Immersion dans la vie des jeunes : entretien avec Mohamed Soumah (maison des jeunes de Lambayi)

Mohamed Soumah, responsable de la maison des jeunes de Lambayi

La jeunesse contribue à développer la résilience des communautés et à stimuler le progrès. Aussi, chaque génération de cette jeunesse peut apporter sa contribution à l’avancement de la société. Selon Mohamed Soumah, le responsable de la maison des jeunes de Lambanyi, une nation forte se construit avec une jeunesse forte et consciente. C’est pourquoi l’État doit beaucoup investir dans l’éducation de la jeunesse.

« On ne peut jamais parler d’une nation forte sans une jeunesse forte. Qu’est-ce que cela veut dire ? On va juste se rappeler, après la deuxième guerre mondiale, nous avons constaté que le Japon a été dévasté. Et aujourd’hui, ce pays est vraiment développé, parce que les leaders ont compris que le développement passe par la jeunesse. Si on doit parler de la technologie, le Japon fait partie des pays les mieux industrialisés. Si on doit parler du développement économique, le Japon aujourd’hui est mieux placé. C’est parce que la jeunesse a été au centre du développement du Japon. Donc, qui parle d’une nation forte, doit parler impérativement d’une jeunesse forte et d’une jeunesse consciente. Parce que si nous pensons un peu à notre indépendance, les pères fondateurs du mouvement indépendantiste guinéen, si nous prenons Barry III, Sékou Touré et autres, ils étaient tous des jeunes. Personne d’entre eux n’avait 50 ans. Ça veut dire, quand on est jeune, on peut mieux faire, on peut mieux accomplir des missions nobles pour la nation. Et la jeunesse actuelle a beaucoup à apprendre, à faire », a-t-il rappelé.

Poursuivant, ce deuxième responsable de la maison des jeunes de Lambanyi trouve désolant de constater que beaucoup de jeunes se livrent à des pratiques honteuses.

« Les jeunes de Lambanyi ne font pas exception. Parce que tous les jeunes de Lambanyi sont pratiquement à l’image des jeunes de la Guinée. C’est-à-dire, nous constatons aujourd’hui la délinquance au niveau de notre jeunesse, la paresse, le manque de conscience, de motivation et beaucoup se sont livrés dans les pratiques honteuses et déshonorables, tel que la consommation de stupéfiants de la drogue, de l’alcool, surtout actuellement, avec la nouvelle version de drogue qu’on appelle kush qui est là à détruire la jeunesse de la Guinée, pas seulement la jeunesse de Lambanyi. Mais heureusement, pour le moment, il n’y a pas eu de cas de mort à Lambanyi concernant cette drogue. Alors que c’est la jeunesse responsable de notre chère Guinée qui pourra mieux apporter à notre pays. Mais si malheureusement, quand on est au chômage, on se dit qu’il faut se lancer dans la drogue, dans la consommation de la bière, avec ce genre de pratiques, je ne pense pas qu’on pourra être un parent ou un doyen responsable après 10 ans, 20 ans. Mais par contre, il y a certains qui sont aussi conscients, parce que ce n’est pas toute la jeunesse qui est inconsciente ou mauvaise. Il y a certains qui sont conscients, qui aiment leur famille, qui se battent du jour au lendemain, qui se lèvent dès le matin pour partir à la quête de la satisfaction de la famille. Mais à Lambanyi, on a une jeunesse consciente, responsable, sans se leurrer, à part quelques-uns qui sont dans les mauvaises pratiques. Donc, à Lambanyi, il y a moins de problèmes par rapport à la gestion de la jeunesse », a-t-il confié.

Plus loin, Mohamed Soumah pense que pour combattre la délinquance au niveau des jeunes, l’État doit investir dans l’éducation et réduire le chômage.

« Le chômage et l’employabilité des jeunes, si vraiment nos autorités, à tous les niveaux, pouvaient penser à ce problème, j’ose croire qu’on aurait un taux de chômage réduit. Mais généralement, la politique d’embauche des jeunes fait défaut du côté des autorités, à tous les niveaux. Il y a plus d’une ou deux décennies, des jeunes diplômés qui sont là sans emploi, pour se démerder dans le secteur informel. Est-ce qu’avec le secteur informel on pourra joindre les bouts ? Donc le constat est amer. C’est pourquoi vous allez voir d’autres se livrer à des pratiques honteuses. Des fois, ce n’est pas forcément leurs vœux ni leur souhait. Vous allez continuer à déposer les dossiers, de part et d’autre, et des fois ça ne passe pas. Et ça démotive, ça n’encourage pas d’autres à continuer. Certains, par contre, continuent à lutter. Ici dans le quartier, par exemple, il y a des motards qui sont diplômés. Mais malheureusement, ils n’ont pas eu la chance d’évoluer dans le domaine pour lequel ils ont été diplômés. Donc j’implique les autorités à penser à la formation des jeunes. Parce que qui parle de la formation des jeunes doit parler d’abord de l’éducation. Et comme le disait Nelson Mandela, l’éducation est l’arme la plus puissante qu’on peut utiliser pour transformer le monde. Donc, il faut que l’État guinéen s’investisse dans l’éducation, dans la formation et l’encadrement des jeunes. On ne peut pas tous être dans les bureaux, mais d’autres peuvent être dans l’armée, d’autres peuvent être des ingénieurs, etc. Donc, si on arrive aussi à construire des lycées techniques, ça va beaucoup nous aider en Guinée, mais ça nous manque malheureusement. Généralement, les jeunes ont des problèmes, ils ne savent pas comment s’orienter. On veut tous être économistes, on veut faire l’économie à l’université, on veut faire l’administration des affaires, on veut faire le droit. Alors que sur le terrain, le marché n’a pas forcément besoin de ça. C’est pourquoi il y a beaucoup de jeunes qui sont au chômage. Pourquoi ne pas apprendre les métiers, dès que tu finis, tu as la chance d’être embauché », a-t-il suggéré.

Par ailleurs, les responsables de la maison des jeunes de Lambanyi font face à une énorme difficulté.

« Les difficultés au niveau de la maison de jeunesse sont énormes. D’abord, la maison des jeunes de Lambanyi fait exception aux autres maisons de jeunes de la ville de Conakry. Parce que chez nous, il y a un contentieux. C’est-à-dire que la maison n’est pas totalement acquise. Et la petite histoire, elle avait été revendue à un particulier. Donc on a jugé nécessaire de contacter les autorités à tous les niveaux. On a commencé par les autorités de base, le quartier, la commune, le gouvernorat, ainsi de suite. Depuis au temps d’Alpha, le chef de quartier s’est beaucoup battu pour la cause. Et le feu maire, Batouta Camara, qui était le maire de la commune de Ratoma, était venu nous soutenir. Donc, il était question d’abord de rembourser le monsieur qui avait investi, parce qu’il a acheté. Mais malheureusement, on n’a pas encore de papiers officiels. Et les difficultés, à part ça, c’est la gestion des jeunes. Il y a des jeunes mal intentionnés qui ne comprennent pas vraiment ce que c’est une maison des jeunes. Et quand on dit maison des jeunes, ça ne veut pas dire que c’est un lieu où on doit se retrouver pour faire n’importe quoi », a-t-il lâché.

Cependant, bien qu’ils ne reçoivent aucune aide financière, les responsables continuent à se battre pour l’émancipation de la jeunesse.

« Notre combat aujourd’hui, c’est d’abord l’officialisation de cette maison et d’essayer de dédommager le monsieur qui avait acheté. Mais on sait qu’on ne peut pas continuer à tendre la main à des personnes de bonnes ressources dans le quartier, au niveau de la commune, etc. Pourquoi ne pas essayer de créer des activités qui vont apporter quelque chose à la jeunesse ? C’est ainsi qu’il y a ici un monsieur qui fait le lavage des véhicules, et à la fin du mois, il verse quelque chose au niveau de la maison. On a eu à installer les boutiques aux alentours, ce qui apporte également quelque chose à cette jeunesse, et beaucoup d’autres choses », a-t-il expliqué.

Mariama Barry pour Guineematin.com

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