Procès du 28 septembre : ce qu’on peut retenir de l’audition de la première victime de viol

Ibrahima Sory 2 Tounkara, président du tribunal criminel de Dixinn

Comme annoncé précédemment, le procès du massacre du 28 septembre 2009 s’est tenu pour la première fois à huis clos, ce mercredi 15 février 2023. A la demande de la partie civile, le tribunal a ordonné que l’audience ne soit pas publique, demandant aux journalistes et au public qui étaient présents de sortir de la salle. C’est seulement les parties au procès qui ont donc pu écouter le témoignage de la première victime de viol à être entendue par le tribunal. Et au sortir de l’audience, certains avocats de deux camps opposés se sont exprimés au micro d’un journaliste de Guineematin.com qui était sur place.

Me Pépé Koulémou, avocat

Me Pépé Koulémou, avocat du du Capitaine Moussa Dadis Camara : « Je crois que la sagesse a conduit le tribunal à admettre le huis clos puisque ça pouvait toucher à l’intimité des prétendues et supposées victimes. Parce qu’en réalité, il faudrait que ces victimes entre guillemets viennent rapporter la preuve de ce dont elles ont été victimes. Ces femmes ou jeunes filles qui se disent être victimes de viol, doivent venir rapporter la preuve des différents faits articulés contre nos clients. Cette dame a donné sa version des faits. Nous sommes encore en train de poser des questions.

Aujourd’hui, c’était le tour des avocats de la défense que nous sommes. Personnellement, je viens de terminer avec elle et je pense que les autres vont continuer le lundi à poser leurs questions et ça va certainement informer le peuple. Voilà une dame qui dit qu’elle a représenté toutes les victimes des événements du 28 septembre à La Haye. On lui a posé la question de savoir qu’en étant représentante des autres victimes, pas seulement des victimes de viol, est-ce qu’elle a un mandat, une procuration des autres ? Elle a dit qu’elle n’a pas de documents dans ce sens.

On lui a aussi posé la question de savoir durant tout ce parcours là, ses va-et-vient à La Haye, est-ce qu’elle sait pertinemment qu’elle n’est pas témoin effectivement à ce procès, elle a dit oui qu’elle n’est pas témoin. Donc, ici, nous l’avons invitée à apporter les preuves de ses déclarations, les raisons de sa plainte. Et nous sommes en train de lui poser des questions dans ce sens pour qu’elle prouve l’effectivité d’une telle infraction commise à son encontre. Mais en réalité, moi je ne suis pas convaincu ».

Me Halimatou Camara, avocate

Me Halimatou Camara, activiste des droits de l’Homme, avocate de la partie civile : « Cette première étape nous ramène au fait que c’est la procédure pénale et c’est surtout les droits de la partie civile qui sont respectés, surtout en matière de torture, d’actes de barbarie subis par la victime. En matière de violences basées sur le genre où de violences sexuelles, il est de droit dans notre Code de procédure pénale que le huis clos soit admis lorsque la victime veut le huis clos. Aujourd’hui, il est difficile de dire que son témoignage a convaincu ou n’a pas convaincu. Notre pays vient de loin. Le plus important à cette étape, c’est la parole de la victime. Ça c’est extrêmement important. C’est une étape cruciale dans notre pays.

Que sa parole soit convaincante ou pas, il est aujourd’hui clair qu’une victime a eu le droit de parler. Et je pense que c’est historique, c’est pourquoi depuis hier, nous ressentons une forte émotion. Nous sommes dans un état où on se sent plus ou moins libéré. Le procès criminel en tant tel, il est même thérapeutique pour la victime. Je pense que ces dimensions là ne sont pas malheureusement des dimensions qui sont prises en compte par nos adversaires. Très malheureusement, les gens ne sont pas suffisamment sensibilisés sur ce qu’on appelle les violences basées sur le genre.

Ce sont des violences qui font que la victime est souvent marquée par un traumatisme. Et même ce qu’elle va raconter peut avoir des zones d’ombre parce que tout simplement la victime est traumatisée. Donc, je pense que c’est une victoire. C’est une première que cette victime ait eu le courage de parler, de briser la parole, de briser ce tabou. Malgré le fait qu’elle soit une mère de famille, elle est restée une citoyenne qui, aujourd’hui, veut que sa dignité soit reconnue. Elle veut pouvoir parler, elle veut pouvoir être reconnue en qualité de victime ».

Le procès se poursuivra lundi prochain avec la même partie civile qui a été entendue aujourd’hui.

Mohamed Guéasso DORÉ pour Guineematin.com 

Facebook Comments Box