitions.

La stratégie française manque de « visibilité », estimaient à cet égard des sénateurs dans un rapport publié la semaine dernière.

Sébastien Lecornu a affirmé pour autant avoir obtenu l’assurance que l’alliance tripartite AUKUS (Australie, Royaume-Uni et Etats-Unis) n’excluait aucun projet bilatéral et permettait aux deux pays de préparer des projets capacitaires « sur une page blanche ».

Parmi les autres domaines évoqués ont figuré notamment des sujets environnementaux et liés au réchauffement climatique, notamment le soutien de Paris à la candidature de l’Australie pour accueillir la COP31 en 2026 avec les pays insulaires du Pacifique.

« Le spatial est un point d’effort majeur pour nos armées », a insisté par ailleurs M. Lecornu, sans autres détail.

La France participera par ailleurs au financement d’infrastructures dans la zone, avec un projet de « port vert » en Papouasie-Nouvelle Guinée, alors que le financement d’infrastructures est un des axes de la stratégie d’expansion chinoise dans la zone.

AFP

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