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2 ans du CNRD au pouvoir : Dr Alhassane Kaké Makanera, professeur de Finances publiques, dresse le bilan

Dr. Alhassane Makanera Kaké

Dans moins d’une semaine (notamment le 5 septembre prochain), le Conseil national du rassemblement pour le développement (CNRD) va célébrer ses 2 ans à la tête de la Guinée. Cette junte militaire dirigée par le colonel Mamadi Doumbouya est au pouvoir depuis le 5 septembre 2021, après le putsch contre l’ex chef de l’Etat Alpha Condé.

En prenant les rênes de la Guinée, elle avait promis la refondation de l’Etat, mais aussi une justice saine et équitable. Elle s’était également engagée à jeter les bases du développement et à bannir la corruption et bien d’autres maux qui ont caractérisé les différents régimes qui se sont succédé à la tête de la Guinée depuis 1958. Mais, qu’en est-il aujourd’hui ?

Dans un entretien accordé à Guineematin.com ce jeudi, 31 août 2023, Dr Alhassane Kaké Makanera, professeur de Finances publiques et enseignant-chercheur à l’Université Général Lansana Conté de Sonfonia, a attribué au CNRD un bilan mi-raisin, mi fougue. Il estime que la « maîtrise de l’inflation, le maintien de la croissance économique et l’évolution du PIB » sont autant de succès à mettre au compte de la junte.

« Si nous devons tirer le bilan des 2 ans de gestion du CNRD au pouvoir, nous allons d’abord voir l’aspect macroéconomique. Durant ces 2 ans, on se rend compte que l’inflation a été maîtrisée, la croissance économique a été maintenue, le PIB (produit intérieur brut) a évolué, et surtout le budget en recettes et en dépenses a évolué. En analysant le budget d’un Etat, on peut d’abord commencer par voir le déficit budgétaire et les conditions de son financement. Le second élément, c’est de voir si la loi de Wagner est respectée. Autrement, c’est de voir est-ce que le budget évolue, est-ce cette évolution donne l’équilibre budgétaire ou l’équilibre de masse ? Donc, à travers des indicateurs macroéconomiques qui ont été rendus publics, il y a vraiment un progrès en matière macroéconomiques. Mais, il faut aussi le dire. Parmi les réformes macroéconomiques, il y a certaines qui sont souvent des mesures structurelles. Et ça, c’est en long terme pour qu’on puisse voir les effets. Il y a des mesures qui ne pourront produire d’effets qu’après deux ans, il y a d’autres mesures qui portent sur des situations structurelles ou conjoncturelles. Dans ces mesures, on voit tout de suite l’effet direct. Mais ça, c’est dans le cadre budgétaire. Il y a eu également une certaine discipline budgétaire. Si vous regardez le titre des dépenses qu’on appelle dépenses communes, que nous nous avons toujours considérées que c’étaient des doubles emplois, dans cette partie, il y a eu une économie budgétaire. Donc, cette partie a été sérieusement bien gérée par rapport aux années passées. Si vous faites une observation, dans le décaissement de dépenses publiques, les dépenses communes dans les 6 premiers mois bénéficient toujours de 100% d’exécution ou de décaissement. Alors qu’en moyenne, il n’y a eu 3% de dépenses décaissées en dehors de cette étude fait croire qu’il y a des problèmes. Maïs, quand nous prenons l’investissement, parce qu’en réalité, c’est ce qui est directement visible, parce qu’il est très difficile en Guinée qu’on ait un impact direct de la croissance économique sur le panier de la ménagère. Pour la simple raison, à date, la Guinée ne dispose pas d’une politique d’élaboration sociale qui permet à ce que les mesures budgétaires touchent directement les bénéficiaires. On a quand-même ce problème. Quand on dit la subvention, vous verrez que plus on est riche, plus on bénéficie de la subvention ; moins on est pauvre, moins on bénéficie de la subvention. Je vous donne un exemple sur la subvention de l’électricité, vous verrez que le taux d’électrification rurale est de 2%. Donc, la subvention-là, qui gagne ? C’est le gros consommateur. Et ceux qui n’ont qu’une ampoule ne bénéficient rien. C’est un problème en termes d’élaboration sociale efficiente. Parce qu’en ce qui concerne l’investissement, le service public n’est visible qu’ à travers l’action de l’Etat notamment les routes », a indiqué Dr Alhassane Kaké Makanera.

A côté de ces points positifs du CNRD, Dr Alhassane Kaké Makanera évoque des défis qui persistent. Et, à titre d’illustration, il parle de l’opacité autour des investissements et le manque de transparence dans la publication des contrats miniers.

« C’est très difficile de parler de l’impact économique, parce qu’on va se limiter seulement à des chiffres officiels dont nous bénéficions sur le budget et sur l’économie. Mais quand-même, il y a des problèmes. Ces problèmes se situent à quelques niveaux. Il faut noter qu’il n’y a pas assez d’informations sur la manière dont les investissements sont réalisés. Ça, c’est un problème. Et, l’autre problème, c’est que le CNRD n’a pas pu nous aider, alors qu’il devrait booster l’économie, les ressources. Ça, c’est en exemple l’incapacité de publier les contrats miniers, alors que la constitution financière dit clairement que les constats miniers signés par la Guinée doivent être publiés pour que le peuple sache combien la Guinée gagne dans les différents contrats. Mais ça, c’est juste un problème de volonté, parce que le contrat existe, la loi existe, il suffit de la respecter. Ça aussi, c’est un problème. Le troisième niveau de problème, on a des administrateurs comme franchement des gens qui ne connaissent pas l’administration. Parce que quand on voit l’action de certains chefs, on se pose la question de savoir est-ce que réellement ils connaissent la gestion publique. Attention, le management public ne signifie pas remplacer la gestion publique par la gestion privée. Mais plutôt intégrer la gestion privée dans la gestion publique. C’est ce que n’arrivent pas à comprendre la plupart de ceux qui nous gouvernent. Je veux bien de l’apport de certains dans l’administration publique, mais cela ne signifie pas de remplacer le secteur public par le secteur privé », souligne-t-il.

Par ailleurs, Dr Alhassane Kaké Makanera a mis en exergue l’importance d’une meilleure gestion des dépenses et des recettes publiques, ainsi que la nécessité de revoir la structure budgétaire pour favoriser une meilleure allocation des fonds. Il a aussi insisté sur la nécessité d’améliorer la gouvernance économique publique, en réformant la manière dont les ordonnateurs disposent des fonds et en évitant les pratiques de surfacturation.

« Il faut revoir la structure du budget, il faut revoir le pouvoir des ordonnateurs. Il faut réduire le pouvoir dépensier des ordonnateurs. L’administration publique a besoin des prix administratifs adoptés par elle pour éviter ce que nous appelons couramment la surfacturation. Donc, il y a beaucoup à faire pour la sécurisation des dépenses et la sécurisation des recettes. Je sais que beaucoup d’efforts sont en train d’être fournis à ce niveau, mais il faudrait encore plus d’efforts pour que l’administration quitte ce qu’on appelle dans l’élaboration du budget la règle d’évaluation directe. Qu’on abandonne la règle d’évaluation para quotas. Le quota est arbitraire et est source de corruption. Donc, pour qu’on puisse aller de l’avant, beaucoup d’efforts doivent être demandés à l’administration. Surtout assainir le secteur public économique. Parce que les multitudes de lois dont la Guinée dispose dans le secteur public économique n’arrive pas à encadrer avec efficacité le secteur public économique. Donc, il y a beaucoup d’efforts à fournir et surtout faire de sorte que l’excédent d’exploitation du secteur public économique soit versé au trésor qui ne se fait pratiquement pas. Il faudrait qu’on puisse publier les revenus recouvrés par l’ARPT, par l’OGP, le patrimoine bâti public, le port autonome, la marine marchande, toutes les entités publiques de cette catégorie que sont les épiques, les EPA et sociétés, parce que là, il n’y a pas de comptabilité qui est rendue publique, on ne voit pas leurs traces dans le budget, on ne sait pas où l’argent va. C’est pourquoi j’ai dit qu’à ce niveau il y a beaucoup de choses à faire. Et si les autorités de la transition veulent réussir 2024, voici les pistes de solutions où nous allons suffisamment d’argent », a-t-il conseillé

Selon nos informations, en dépit des efforts fournis par la Guinée pour maintenir la résilience économique en face de la pandémie et des troubles politiques, la croissance économique a ralenti en raison d’événements politiques en 2021. Toutefois, en 2022, le taux de croissance est resté stable grâce à la production d’or et de bauxite. Pour 2023, une augmentation de la capacité de production dans le secteur extractif et la demande chinoise de bauxite devraient stimuler la croissance à 5,6 %, selon le FMI. Néanmoins, les indicateurs socio-économiques restent faibles en Guinée, avec un classement bas dans l’Indice de Développement Humain (IDH).

Mamadou Laafa Sow pour Guineematin.com

Tél : 622919225

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