Future Constitution : voici les propositions du Conseil supérieur de la magistrature (discours intégral)

Elhadj Yaya Boiro, Secrétaire exécutif du Conseil supérieur de la magistrature

Comme annoncé précédemment dans une des dépêches de Guineematin.com, le Conseil national de la communication (CNT) a reçu hier, mercredi 31 mai 2023, en séance plénière, les contributions du Conseil supérieur de la magistrature et de l’Association des magistrats de Guinée (AMG).

Pour sa part, Elhadj Yaya Boiro, le Secrétaire exécutif du Conseil supérieur de la magistrature a formulé d’importantes recommandations pour une justice véritablement indépendante.

Guineematin.com vous propose l’intégralité de l’intervention de cette sommité de la justice guinéenne.

Communication sur l’élaboration de la future Constitution

Monsieur le Président du CNT,

Honorables Conseillers,

Chers invités, tous en vos titres, qualités et rangs respectifs,

Comment vous traduire les sentiments qui m’animent en ce moment où vous me faites l’insigne honneur de me retrouver devant vous pour participer aux débats relatifs au contenu de la future Constitution de notre pays.

Je suis devant vous en tant que Secrétaire exécutif ou, si vous voulez, Secrétaire général du Conseil supérieur de la magistrature. Le Secrétaire exécutif est nommé par Décret parmi les membres du Conseil du grade le plus élevé, sur proposition du Ministre de la justice et du Premier Président de la Cour suprême.

Ce secrétariat exécutif assure la liaison du Conseil supérieur de la magistrature avec la Présidence de la République. Il est considéré comme étant la cheville ouvrière du CSM. Comme tel, il est chargé de l’organisation des travaux des différentes formations du CSM, de la tenue des dossiers des magistrats et des archives en général. Il assure enfin l’exécution des décisions du Conseil.

Honorable Président du CNT,

Honorables Conseillers nationaux,

Permettez-moi, avant d’entrer dans le vif du sujet, d’appeler respectueusement votre attention sur certains aspects d’ordre historique qui pourraient vous inspirer lors de vos débats d’orientation constitutionnelle.

En effet, il vous souviendra qu’en accédant à l’indépendance le 02 octobre 1958 à la faveur d’un vote négatif au référendum initié par le Général de Gaulle, notre pays entendait mettre en place des institutions administratives et judiciaires performantes malgré les faibles moyens humains et matériels dont il disposait.

Pour ce faire, notre pays s’était doté d’une Constitution d’inspiration gauchiste réservant l’essentiel des pouvoirs à l’exécutif pour mieux, selon le discours officiel du chef de l’Etat d’alors, « consolider l’unité nationale et conduire la Révolution ». Cette Révolution était dirigée par le Parti démocratique de Guinée qui s’identifiait par postulat au peuple et satellisait en même temps toutes les institutions de l’Etat.

En 1984, suite à un bouleversement politique causé par la mort subite du Chef de l’Etat, le Président Ahmed Sékou Touré, survint un nouveau système politique qui se voulait libéral. Cette mutation avait abouti en 1991 à la promulgation d’une Loi fondamentale qui prévoyait la cohabitation des institutions républicaines selon le principe de la séparation des pouvoirs.

Cette Loi avait engendré la loi organique L/91/011 du 23 décembre 1991 portant Statut de la magistrature et celle L/91/010 de la même date portant création du Conseil supérieur de la magistrature (CSM).

Malheureusement, ces deux lois qui reprenaient le schéma classique propre aux pays francophones, n’ont jamais été appliquées. Il a fallu attendre la promulgation des lois organiques du 17 mai 2013 portant respectivement Statut de la magistrature et celui du Conseil supérieur de la magistrature, pour voir l’installation officielle dudit Conseil le 09 juillet 2014.

Depuis cette date, le Conseil supérieur de la magistrature s’efforce de jouer son rôle. A la prise du pouvoir par le Comité national du Rassemblement pour le développement (CNRD), il a été heureusement maintenu par l’Ordonnance N°2021/005/PRG/CNRD du 29 septembre 2021 portant prorogation du fonctionnement du CSM, afin que celui-ci accomplisse l’ensemble de ses missions régaliennes.

Au total, des efforts louables ont été faits et des actes concrets furent posés pour bâtir un Etat de droit fort avec une Justice respectueuse des droits de l’homme.

Pour autant, cet Etat est-il à ce jour, à la hauteur des attentes des populations ? Dispose-t-il, à travers sa législation et ses pratiques, d’institutions fortes pour bâtir une société démocratique ? La Justice exerce-t-elle toutes ses prérogatives constitutionnelles et légales ? A-t-elle les moyens d’exercer son indépendance ?

Face à ce questionnement, les réalités du terrain nous forcent à répondre par la négative. Car, outre que le dispositif institutionnel et les moyens matériels sont inappropriés et insuffisants, la question de volonté politique se pose avec acuité.

C’est autant dire que les échanges autour de la nouvelle Constitution offrent l’opportunité à notre pays d’élaborer une législation favorable à un développement durable et à l’instauration d’un Etat de droit démocratique.

Honorable Président du CNT,

Honorables Conseillers,

 Si nous tenons compte de notre histoire, de nos réalités et besoins propres, l’option constitutionnelle que vous allez prendre, quelle qu’elle soit, devra s’inscrire dans la logique des principes de la séparation des pouvoirs (1), la primauté du droit (2), le respect strict des droits de la personne humaine (3) et l’indépendance du pouvoir judiciaire (4). Ces quatre principes constituent le fondement de l’Etat de droit démocratique.

1- La Séparation des pouvoirs :

Il s’agit d’un principe qui vise à assurer la liberté en défendant les droits des gouvernés contre l’arbitraire éventuel des gouvernants. Montesquieu expliquait en substance dans son ouvrage intitulé « l’Esprit des lois » (en 1748), que la liberté des individus est compromise, car tout homme ou tout organe qui dispose d’un pouvoir a tendance à en abuser. Pour défendre donc la liberté contre le pouvoir, il faut trouver un frein qui rend cet abus impossible. Mais le pouvoir souverain étant par définition au-dessus de tout, aucun frein n’est donc assez puissant pour l’arrêter. Montesquieu en conclut qu’on ne peut arrêter le pouvoir que par le pouvoir.

 Cette théorie de la séparation des pouvoirs est fondée sur la distinction des trois pouvoirs qui existent traditionnellement dans la plupart des Etats, à savoir, le pouvoir législatif qui fait les lois, le pouvoir exécutif qui assure l’exécution des lois et le pouvoir judiciaire qui est en charge de l’interprétation et de l’application des lois.

Le plus souvent, dans nombre de pays, ces trois pouvoirs n’entretiennent pas des relations équilibrées, il existe souvent une domination perceptible du pouvoir exécutif. Celui-ci exerce une pression permanente sur les autres pouvoirs au point que ceux-là   finissent par s’identifier au régime en place.

C’est pourquoi, il est suggéré d’envisager une législation pragmatique et réaliste, pour assurer l’équilibre entre ces trois pouvoirs. Il conviendra de renforcer, sur le plan intellectuel et matériel, l’institution judiciaire en tant qu’arbitre, pour développer les capacités institutionnelles de l’Etat et prévenir la fragilisation de celui-ci.

2- La Soumission de l’Administration au droit  

Ce principe mérite d’être consacré en lettre d’or dans la future Constitution. En effet, la primauté du droit est l’une des conditions essentielles de l’existence de l’Etat de droit. Elle s’entend d’un ensemble de principes et de règles juridiques auxquels sont soumis à la fois l’Administration et les personnes vivant dans un territoire donné pendant un temps donné. Selon la conception classique, l’Etat doit, dans un Etat de droit, être soumis à la règle de droit. Toutefois, le concept d’Etat de droit mérite d’être élucidé. Car il est souvent affirmé à tort, qu’il y a Etat de droit dès lors qu’on se trouve en présence de lois publiées, d’une administration pour les exécuter et d’une justice pour les faire respecter. C’est acceptable, mais cela ne veut pas dire qu’on a un Etat de droit démocratique. En réalité c’est l’adjectif « démocratique » qui donne toute sa signification à un Etat de droit. Il s’agit d’un Etat où on assiste à un gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. Ce qui implique une éthique, une philosophie basée sur l’humilité et une acceptation de l’autre comme valeur.

C’est pourquoi, en tant que législateurs vous devriez mettre un accent particulier sur ce principe et insister même clairement sur le fait que les Cours et Tribunaux ont l’obligation d’y veiller de manière permanente et en toute circonstance.

Aussi, le secrétariat exécutif appelle-t-il votre attention sur la nécessité de séparer de manière nette le domaine de la loi de celui du règlement. Ainsi, le contrôle juridictionnel de la légalité des actes unilatéraux sera-t-il renforcé par le comblement d’une terrible vacuité consistant en la faiblesse, sinon l’inexistence d’une Justice administrative basée sur un code des obligations de l’Administration.

3- Le respect des droits de l’homme

D’emblée, l’Etat de droit démocratique implique le respect des droits de l’homme. Il s’agit de tous les droits de la personne humaine à savoir : les droits civils, politiques, économiques, culturels et sociaux.

Il est traditionnel que tous ces droits soient consacrés par une formule générale dans le préambule de chaque constitution. Mais il serait souhaitable que la future Constitution de notre pays mette en exergue  la liberté de la presse qui constitue un rempart, une condition indispensable à l’instauration d’un Etat de droit démocratique. Cette liberté implique que tout citoyen guinéen, outre qu’il est libre d’exprimer ses pensées ou idées, a le droit de créer, posséder, et d’exploiter une entreprise de presse sous réserve du respect de l’éthique et de la déontologie. De même l’Etat doit mettre en place une législation sévère pour lutter efficacement contre les violences sur le genre c’est-à-dire des violences faites aux femmes, aux enfants et même aux hommes compte tenu de leur état, peu importe qu’il s’agisse de violences physiques, morales ou psychologiques.

On ne peut parler de violations des droits de l’homme sans faire allusion à une recrudescence de la criminalité dans la sous-région au cours de ces dernières années. Il s’agit notamment du djihadisme, du terrorisme, de la cybercriminalité et de la misogynie, le tout causé ou aggravé par une consommation abusive de diverses formes de drogues.

Les débats que vous ferez sur la nouvelle Constitution devraient s’y pencher afin de mettre à jour sinon renforcer notre législation en la matière. Les obligations de l’Etat ainsi que leurs modalités d’exécution en matière de promotion et de protection des droits de l’homme, notamment le droit à l’éducation, devraient aussi être une préoccupation particulière du CNT, donc de l’Etat, ainsi que nos familles respectives.

4- L’indépendance de la magistrature

II est mentionné dans toutes les lois fondamentales des pays francophones que « le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif ». L’indépendance de la justice est un principe consacré également par l’article 10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui énonce que « Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial ».

Dans la réalité, cette indépendance judiciaire est quotidiennement menacée dans la plupart des pays surtout ceux du sud ou en voie de développement. En effet, les juges subissent beaucoup de pressions à cause de l’environnement politique, social et médiatique dans lequel ils officient.

Au demeurant, dans la plupart de nos pays, l’affirmation du principe de l’inamovibilité des magistrats et l’institution du Conseil supérieur de la magistrature exercent peu d’effets dissuasifs, prohibitifs ou simplement protecteurs, face aux multiples atteintes à l’autorité et à l’indépendance des juges.

C’est pourquoi, chaque juge a le devoir de se former avec ou sans l’aide de l’Etat, d’œuvrer avec courage, humilité et persévérance de manière à faire respecter son sacerdoce (sa fonction) et son serment de rendre de manière loyale et équitable sans aucune pression de qui que ce soit et pour quelque raison que ce soit.

S’agissant du Conseil supérieur de la magistrature, sa mise en place se justifie par plusieurs raisons.

Premièrement, la création du Conseil supérieur de la magistrature, en tant qu’organe constitutionnel garantissant l’indépendance des magistrats et leur soumission à la seule autorité de la loi durant tout le déroulement de leur carrière (du recrutement, jusqu’à la retraite), est une réponse à l’exigence de l’Etat de droit et à la récente montée vertigineuse du constitutionnalisme qui a conduit la plupart des Etats africains à instituer dans leur Constitution, le principe de la séparation des pouvoirs.

Afin de mieux soutenir l’indépendance du pouvoir judiciaire qui est souvent muselée par les prérogatives exorbitantes du pouvoir exécutif, les garanties statutaires et fonctionnelles instituées au profit des membres de ce corps doivent être renforcées. Cette garantie a pour but et conséquence d’empêcher le pouvoir exécutif d’influencer l’évolution de la carrière des magistrats.

Dans certains pays, le Président de la République et le ministre de la Justice en sont membres, c’est le cas dans certains pays de la sous-région notamment le Sénégal et la République de Guinée.

Dans d’autres pays, ces deux autorités n’en font pas partie, au nom justement de la séparation des pouvoirs, c’est le cas en France depuis la révision constitutionnelle de 2008, en Côte d’Ivoire et au Togo, pour ne citer que ces pays. L’exemple de ces pays pourrait être une source d’inspiration pour notre pays afin de mieux préserver et garantir le sacro-saint principe de l’indépendance de la magistrature.

Deuxièmement, Le CSM est aussi une juridiction disciplinaire, qui appartient non pas à l’Ordre judiciaire, mais à l’Ordre administratif. Il surveille le respect des diverses obligations éthiques et déontologiques des magistrats.

En Guinée, le Statut de la magistrature, contrairement au Statut sénégalais, ne laisse pas au Garde des Sceaux, Ministre de la justice et des droits de l’homme, le monopole de l’action disciplinaire. Il ouvre la possibilité à tous les citoyens et justiciables, de saisir ledit Conseil d’une plainte contre tout magistrat, pour manquement à ses devoirs professionnels ou même pour insuffisance professionnelle.

A ce jour, le CSM engage sans complaisance des poursuites disciplinaires à l’encontre de tout magistrat soupçonné d’avoir violé son serment. En témoignent les statistiques selon lesquelles plus d’une centaine de dossiers ont été examinés de 2014 à nos jours et qu’une soixantaine de magistrats ont fait l’objet de sanction, contrairement au CSM sénégalais qui n’a prononcé que 30 décisions disciplinaires à l’encontre de certains magistrats pour la période allant de 1993 à 2022, soit 29 ans.

A noter que contrairement à la plupart des pays de la sous-région ouest africaine et à la France, aucune voie de recours n’est prévue par le législateur guinéen contre les décisions du CSM. Ce qui viole certaines normes internationales telles que la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques adoptés par notre pays. D’où l’intérêt de corriger ce vide juridique.

Dans certains pays, en nombre restreint, la composition du CSM est limitativement ouverte à des personnalités qui ne sont pas magistrats, mais de manière à préserver l’indépendance de la Justice.

Dans d’autres pays, en plus grand nombre, le CSM est exclusivement composé de magistrats.

Au sujet de l’ouverture du CSM de notre pays, le Secrétariat exécutif que je représente suggère d’avancer avec prudence sur ce terrain particulièrement délicat. Car plus que tout autre, ce corps, qui est tout entier au service de l’État et du bien commun, a besoin de n’être entravé par aucun réflexe ni corporatiste, ni populiste.

Troisièmement, le CSM est un organe consultatif, qui est chargé d’émettre des avis sur toute question relative à l’organisation et au fonctionnement des juridictions, l’inamovibilité des juges, les mutations, la mise en détachement, en disponibilité et à la retraite des magistrats, la création, l’organisation et la composition de nouvelles juridictions. Il en va de même en ce qui concerne le programme et les formalités de recrutement, de formation initiale ou continue, de spécialisation, et de l’exercice du droit de grâce.

Compte tenu de ce qui précède, on pourrait se poser la question suivante : peut-il y avoir vraiment séparation des pouvoirs et indépendance de la Justice quand le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et d’autres organes ou structures ont la faculté de déléguer leurs représentants dans l’institution de garantie de l’indépendance du pouvoir judiciaire ?

Ne serait-ce pas une sorte de leurre, sous prétexte de lutter contre un certain corporatisme, que par le moyen de l’ouverture du CSM à ces représentations, la loi viole le principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs ou infantilise la magistrature investie de la prérogative de juger et de se prononcer sur des matières aussi graves que la vie, la liberté et les biens des personnes, ainsi que sur les relations entre l’Etat et les particuliers ?

Comment voulez- vous que le juge judiciaire sanctionne les infractions commises par les détenteurs du pouvoir exécutif quand le représentant est dans l’organe de nomination et de discipline ? Comment voulez-vous donner la sérénité au magistrat quand l’avocat qui plaide devant lui est fortement présent dans l’organe de nomination et de discipline ? Comment voulez que l’excès de pouvoir soit sanctionné, quand le pouvoir exécutif est fortement représenté dans l’organe de nomination et de discipline ?

Honorable Président du CNT,

Honorables Conseillers,

L’organisation judiciaire mérite aussi votre attention particulière. Il s’agit de porter vos regards sur la conciliation de nos ambitions avec la réalité nationale.

Le constat est que de très nombreuses juridictions de première instance sont sans palais de justice digne de ce nom. Les immeubles qui abritent les Cours et Tribunaux sont dans des situations non enviables. Il s’agit entre autres de :

  1. La vétusté poussée du plus grand nombre ;
  2. L’exigüité des bâtiments ;
  3. L’insuffisance de locaux pour recevoir le personnel ;
  4. L’insuffisance du nombre de salles d’audience. Sur ce point, seul un très petit nombre de juridictions, 5 au plus, sont dotées de 2 salles d’audience. Les tribunaux de première sont organisés en sections, dont le nombre varie entre 4 et 6. La Cour d’Appel de Conakry compte plus de 12 chambres pour une salle d’audience unique ouverte 5 jours par semaine.
  5. L’inexécution des décisions définitives de justice qui constitue un véritable goulot d’étranglement dans notre pays.

La question d’infrastructures et d’équipements des Cours et tribunaux doit aussi compter dans votre appréciation de la nécessité de créer de nouvelles juridictions. En tout cas, il ne sert à rien d’accroître le nombre des juridictions quand il n’existe pas d’infrastructures adéquates.

Il serait aussi moins coûteux pour l’Etat de garder la Cour suprême avec ses compétences judiciaire, administrative et constitutionnelle actuelles tout en veillant à la doter de ressources humaines, financières et matérielles permettant son bon fonctionnement.

Par contre, il est impérieux d’envisager la création sans délai d’une Haute Cour de justice présidée par un magistrat, afin de mettre fin à l’impunité de certaines catégories d’infractions susceptibles d’être commises par de hautes personnalités de l’Etat dans l’exercice de leurs fonctions.

Il serait également nécessaire que, lors de l’examen de la loi d’organisation judiciaire, vous veilliez à préciser la différence entre juridictions d’exception ou spécialisées et juridictions de droit commun, notamment en ce qui concerne la territorialité de leurs compétences respectives.

En vue de rapprocher la justice des justiciables, il serait utile, si les infrastructures appropriées existent ou peuvent être édifiées dans un délai raisonnable, d’ériger des Cours d’Appel au niveau de chaque région naturelle du pays et d’éviter des juridictions d’Appel d’exception.

 Les nominations, mutations, avancements, détachements et admissions à un congé maladie de longue durée, les disponibilités, la retraite ainsi que la réintégration des magistrats, ne doivent avoir lieu que conformément au Statut de la magistrature. Tout Décret de nomination, de mutation ou de promotion dans les fonctions judiciaires, doit obéir au principe d’inamovibilité s’il y a lieu et être soumis à l’avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature.

Il est également constaté que l’exécution des décisions de justice et même celles du CSM, ne sont pas effectives. D’où la nécessité d’intégrer cette question dans la future Constitution.

Pour mieux jouer son rôle en tant que socle institutionnel du pouvoir judiciaire, le CSM doit bénéficier d’un budget autonome. Cette autonomie de gestion budgétaire doit s’étendre à toutes les juridictions nationales. C’est le lieu et le moment de remercier le CNRD et le gouvernement pour toute l’attention qu’ils portent sur les conditions de vie et de travail des magistrats. Les efforts qu’ils déploient sur le terrain pour rénover les établissements pénitentiaires et améliorer le traitement des prisonniers en sont aussi une preuve de bonne volonté politique.

Par ailleurs, le maintien du parlement monocaméral et les institutions d’appui à la démocratie et à la bonne gouvernance de la Constitution de 2010 serait salutaire, pour éviter les conflits de compétence et les coûts élevés de fonctionnement.

Il serait aussi souhaitable de prévoir une année électorale, au cours de laquelle il sera prévu le renouvellement simultané de tous les mandats communaux, législatifs et présidentiels. Le financement des opérations électorales est programmé et les Lois de finances annuelles prévoiront des tranches du budget électoral. Ainsi, il n’y aurait pas ou plus de vacances de pouvoir comme par le passé.

 L’élection sur un même ticket du Président et, éventuellement, du Vice-président permettrait de régler une série de problème. Les candidatures indépendantes à toutes les élections devraient être consacrées dans la future Constitution afin de traiter tous les citoyens de ce pays sur un pied d’égalité.

La réforme du système partisan doit permettre à la Charte des partis d’édicter des conditions objectives quant à l’implantation nationale de ces partis, la réduction de leur nombre ainsi qu’en ce qui concerne les divers contentieux électoraux dont les délais légaux de règlement sont très courts. 

Honorable Président du CNT,

Honorables Conseillers,

Je voudrais terminer mon intervention en mettant l’accent sur deux idées essentielles à savoir l’effectivité des textes de lois et leur mise à jour en fonction de l’évolution et des besoins de notre société.

Comme vous le savez, l’effectivité des lois a toujours été un mythe dans notre pays. De bons textes de lois, notre pays en a souvent eu, mais ils n’ont jamais été respectés et appliqués intégralement. Les Constitutions de 1990 et de 2010 en sont de bons exemples. Si, à titre illustratif, cette dernière Constitution de 2010 avait été respectée, nous aurions évité la tragédie consécutive au 3ème mandat du pouvoir défunt. Il faut que nous respections la loi que nous avons nous-mêmes faite. Cette obligation incombe à la fois aux pouvoirs publics et à l’ensemble des citoyens.

Les textes doivent aussi refléter les aspirations de nos populations et les réalités du pays. Ils doivent évoluer en même temps que la société. En tout cas, rien ne sert de s’approprier une loi, parfois par simple mimétisme, si elle ne répond aux besoins des populations.

Telles sont, Honorable Président du CNT, honorables conseillers et chers invités, les recommandations que le Secrétariat exécutif du Conseil supérieur de la magistrature vous propose dans la perspective d’élaboration d’une nouvelle Constitution.

Merci de votre attention.

Yaya  BOIRO

Secrétaire exécutif du CSM

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