Diagnostic, prise en charge, stigmatisation des malades… Dr Boubacar bah dit tout sur la lutte contre la tuberculose

Le 24 mars de chaque année, l’humanité célèbre la journée mondiale de lutte contre la tuberculose. En Guinée, le Centre antituberculeux de référence de Conakry, situé à la Carrière, dans la commune de Matam, enregistre une baisse des cas positifs de la maladie. Ce plus grand centre de prise en charge des tuberculeux fait état de 71 cas enregistrés entre octobre et décembre 2022.

Selon le rapport trimestriel consulté par un reporter de Guineematin.com, sur les 71 cas enregistrés au niveau de ce centre, 4 personnes ont été déjà traitées, pour 0 cas de décès, avec 63 hospitalisées.

Pour en parler, notre reporter a donné la parole à Dr Boubacar Bah, médecin, pneumologue au service de pneumo-phtisiologie. Le médecin est revenu sur le diagnostic de la maladie, la prise en charge, la stigmatisation des malades et même du centre antituberculeux, entre-autres.

Guineematin.com : le 24 mars de chaque année, l’humanité célèbre la journée de la lutte contre la tuberculose, une maladie qui tue des milliers de personnes à travers le monde. Vous faites partie du camp de ceux qui veulent éradiquer cette maladie. Que représente cette journée pour vous ?

Dr Boubacar Bah : la journée mondiale de la lutte contre la tuberculose représente pour nous une journée mémorable et une journée vraiment spéciale pour la lutte antituberculeuse. Comme vous le savez, la tuberculose est comme le dis notre cher maître, Professeur Oumou Younoussa Sow, c’est la vieille pauvre Grand-mère. C’est une maladie qui représente un problème de santé publique compte- tenu des facteurs de risque du traitement et vraiment des personnes qui sont atteintes par cette maladie et surtout de la contagiosité de la maladie.

Guineematin.com : concernant la prise en charges des tuberculeux, comment le centre travail ?

Dr Boubacar Bah : ici étant le centre antituberculeux, le plus grand centre qui gère les malades tuberculeux dans le pays, nous sommes sous la coupole du service pneumo-phtisiologie et du Programme national de lutte contre la tuberculose. C’est un centre qui a été créé pour gérer les malades à l’ambulatoire pour désengorger le service de pneumo-phtisiologie. Donc ici, nous recevons les malades qui sont suspects de tuberculose. Et quand les malades viennent, on les reçoit, on les interroge sur les signes de la tuberculose et on demande les examens à faire. Et quand on fait les examens, on diagnostic ma tuberculose et on soumet les malades au traitement antituberculeux. Il faut dire que le diagnostic de la tuberculose est payant. Mais le traitement pendant que ça soit 6 mois ou bien 1 an, le traitement est entièrement gratuit. Quand les malades viennent on leur donne les médicaments. Donc, dans ce centre pour toujours faciliter l’accès au traitement des malades, on réfère les malades. Il y a une décentralisation au niveau du territoire national. Partout où le malade est, il peut vraiment accéder au traitement, avoir son traitement au même niveau de ceux qui sont à Conakry. Donc, quand le malade vient, il est diagnostiqué de la tuberculose, on lui demande là où il loge et on regarde le centre de prise en charge le plus proche, on le réfère dans ce centre-là.

Guineematin.com : au centre antituberculeux de la Carrière, n’êtes-vous pas en manque de produits pharmaceutiques, d’équipements ou d’appareils de travail ?

Dr Boubacar Bah : concernant les produits, il n’y a pas de rupture de médicaments. Parce qu’il faut savoir que ne nous gérons pas que la tuberculose. On gère aussi la coïnfection tuberculose et VIH. Donc, les malades qui viennent et qui ont la tuberculose, avant de les mettre au traitement antituberculeux, on leur fait d’abord le test de VIH pour savoir si le VIH est positif. Et si le VIH est positif, c’est une coïnfection tuberculose et VIH qu’on prend en charge. On donne non seulement les médicaments antituberculeux mais aussi le traitement antirétroviral pour le VIH. Donc, au point de vu médicament, il n’y a pas de rupture pour l’instant et le traitement est gratuit que ça soit pour la tuberculose ou bien pour le VIH. Concernant les co-infectés qui doivent prendre les médicaments pour le VIH, là aussi, le traitement est gratuit… Il y a des appareils pour diagnostiquer la tuberculose. Avant, on faisait la microscopie ; actuellement, il y a la biologie moléculaire. D’ailleurs, dans le plan stratégique national du programme, il y a un appareil qui permet en 2 heures non seulement de diagnostiquer la tuberculose mais de dire aussi si c’est une tuberculose sensible ou bien c’est une tuberculose multi-résistante. Donc, cela raccourci vraiment le temps de diagnostic et permet vraiment au personnel de santé d’adopter tout de suite un traitement adéquat pour le malade.

Guineematin.com : qu’en est-il des statistiques ?

Dr Boubacar Bah : on ne peut vous donner les chiffres annuels. Parce qu’on remonte de façon trimestriel les statistiques au niveau du Programme national de lutte contre la tuberculose. Mais, on peut dire que le niveau baisse…

Guineematin.com : quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?

Dr Boubacar Bah : les difficultés qu’on rencontre, c’est la pauvreté. Parce que c’est une maladie de la pauvreté. Donc, quand les gens viennent, ils n’ont pas de moyen pour faire le diagnostic et ensuite, ceux qui logent loin par exemple, ceux qui ne sont pas de Conakry, ils viennent, on donne le traitement à ceux-ci. Ensuite, l’autre problème, c’est la stigmatisation. Même le personnel qui soigne la tuberculose est stigmatisée, à plus forte raison les malades. Quand vous partez au niveau des structures sanitaires, vous demandez, on vous dit allez y là-bas. Donc, c’est la stigmatisation. Et il n’est pas dit que quand quelqu’un a la tuberculose, il ne peut pas manger avec les autres ou bien ils ne peuvent pas rester ensemble. Non. Il suffit juste de respecter les mêmes consignes qu’on donne pour tout. Parce qu’il y a des gens qui toussent.

Guineematin.com : quels conseils pouvez-vous donner aux tuberculeux ?

Dr Boubacar Bah : à ce niveau, on parle de la prophylaxie de la tuberculose. Ce qu’on demande, pas seulement aux malades, mais à toute personne qui tousse, c’est de se protéger quand ils toussent. Soit tousser aux creux de la main ou dans un mouchoir jetable et puis, si c’est quelqu’un qui tousse et qui crache, de ne pas cracher dans les milieux sombres. De cracher là où les rayons solaires peuvent atteindre les crachats. Parce que si les crachats contiennent des mycobactéries au tuberculose, les rayons solaires en 5 minutes peuvent détruire le microbe. Ensuite, toute personne qui tousse depuis plus de deux semaines, on lui demande de partir au centre de santé pour faire les examens de crachats pour voir si ce n’est pas la tuberculose. En général, c’est de demander aux populations de ne pas toujours faire le premier recours à l’indigénat. Parce qu’il y a certains qui vont se rendre à l’indigénat ou bien dire que c’est un mauvais sort qu’on leur a lancé, au moment où ils viennent au niveau des centres pour être diagnostiqué, ça trouvera que les poumons sont envahis, le malade est vraiment fatigué. Et là, même s’il guéri de la tuberculose, il va toujours rester avec des séquelles de la tuberculose. Il ne peut pas faire un effort physique sans être dystonique. Premier recours, quand on est malade, il faut venir au niveau des centres de santé pour voir si ce n’est pas la tuberculose. Au niveau des autorités sanitaires, vraiment c’est la formation du personnel. Puisqu’à chaque fois des nouvelles concernant le diagnostic ou le traitement arrivent, c’est vraiment de faire une mise à niveau du personnel qui a été déjà formé.

Interview réalisée par Mohamed Guéasso DORÉ pour Guineematin.com

Tél. : +224 622 07 93 59

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