Procès du 28 septembre 2009 : « les bérets rouges tiraient en l’air après ils ont braqué les fusils contre les gens », témoigne Salimatou Barry

Mme Fatoumata Barry, victime du 28 septembre

Les victimes continuent leurs dépositions au tribunal de première instance de Dixinn (délocalisé au sein de la Cour d’appel de Conakry) dans le cadre du procès du massacre du 28 septembre 2009. Salimatou Barry, victime de coups et blessures, fait partie de celles qui ont livré leurs témoignages devant le tribunal criminel ce lundi, 22 mai 2023. Elle est revenue notamment sur la bastonnade qu’elle a subi en compagnie de sa copine qui en est décédée plus tard, rapporte l’équipe de reportage de Guineematin.com sur place.

Dans sa narration, Salimatou Barry âgée de 36 ans, a d’abord décrit une ambiance bon enfant aux alentours et à l’intérieur du stade du 28 septembre. À l’arrivée d’ailleurs de Bah Oury, président du comité d’organisation de la manifestation d’alors, elle et son amie Aïssatou Camara ont dansé devant ce dernier, il leur a offert chacune 20 000 GNF. Emportées par cet instant festif, les deux amies ont continué de se déhancher. Mais cette belle ambiance sera gâchée par l’irruption des bérets dans l’enceinte du désormais tristement célèbre stade.

« On dansait au stade là-bas après Aïssatou a dit moi j’ai faim on va acheter à manger vers 10,11 heures comme ça. Je sortais au niveau du portail, on a vu des militaires venir en train de tirer en l’air. J’ai dit Aissatou les militaires, Aissatou les militaires, on a couru pour aller vers femme qui avait des frigos là-bas, c’est là-bas où les bérets rouges nous ont terrassé, ils nous ont bastonné comme des chiennes…En venant pour un premier temps ils (les bérets rouges) tiraient en l’air après ils ont braqué les fusils contre les gens et leur tiraient dessus. Ils sont rentrés là-bas, beaucoup de militaires arboraient des mouchoirs rouges, il y avait 3 koris. Ils nous ont bastonnés mal. Ici (côté gauche de la partie inférieure de son corps) c’était calciné parce qu’ils ont tiré sur des fils, c’est ce qui était tombé et j’ai eu des brûlures. J’ai dit à une femme là-bas de nous faire entrer dans sa maison, elle a dit euh Mme si on vous fait entrer dans notre maison, ils vont nous tuer. Donc on a pris la fuite mais partout où on partait les militaires nous attaquaient de ce côté. En ce moment, ils avaient bastonné ma copine Aissatou, ils avaient brisé ses côtes. Moi je suis tombée, mes habits étaient complètement déchirés, je ne me suis retrouvée qu’à Donka. Quand je me suis réveillée, j’ai dit Aissatou on t’a pas tué ? Elle a dit non, mais les gens étaient bastonnés… », a expliqué Salimatou Barry, qui a eu notamment une fracture au niveau du pied.

Après leur admission à Donka, ayant eu peur des représailles qui pourraient arriver dans cet hôpital, les deux sont sorties de là-bas. Salimatou Barry et Aissatou Camara seront ensuite évacuées au Sénégal où elles sont prises en charge. Mais cette prise en charge va aussi cesser, ce qui va les obliger à rentrer en Guinée. La première est soignée par sa famille, tandis que la seconde succombera faute de soutien.

Ayant la mort de celle-ci sur sa conscience, car c’est elle qui est partie la réveiller afin qu’elles aillent ensemble à la manifestation, Salimatou Barry dit avoir accepté de témoigner pour Aissatou Camara. Son récit de cet événement devant le tribunal l’a souvent d’ailleurs fait pleurer.

Mamadou Yahya Petel Diallo et Emmanuella Assou pour Guineematin.com 

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