Léro (Siguiri) : l’élection du bureau syndical des travailleurs de la SMD vire à la Bérézina

Depuis quelques jours, la localité de Léro, relevant de la préfecture de Siguiri, est en ébullition. L’élection avortée du bureau syndical des travailleurs de la Société minière de Dinguiraye (SMD) a mis le feu aux poudres. Des actes de violences ayant entraîné d’importants dégâts matériels, des cas de blessés et des arrestations y ont été enregistrés. Les manifestations se sont poursuivies ce dimanche, 5 mars 2023.

Selon des informations confiées à un journaliste de Guineematin.com, c’est l’élection du bureau syndical des travailleurs de la SMD qui a viré au chaos. Selon des sources concordantes, deux leaders syndicaux se font face : Elhadj Momo Bangoura (qui serait soutenu par la direction générale de la société SMD) et Dr Fadjimba Keita (soutenu par une bonne partie des travailleurs).

La décision de reporter l’élection, pise par la Direction générale de la SMD, a provoqué une vive réaction du candidat sortant, Fadjimba Keita et son équipe. Les forces de l’ordre sont intervenues, accentuant la confusion et le chaos sur place apprend-on.

Moussa Sidibé, un habitant de Léro, joint par téléphone ce dimanche, 5 mars 2023, est revenu sur la chaude journée d’aujourd’hui. « Ce dimanche à Léro, la matinée a commencé par des tirs à balles réelles des forces de l’ordre. Les agents des forces de l’ordre sont descendus dans le village en tirant en l’air et même parfois à bout portant parce qu’il y a eu un jeune qui a été atteint au niveau d’un de ses pieds ; une femme aussi. On constate des boutiques cassées et même des domiciles cassés un peu partout ce matin à Léro. Ça fait 5 jours qu’il y a des mouvements ici à Léro. Une opposition entre les forces de l’ordre les travailleurs de la SMD. Tout est parti d’un problème d’élection au sein du syndicat des travailleurs. Le protocole de présélection a été signé depuis le 5 février dernier et pour cette élection, il y a deux candidats qui s’affrontent. Il s’agit de Fadjimba Keita, leader sortante qui a fait deux mandats, et Elhadj Momo Bangoura, qui a aussi son équipe. Le Dr Fadjimba Keita, qui est sortant, vient de terminer son deuxième mandat de deux ans. Il s’est présenté à sa propre succession. C’est un candidat qui bénéficie d’une popularité auprès des travailleurs et de sa communauté aussi. Par contre, Elhadj Momo Bangoura est appuyé par la direction générale de la SMD. Ils ont déjà fait leurs campagnes pour leurs candidatures », dit-il.

Ce qui a mis le feu aux poudres, c’est la décision de reporter l’élection à 3 jours de l’échéance. « Maintenant, à 3 jours de l’élection, on la reporte. Fadjimba Keita dit qu’on ne peut pas reporter l’élection. Maintenant sur ce report, la SMD donne des arguments comme quoi, il y a eu des propos violents, des propos menaçants sur les réseaux sociaux et que vu cette situation, ils ne pouvaient tenir l’élection le jour j. L’équipe de Fadjimba Keita a dit non ! On a fait les campagnes, tout est déjà fini, il n’y pas de menaces qui peuvent empêcher d’aller à l’élection. Le mercredi, 1er mars 2023, ils se sont rassemblés devant leur usine à Fayalala. Là, les travailleurs étaient avec leur syndicat. La direction est venue leur dire de quitter les lieux. Fadjimba répond en disant qu’ils sont venus pour réclamer leurs droits. Puisque l’élection syndicale a été préparée, tout est prêt, alors ils sont venus pour ça. La direction a insisté en leur disant toujours de quitter. Et Fadjimba Keita dit que : si vous nous faites quitter ici et on va se rendre on village, je ne suis pas responsable. Je ne pourrai pas maîtriser ces travailleurs. Il a même rappelé qu’une fois, ils ont fait 14 jours de protestation sans rien toucher. Fadjimba dit : si vous nous chassez d’ici et on rentre au village, là je ne suis plus responsable.  Quelques instants après, ils ont lancé du gaz lacrymogène sur les travailleurs. Certains sont tombés en syncope, se sont évanouis. Moi-même j’étais sur les lieux. Les travailleurs sont retournés à pieds au village de Léro. À la sortie de Léro, ils ont mis une barricade. Auparavant, la direction générale de la SMDB avait fait savoir que l’élection syndicale ne concernait que les travailleurs mais pas la communauté et que la communauté n’a rien à faire dedans. La communauté aussi s’est retirée. Maintenant, là où le problème a commencé, c’est quand ils sont venus pour dégager le barrage et libérer la route. Ils ont dégagé le barrage, mais ils ne sont pas limités là. Ils ont continué au village en tirant du gaz lacrymogène. Alors suite à ça, la mosquée de Léro 1, située à la gare routière, les prières de crépuscule et de 20 heures n’ont pas pu avoir lieu à cause des bruits des tirs de gaz lacrymogène. C’était vraiment de la débandade là-bas. La population a fait un avertissement et le maire est intervenu pour calmer les gens en disant qu’il ne faut pas que les agents de forces de l’ordre entrent dans le village », a expliqué Moussa Sidibé.

Comme si cela n’était pas suffisant, les agents reviendront le lendemain pour interpeller les leaders syndicaux. « Le jeudi à l’aube, les mêmes corps habillés qui reviennent encore à Léro en tirant du gaz lacrymogène. Dès motos ont été brûlées. L’une de ces deux appartenait à un boucher qui n’a rien à voir avec la SMD. Ce boucher gare sa moto, les agents viennent mettre du feu sur sa moto. Il y a aussi une famille Barry dans laquelle ils se sont rendus et ont tiré du gaz lacrymogène et les enfants qui s’y trouvaient sont tombés en syncope et se sont évanouis. Des habits y ont été également brûlés. C’est dans ce mouvement qu’ils se sont dirigés vers la cité ouvrière de la SMD où est logé le leader syndical sortant, Fadjimba Keita. Ils sont venus défoncer la porte chez Fadjimba Keita aux environs de 5 heures. Ils ont cassé la porte en disant que c’est pour la société la cité et ils sont entrés prendre Fadjimba Keita avec son débardeur et sa culotte dans la toilette alors qu’il prenait l’ablution pour la prière de l’aube. Ils l’ont envoyé à Siguiri centre avec 4 de ses collègues le même jour, le jeudi. Depuis lors, la tension est montée d’un cran. La communauté a ainsi dit : qu’on ne peut pas nous dire que l’élection ne nous concerne pas et qu’on vienne faire la pagaille sur nous encore. Voilà comment la population a répliqué en repoussant les forces de l’ordre jusqu’à la sortie où se trouvait le barrage. Et là, on a vu 3 véhicules brûlés. Depuis le mercredi dernier jusqu’à date, ce sont les mêmes mouvements qui continuent », a fait savoir Moussa Sidibé.

Aux dernières nouvelles, on apprend que le procureur de la République près le tribunal de première instance de Siguiri a annoncé la libération de Fadjimba Keita et de ses 4 collègues.

Mamadou Laafa Sow pour Guineematin.com

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