Massacre du 28 septembre 2009 : « on était poursuivi par des gens qui avaient des armes blanches », dit Bah Oury

Comme annoncé précédemment, le président de l’UDRG, Bah Oury, a comparu ce lundi, 20 mars 2023, devant le tribunal criminel de Dixinn (délocalisé à la Cour d’Appel de Conakry) pour livrer sa part de vérité sur les évènements douloureux du 28 septembre 2009 au stade de Conakry. Il était le président de la commission d’organisation de la manifestation qui a été réprimée dans le sang par le régime militaire de l’époque (le CNDD du capitaine Moussa Dadis Camara). Et, à la barre, il s’est remémoré les tristes scènes de cette répression qui a fait plus de 157 morts et plus d’une centaine de femmes violées. Il a déclaré que « c’était une question de vie et de mort » lors de ce massacre au stade du 28 septembre.

En 2009, Bah Oury était membre de l’UFDG (le parti de Cellou Dalein Diallo). Et, devant cette juridiction de première instance ce lundi, l’actuel président de l’UDRG a raconté comment les leaders politiques membres des Forces vives ont été sauvés des affres de la répression par le commandant Aboubacar Diakité alias ‘’Toumba’’ et le colonel Moussa Tiegboro Camara. Ces deux officiers de l’armée guinéenne sont aujourd’hui sur le box des accusés dans ce procès du massacre du 28 septembre 2009. Mais, selon Bah Oury, sur le fondement des faits qui se sont déroulés en sa présence, ces deux officiers ont été des « sauveurs » qui ont évité à la Guinée une instabilité qui pouvait véritablement nuire au pays.

Décryptage !

« Lorsque j’étais au niveau des gradins au moment où les autres parlaient, j’ai remarqué que deux jeunes, contrairement à ce que nous avions indiqué, avaient comme un masque de fer. Ça m’a étonné. Un autre qui était avec lui avait autre chose qui semblait bizarre dans le cadre de ce que nous avions indiqué comme dispositif à prendre, mais je n’ai pas trop accordé de l’importance. C’est dans ce processus que les détonations, les grenades lacrymogènes et des coups de feu qu’on a entendus et on a vu comme de petits moineaux. La plupart des gens qui étaient sur la pelouse, chacun cherchait à fuir. Quelque temps après, on a vu des militaires, principalement des bérets rouges, venir en face des responsables pour nous demander à ce qu’on descende. Intérieurement, je me suis dit qu’ils sont venus nous arrêter. Mais, ça ne m’a pas inquiété. Il y avait parmi eux des gens dont l’habillement n’était pas conforme à l’habillement des forces de défense et de sécurité. Quand je descendais, j’ai reçu un coup sur la tête. Ça m’a sonné, mais ça ne m’a pas déstabilisé. Celui qui a exprimé de manière formelle « descendez », c’était le commandant Toumba Diakité. Les coups pleuvaient, mais je ne peux pas dire de manière précise ce qui s’est passé à côté de moi, parce que c’était une question de vie et de mort. Et, il fallait être lucide pour ne pas paniquer et aller dans une direction qui n’était pas la bonne. Monsieur Cellou Dalein Diallo avait reçu des coups et était à terre. Un coup de fusil avait blessé son garde du corps. Lorsque Commandant Toumba amenait les autres leaders pour les faire sortir de la pelouse, le fait que monsieur Cellou Dalein était à terre, j’ai demandé à un de nos militants, Abdoulaye 3, de prendre Elhadj Cellou et de le sortir d’ici. L’autre équipe avec les leaders étaient déjà partis. Nous nous sommes retrouvés derrière ; et, malgré les coups qui pleuvaient, nous avons réussi à le sortir de la pelouse. On était poursuivis par des gens qui avaient des armes blanches et un qui avait vraiment un long bâton et qui était en train de vouloir nous armer. C’est à ce moment-là que j’ai aperçu le colonel Thiegboro. Comme je le connaissais, je lui ai fait signe et il est venu vers nous. Lorsqu’il est venu vers nous, ceux qui nous agressaient ont cherché autre chose à faire. Le Colonel Thiegboro a pris sa responsabilité en nous prenant en charge et il a hélé quelqu’un que je considère comme étant un des gardes de M. Sidya Touré, de venir nous aider à prendre M. Cellou Dalein Diallo. C’est comme ça qu’on est sorti. Au moment où on sortait, il y avait un attroupement de jeunes garçons qui étaient agglutinés un peu avant la sortie. L’image qui m’a le plus frappé, il y avait un petit garçon qui avait levé la main et il y avait un militaire qui avait un fusil et qui les mettait en genoux. Je ne sais pas ce qu’ils sont devenus.

Arrivés à la clinique Ambroise Paré, on nous a fait descendre, surtout Elhadj Cellou qui était évanoui. Nous sommes entrés à l’intérieur de la clinique. Les médecins s’affairaient. C’est entre-temps, un monsieur ou quelqu’un qui avait un t-shirt noir et un pantalon bien baraqué avec une arme, accompagné d’un autre qui était plus, qui avait un ceinturon de balles avec des grenades qui perlaient au niveau de ses ceinturons. Ils ont dit que si on ne nous fait pas sortir, ils allaient jeter une grenade à l’intérieur de la clinique. Ça a créé de la panique et les médecins étaient obligés de nous aider à reprendre Elhadj Cellou qui était encore évanoui pour le mettre dans la Jeep. Mais, ce qui m’a le plus frappé à ce moment-là, je me suis rendu compte que le colonel Thiegboro n’avait aucune autorité sur eux. Je m’étais dit comment se fait-il que lui qui était colonel et que d’autres viennent lui donner des instructions sans qu’il ne puisse réagir. Mais, bref, le Colonel Thiegboro nous a repris dans sa Jeep et nous nous sommes dirigés vers la ville », a-t-il expliqué à la barre.

Mohamed Guéasso DORÉ pour Guineematin.com

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