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Mamadou Thior, président du CORED (Sénégal) sur la censure des médias en Guinée : « il y a des gens qui ont des choses à cacher »

Mamadou Thior, président du CORED (Conseil pour l’Observation des Règles d'Éthique et de Déontologie)

Les journalistes guinéens font face actuellement à des défis considérables. Depuis quelques, ils sont victimes de restrictions sévères qui entravent leur capacité d’exercer leur métier en toute indépendance. La retrait de certains du bouquet Canal+ et le brouillage des signaux de certaines radios sont des atteintes à la liberté de la presse. Des atteintes vivement condamnées dans le pays et au-delà de ses frontières.

Dans un entretien accordé à Guineematin.com, le président du Conseil pour l’Observation des Règles d’Ethique et de Déontologie (CORED) du Sénégal, Mamadou Thior, a encouragé les journalistes guinéens à « tenir bon » dans ce combat pour leur indépendance.

« Le message, c’est qu’ils doivent mettre en tête que le métier que nous exerçons est un métier difficile et qu’ils ne doivent pas fléchir, ils doivent tenir bon, parce qu’en face il y a des gens qui ont des choses à cacher et qui ne vont pas nous faciliter la tâche. Quand vous avez affaire à ce genre-là, si vous vous découragez vite, vous n’aurez pas votre place dans le journalisme. Donc, c’est un métier très difficile et qu’il faut exercer avec détermination », a-t-il dit.

Au Sénégal, le CORED est un organe d’autorégulation des médias. Il a été mis en place par les professionnels de médias et il est nettement différent du régulateur qui a été mis en place par l’Etat. Son président dit être favorable à un partage d’expérience avec les professionnels de médias en Guinée dans le cadre d’une concertation sous-régionale.

« Nous, nous sommes un organe d’autorégulation, c’est-à-dire une structure qui a été mise en place par les professionnels de médias eux-mêmes. C’est différent du régulateur, par exemple quand vous prenez le régulateur chez vous, c’est l’État qui l’a créé comme chez nous le CNRA. C’est pourquoi l’organe bas de l’aile. Depuis plusieurs années, il ne fonctionne plus. Par contre, le CORED fonctionne très bien depuis une dizaine d’années et aujourd’hui il est reconnu par la loi sénégalaise. Pour le cas de la Guinée, nous avons établi un premier contact avec l’ancien OGUIDEM, c’était un peu comme le CORED qui est presque mort. Là, ils sont en train de mettre en place un nouvel organe. Il y a un peu plus de 2 ans et demi, nous avons organisé un webinaire ou nos amis guinéens étaient invités, on avait parlé de la régulation des réseaux sociaux et de la presse en ligne. Et à cette époque, on avait établi un premier contact fécond et nous continuons la discussion pour faire en sorte que tous les organes d’autorégulation puissent avoir un cadre de concertation sous-régional, faire en sorte que quand tu as des problèmes dans ton pays qu’on puisse intervenir. Comme par exemple il y a un peu plus d’un an il y a eu des arrestations au Togo, nous nous sommes concertés pour le contexte médiatique actuel parler d’une seule voix en rapport avec les syndicats des professionnels de médias, parce que c’est leur rôle premier et que nous, nous venons en appui », a-t-il indiqué.

Bien que des actions concrètes n’aient pas encore été prises, le CORED reste attentif à la situation en Guinée et envisage de faire une déclaration en soutien à ses confrères. Soulignant l’importance de la solidarité entre les professionnels des médias, le CORED reconnaît le courage des journalistes guinéens qui, malgré les difficultés, continuent de défendre la liberté d’expression et les droits des médias.

« Pour le cas présent de la Guinée, nous n’avons pas encore fait de déclaration. Parce que ça, c’est le rôle de nos amis de synpics (le syndicat des professionnels de l’information et de la communication du Sénégal), c’est eux qui doivent s’impliquer. Mais nous au Sénégal, on a un cadre, ce qu’on appelle la coordination des associations de presse (CAP), ça regroupe même les patrons de presse, les syndicats, les organes de régulation. Je pense qu’on fera une déclaration en temps voulu pour soutenir. Nous sommes en train de suivre ce qui se passe en Guinée et nous vous félicitons de cette solidarité entre les professionnels de média en Guinée. On a vu que quand les gens appellent à la grève tous les journalistes suivent le mot d’ordre, ce qui n’est pas le cas dans beaucoup de pays, peut-être par peur. Donc, il y a une solidarité agissante en Guinée et on voit que ça fait bouger les lignes », a dit Mamadou Thior.

Dans le cadre plus large de la protection des journalistes, le CORED reconnaît les défis persistants auxquels la presse est confrontée, notamment en période de conflit politique. Cependant, il souligne également l’importance pour les journalistes de maintenir une approche intelligente et équilibrée dans leur travail, évitant de compromettre leur crédibilité tout en assurant leur sécurité. Le CORED préconise une sensibilisation accrue des autorités chargées de la sécurité des journalistes et appelle à un comportement respectueux de la part des forces de l’ordre envers les médias.

« Vous savez, la liberté de la presse, c’est un combat de longue haleine. Et quand vous avez des acquis, vous allez chercher d’autres. Il faut savoir quand vous êtes dans un contexte hostile, il faut savoir comment naviguer. Nous, nous avons été pendant ces trois dernières années dans le contexte du conflit qui a opposé Ousmane Sonko et le régime de Macky Sall, même la presse n’a pas été épargnée, on a vu des journalistes qui ont été brutalisés, des maisons de presse qui ont été saccagées à la limite de matériel incendié (…) parce qu’on était arrivé à un moment où soit tu es pro Sonko, soit tu es pro Macky Sall. C’est comme ça que les partisans des deux camps voyaient la presse. Et si vous ne prenez pas garde, tout de suite vous perdez beaucoup de crédit dans ce conflit-là. C’est pourquoi je dis qu’il faut vraiment être intelligent dans l’approche. Ce qu’il faut toujours éviter, c’est de prêter un flan, parce que par rapport à vos positions surtout avec les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, etc.), ce que vous écrivez, les gens surveillent. Donc, il faut être intelligent dans la façon de faire, parce qu’il y a des choses, si vous les exposez, je ne dis pas que les gens ne doivent pas exprimer ce qu’ils pensent, mais il y a une façon de s’exprimer qui ne vous exposera pas aux gens qui pourraient même penser que vous êtes avec le régime ou avec l’opposition. Là, c’est faire en sorte que les autorités qui sont en charge de la sécurité des journalistes soient sensibilisées, ils doivent savoir que c’est dans notre rôle et c’est aux policiers et aux gendarmes de se comporter de manière civilisée et ne pas penser que parce qu’on porte la tenue on doit s’en prendre aux citoyens ordinaires pour un oui ou pour un non », souligne le président du CORED.

Enfin, en ce qui concerne la sécurité des journalistes étrangers, le CORED reconnaît les défis supplémentaires posés par les barrières linguistiques. Toutefois, il encourage les journalistes à recourir à des fixeurs ou à des interprètes locaux pour faciliter leur interaction avec les communautés locales et surmonter les obstacles linguistiques, contribuant ainsi à renforcer la confiance et la collaboration avec les populations locales.

« Pourtant au Sénégal, il y a beaucoup de journalistes accrédités qui font très bien leur travail. Certes, il y a la barrière de la langue, si vous voulez faire un sujet, ce que je vous suggère, c’est d’aller chercher un fixeur, une personne qui pourra servir d’interprète entre vous et les populations. Et ça brise un peu la méfiance », a-t-il indiqué.

De Dakar (Sénégal), Hadja Mariama Diallo pour Guineematin.com

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