Le débat d’orientation constitutionnel démarré le 15 mai dernier a pris fin ce vendredi 2 juin 2023 avec le passage devant les membres du Conseil national de la transition du ministre de la Justice, de gardes sceaux et des droits de l’Homme, Alphonse Charles Wright, du Secrétaire général du ministère de l’Administration du territoire et de la décentralisation, Moustapha Kobélé Kéïta, du Secrétaire exécutif national de l’Agence nationale de lutte contre la corruption (ANLC), Sékou Amadou Oularé et le Président de l’Association des greffiers et huissiers de Guinée, Mamadou Foré Oularé.
Prenant la parole à son tour, Sékou Amadou Diallo de l’ANLC a axé son intervention sur la promotion de la bonne gouvernance et la promotion de l’Etat de l’Etat de droit.
Guineematin.com vous propose l’intégralité de cette intervention.
Discours de Monsieur le Secrétaire Exécutif de l’Agence Nationale de Lutte contre la Corruption et de Promotion de la Bonne Gouvernance
Monsieur le président du CNT,
Honorables Conseillers,
Quel type de constitution voulons-nous pour notre pays ? C’est la recherche des réponses à cette question qui justifie toute l’importance qui nous réunit ici. C’est un réel plaisir et un honneur de me tenir devant vous aujourd’hui à l’occasion de cet exercice si important pour la vie présente et future de notre pays.
Le débat d’orientation constitutionnel est d’une importance primordiale car il permet à tous les Guinéens de proposer leurs visions sur la future loi fondamentale de notre Nation.
Je souhaiterai tout d’abord vous remercier Honorables Conseillers et plus particulièrement le Président du CNT Dr Dansa KOUROUMA, de nous donner l’opportunité à notre tour en tant qu’institution de notre pays, de pouvoir apporter notre contribution allant dans le sens de la lutte contre la corruption et de la promotion de la bonne gouvernance, deux facteurs prépondérants pour le développement socio-économique durable de toute nation, de tout peuple ou de tout pays.
En effet, l’Agence Nationale de Lutte contre la Corruption et de Promotion de la Bonne Gouvernance créée par la loi 041 du 04 Juillet 2017 a pour principales attributions :
- Mener des activités de prévention et de détection de la corruption et des infractions assimilées ;
- Elaborer et de suivre la mise en œuvre de la politique nationale de bonne gouvernance, en vue de promouvoir l’intégrité et la transparence.
Ainsi, le domaine de compétence de l’agence couvre l’ensemble des structures et entités publiques ou privées quel que soit le mode de gestion, d’organisation ou de localisation géographique.
Monsieur le président du CNT,
Honorables Conseillers,
Depuis notre nomination (mon adjoint et moi) à la tête de cette institution le O8 octobre dernier et conformément à la mission qui nous a été assigné par le Président de la Transition, Président du CNRD, Chef de l’Etat, Chef Suprême des Armées, le Colonel Mamadi DOUMBOUYA, plusieurs actions concrètes ont eété menées. Il s’agit entre autres de
- La célébration de la journée mondiale de lutte contre la corruption le 09 décembre dernier avec 22 mille élèves, enseignants et encadreurs sensibilisés sur les méfaits de la corruption et les moyens de la combattre à Conakry et à l’intérieur.
- La mise en place et l’opérationnalisation d’un numéro vert (#155) et d’une adresse email ([email protected]) pour dénoncer les cas de corruption ;
- La rénovation et l’équipement du siège de l’agence qui était dans un état peu honorable depuis des années ;
- L’installation et l’opérationnalisation des sept antennes régionales de l’Agence à l’intérieur du pays ;
- La tenue de diverses campagnes de sensibilisation dans les commissariats, les mairies, les hôpitaux et l’aéroport Ahmed Sékou Touré de Conakry ;
- La mise en place d’un cadre de travail avec les autres corps de contrôle tel que la CRIEF, l’ORDEF, la CENTIF, l’IGE, les Services Spéciaux, etc. ;
- La signature d’une convention de partenariat entre l’Agence et les faitières de la société civile dans le cadre de la prévention et de la promotion de la bonne gouvernance ;
Concernant la détection des cas de corruption, le numéro vert et les différents autres canaux (courriel, documents physiques, auto-saisine, etc.) mis à la disposition des citoyens ont permis des cas de dénonciations de centaines d’allégations de corruption et de pratiques assimilées sur toute l’étendue du territoire nationale. En effet, de nos jours, l’ANLC-PBG totalise plus d’une cinquantaine d’allégations de grande corruption qui totalisent plus de 4 mille milliards de francs guinéens. Aucun secteur de l’activité économique de ce pays n’est épargné malheureusement.
Quant à la bonne gouvernance, l’ANLC-PBG a constaté plusieurs pratiques ou incohérences qui inéluctablement contribuent à l’accentuation de la corruption dans le pays. On peut citer entre autres :
- Le manque de transparence totale dans la fourniture des services de l’Etat à la population ;
- L’incohérence dans la prise de certaines décisions de politiques publiques ;
- L’ignorance et le manque de transparence dans la tarification des services de l’Etat ;
- La quasi-absence de processus digitalisés dans la gestion courante de l’administration publique notamment les marchés publics ;
- La soustraction totale du secteur privé à ses obligations fiscales, sociales et environnementales ;
- L’inadéquation entre la rémunération des hauts commis de l’Etat et les objectifs assignés ;
- L’inadéquation entre la compétence des agents publics et les responsabilités assignées ;
- L’érection de la corruption en système dans la vie économique et sociale ;
- Le manque d’incitatifs à l’intégrité, à l’éthique et au patriotisme ;
Monsieur le président du CNT,
Honorables Conseillers
Il est regrettable de rappeler que tous ces constats nous ramènent à la triste réalité rappelant à chaque Guinéen que la corruption et la mauvaise gouvernance persistent encore dans notre pays (le dernier rapport de Transparency International nous classant 147 /180 en fait foi).
En dépit de tous les efforts fournis par l’Agence avec le soutien indéfectible du Chef de l’Etat, Président de la Transition le Colonel Mamadi Doumbouya à travers le Ministre Secrétaire général de la Présidence le General de Brigade Amara Camara et, à travers votre soutien sans faille Monsieur le Président du CNT, les défis à relever restent immenses et incommensurables vous conviendrez avec moi.
Afin de relever ces défis et faire de la Guinée un exemple en matière de bonne gouvernance, le pays doit se doter de textes forts, d’institutions fortes qui résisteront au temps et aux hommes. Mais également, il nous faut des Hommes forts, intègrent et patriotes capables de mettre les intérêts de la nation au-dessus de leurs propres intérêts. Car comme le disait un de mes prédécesseurs du haut de cette tribune : « Quel que soit la solidité des textes, quelques soient les intangibilités dans nos textes, si nous n’avons des hommes intègrent prêts à défendre ces textes au prix de leur vie, ils voleront en éclat et ne résisteront jamais au temps ».
Ainsi, au nom de l’ensemble des cadres de l’Agence Nationale de Lutte contre la Corruption et de Promotion de la Bonne Gouvernance, je saisi l’occasion d’être à cette tribune pour décliner notre vision de la Guinée de demain forte, exemplaire en matière de gouvernance et débarrassée de toute corruption.
Monsieur le président du CNT,
Honorables conseillers,
L’ANLC-PBG propose donc pour la future constitution :
- Garantir la création d’une Autorité Administrative Indépendante (AAI) doté de pouvoirs d’investigations judiciaires en charge de la lutte contre la corruption et de la promotion de la bonne gouvernance ;
- Citer nommément l’institution de lutte contre la corruption et de promotion de la bonne gouvernance dans la constitution (cela permettra de mettre en évidence son caractère souverain et pérenne).
- Rendre imprescriptibles les crimes et infractions économiques et financières.
- Rendre l’enseignement obligatoire pour les enfants jusqu’à l’âge de 12 ans sous peine de prison des parents ou des responsables légaux ;
- Établir un système présidentiel, avec un président et un vice-président élu au suffrage universel, doté de pouvoirs exécutifs clairs et d’un mandat limité dans le temps.
- Définir l’architecture du gouvernement avec une dénomination des départements ministériels.
- Garantir la validation de la nomination des hauts commis de l’Etat par l’Assemblée Nationale (membres du gouvernement, hauts cadres, juges de la cour suprême, juges des tribunaux, chefs des états-majors, etc.)
- Renforcer les mécanismes de reddition de comptes et de transparence dans la gestion des affaires publiques, notamment par le biais de l’audit indépendant et de la publication régulière des rapports financiers des institutions publiques (rapports de performance annuels présentés à l’assemblée).
- Limiter le pouvoir discrétionnaire de nomination des hauts cadres de l’administration publique par le Président de la République et les ministres et garantir la compétition pour les nominations des hauts commis de l’état.
- Garantir et rendre obligatoire la déclaration de patrimoine pour :
- Le président de la République ;
- Le vice-président
- Les membres du gouvernement ;
- Les élus
- Les responsable des régies financières ;
- Les magistrats ;
- Et tous les gestionnaires du bien public.
- Les présidents des institutions nationales ;
- Les responsables des corps de contrôle.
- Les chefs d’Etat major des armées
- Garantir le principe de séparation des pouvoirs : le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif, le pouvoir judiciaire et reconnaitre officiellement la presse comme étant le quatrième pouvoir.
- Garantir l’innovation et la digitalisation de tous les processus administratifs financiers de l’Etat.
- Garantir la nomination des juges de la cour suprême et des tribunaux à vie avec possibilité de révocation uniquement par l’Assemblée nationale (cette révocation devra être justifiée par la commission de crimes, de corruption ou pratiques assimilées ou tout autre acte prohibé par la loi).
- Renforcer les mécanismes de responsabilité et de transparence dans le système judiciaire, notamment en établissant des conseils de discipline et des procédures de traitement des plaintes contre les juges.
- Définir un cadre réglementaire transparent pour le financement des partis politiques, garantissant l’intégrité et la transparence des sources de financement et limitant l’influence de l’argent sur la vie politique.
- Garantir la représentativité des personnes à mobilité réduite ou atteint de handicap et leur prise en compte dans toutes les décisions de politiques publiques.
Monsieur le Président du CNT,
Honorables Conseillers,
Au vu de toutes les propositions faites ici depuis le début de ce débat si riche qui est celui de l’orientation constitutionnel, nous nous rendons-compte que chaque Guinéen souhaite avoir une constitution qui résiste au temps et aux Hommes. Notre constitution devra également faire la promotion de la bonne gouvernance, de l’intégrité, de l’éthique, du patriotisme et du civisme.
Je termine mon propos en vous remerciant de nouveau pour la réussite de ce débat, pour l’écoute, et pour l’ensemble des mesures entreprises par votre institution dans le cadre de la refondation de l’Etat et de la rectification institutionnelle tant chères au Président du CNRD, Président de la Transition le Colonel Mamadi DOUMBOUYA.
Que Dieu bénisse la Guinée
Que Dieu bénisse les Guinéens
Je vous remercie !