Accès à la fonction publique : « l’État ne doit pas nous faire travailler sans salaire pendant 2 ans et nous abandonner »

Comme indiqué dans nos précédentes publications, le ministère du Travail et de la Fonction publique a publié les résultats de l’évaluation en pratique de classe des enseignants contractuels communaux jeudi dernier, 8 août 2024. Sur près de vingt mille enseignants contractuels, seulement dix mille sont déclarés admis à la fonction publique locale. Parmi ceux qui ont échoué, la tristesse est immense, surtout après un sacrifice de nombreuses années sans salaires. C’est le cas madame Aïssatou Saïbatou Diallo, qui a passé deux années de sa vie (2022 – 2024) sans famille, sans salaire, dans le village de Sayonyah, relevant de la sous-préfecture de Koba, à Boffa. Interrogée par un reporter de Guineematin.com, elle a exprimé sa déception avant d’interpeller les autorités sur leur situation.

Guineematin.com : vous étiez candidate pour la fonction publique locale. Malheureusement, ça n’a pas marché, n’est-ce pas ?

Aïssatou Saibatou Diallo : non malheureusement. Après tout l’effort que j’ai fourni, après deux ans de travail sans salaire à Boffa. C’est la décision du ministre qui m’a envoyée pour servir l’école guinéenne en tant qu’enseignante communale. De 2022 à nos jours, je suis dans les écoles sans salaire. L’État nous écarte sous prétexte que nous ne sommes pas admis au concours formel. Un concours dont le sujet était déjà connu avant le test. Avant le concours, nous connaissions déjà le sujet, tout le monde était prêt. Tout le monde était prêt pour ce concours et l’État, après deux ans sans salaire, nous dit que nous ne sommes pas admis à ce concours. C’est ce qui me pousse à venir vers vous ce matin.

Est-ce que vous êtes la seule qui n’est pas admise ?

Je parle au nom de tous les contractuels communaux qui ont servi la nation durant 2 ans sans salaires ni primes. Et qui ne sont pas situés sur leur sort. Je parle au nom du tous ces enseignants contractuels, y compris moi, qui ont trop souffert dans cette situation.

Est-ce que vous remplissiez les conditions qui prouvent que vous avez enseigné ?

Oui j’ai tout, j’ai toutes les preuves. Il y a d’abord le contrat. Ça, c’est l’attestation de travail que le directeur sous-préfectoral m’a fournie, datant de 2022. C’est le contrat que le maire a signé. Le maire de la commune de Koba en 2022 aussi. Ça, c’est l’emploi du temps de l’école où j’enseignais. C’est là, c’est le directeur qui a signé. Ça, c’est l’attestation de service. Voici les messages que FUGAS (Fichier unique de gestion administrative et de la solde) a envoyé pour l’enrôlement pour les deux. C’est la fiche qui me permettait de faire la biométrisation.

Est-ce que avoir tout ceci oblige l’Etat à vous employer ? Le nombre de places est limité….

Avoir tous ces papiers prouve que je suis dans les normes. Je suis dans les normes parce que le test, comme l’État disait, est formel. Comme nous avions enseigné deux ans sans salaire, le test était formel et nous savions déjà le sujet. Le sujet a été communiqué avant le concours. Tout le monde était préparé. J’ai la lettre de motivation (sujet du concours). On devait rédiger une lettre de motivation en nous adressant au ministre de la fonction publique ou de l’enseignement pré-universitaire.

Il semble bien que l’Etat ne pouvait pas recruter tous les candidat…

Oui, l’Etat était obligé. Je dirais oui, parce que nous avons travaillé durant 2 ans sans salaire. L’État connaît notre sort. Nous avons des diplômes authentiques. Cela prouve que nous sommes dans les normes. Nous avons des diplômes que l’État nous a délivrés.

Pourquoi l’État organise un concours si c’est pour permettre à tout le monde d’accéder à la fonction publique locale ? 

L’État avait dit que pour accéder à la fonction publique, il fallait passer par un concours mais avant de passer à ce concours, l’État avait tamisé pour prendre les diplômes authentiques. La dernière liste sortie, soi-disant que tous ceux qui ont leur nom dedans avaient des diplômes authentiques, et je figurais sur cette liste et mon diplôme est là partout où je vais. Au centre d’examen par exemple, si je vais là-bas pour avoir mon diplôme là, c’est seulement le PV je donne. Le PV, le centre et l’année à laquelle j’ai fait l’examen de sortie.

Qu’est-ce que vous demandez maintenant à l’État ? 

J’implore les autorités à tous les niveaux de faire le nécessaire pour nous enseignants contractuels qui se sont sacrifiés, se sont battus, avons crû en eux, de faire le nécessaire pour nous. J’implore l’État de nous prendre, de ne pas nous abandonner après deux ans de service rendu, de ne pas nous abandonner. Si nous sommes dans cette situation aujourd’hui, c’est parce que nous avons enseigné les pauvres enfants de la nation. Sinon, les enfants des riches sont tous dans les écoles privées, bien entretenus. Nous sommes dans cette situation parce que nous avons donné cours aux pauvres enfants de la République. Il y a eu des sacrifices consentis. J’ai beaucoup souffert, donc je ne compte pas baisser les bras. Je veux que justice soit faite pour nous enseignants contractuels. Je parle au nom de tous les enseignants contractuels qui ont été radiés de la liste après avoir enduré tout ce temps.

Propos recueillis par Boubacar Diallo pour Guineematin.com 

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