Un conflit autour d’une mine artisanale d’or oppose les localités de Sèkè Bida et de Sèkè Yorola, dans la commune rurale de Doko, relevant de la préfecture de Siguiri. Les habitants de Sèkè Bida, qui se considèrent comme les occupants légitimes de cet espace d’orpaillage traditionnel, affirment y avoir exercé leurs activités d’extraction depuis des générations. Ils estiment être victimes d’injustice, notamment en raison des décisions des autorités de Siguiri, qui ont interdit toutes les opérations sur le domaine litigieux. Les sages de Sèkè Bida lancent un appel à l’implication des acteurs de la société civile, en espérant que cette intervention extérieure pourrait contribuer à résoudre le conflit, rapporte un des correspondants de Guineematin.com dans la région.
Malgré les efforts déployés par les sages du district de Sèkè Bida, la situation demeure tendue avec leurs voisins de Sèkè Yorola. Les rencontres et les négociations n’ont pas encore permis de trouver un terrain d’entente. Ce qui a conduit à l’arrêt de toutes les activités d’exploitation sur ce site.
Une décision perçue comme une atteinte à leurs droits et à leur mode de vie. C’est ce qu’a expliqué Elhadj Sidiki Traoré, porte-parole des sages de Sèkè Bida.

« Le site d’orpaillage dont il est question est un espace qui a été longtemps exploité par nos grands-parents, jusqu’à leurs décès, sans problèmes. Nos pères également ont travaillé là-bas, sans problèmes. Ce sont d’ailleurs nos pères qui ont fait des sacrifices pour la prospérité de cet endroit en égorgeant une chèvre rouge. A l’époque, je n’avais pas encore totalement l’âge adulte, mais c’est là-bas que j’ai appris le travail de l’orpaillage. Et c’est après ça que l’agression contre la Guinée en 1970 a eu lieu. Depuis cette année, nous travaillons sur ce terrain, sans aucune revendication de qui que ce soit. Mais c’est tout récemment, la communauté de Yorola est venue nous agresser pour nous arracher de force ce terrain, juste parce qu’elle se croit plus forte que nous aujourd’hui. Voilà le problème qui nous oppose. Ça fait trois ans que nous sommes dans cette situation. Le préfet de Siguiri, la justice, et les sages sont tous au courant, mais jusque-là, aucune solution n’a été trouvée. Les sages ont évoqué le problème à la préfecture, il a été décidé de venir régler le problème à l’amiable. A chaque fois que cela a été fait, nous, nous acceptons d’enterrer la hache de guerre. Mais ceux de Yorola rejettent. Maintenant, ce que nous voulons, c’est de rendre justice pour que notre domaine nous revienne. Parce qu’il y a eu deux fois des affrontements entre nous. Heureusement qu’il n’y pas eu de mort. C’est pourquoi nous avons sollicité l’intervention de la société civile avant que le pire arrive », a déclaré Elhadj Sidiki Traoré, porte-parole des sages de Sèkè Bida.
Suite à cette interpellation de la société civile, le coordinateur régional de la Maison des Associations et ONG de Guinée (MAOG) s’est saisi du dossier. Après une visite sur le site dont les deux localités réclament la paternité, Sékouba Traoré a pointé du doigt l’inertie des autorités administratives et judiciaires comme source de multiplication des conflits domaniaux entre les différentes communautés de la Haute-Guinée.

« Ce conflit est un conflit qui perdure et continue à déchirer les liens sociaux entre ces communautés. Pourtant, ces communautés sont condamnées à vivre éternellement ensemble. C’est la raison pour laquelle, nous, les acteurs de la société civile à travers la MAOG, nous nous sommes mêlés dans la danse pour voir réellement ce qu’il faut pour réconcilier ces communautés ; mais aussi mettre fin à tous les conflits domaniaux en Haute Guinée. L’instrument réel de la société civile, c’est d’œuvrer dans le sens de la paix et de la cohésion, cela ne peut être possible sans l’implication des autorités. C’est pourquoi, c’est le lieu et le moment d’interpeller les autorités administratives et judiciaires locales, mais aussi les différentes notabilités de Siguiri à s’impliquer davantage pour un règlement à l’amiable. Il faudrait qu’on judiciarise toutes nos affaires et litiges ? C’est vraiment déplorable. C’est ce qui fait que réellement, les communautés ne s’entendent pas. Les autorités judiciaires, leur mission, c’est la promotion de la cohésion sociale et la paix. Il ne faudrait pas que la justice se transforme en un outil d’instrumentation de conflits, en profitant des communautés. Il ne faudrait pas non plus que l’administration profite sur le dos des communautés pour raviver les tensions. Ça, nous dénonçons et le condamnons avec fermeté. C’est pourquoi nous avons écrit au Ministère de l’Administration et de la Décentralisation, au Ministère de la Justice, aux autorités régionales, notamment le gouverneur de Kankan, au préfet ; et président de la délégation spéciale de Siguiri, afin qu’ils s’impliquent réellement pour que nous puissions sortir de ces malentendus entre les communautés. Nous sollicitons qu’il y ait les états généraux sur le foncier, sur le règlement des conflits domaniaux dans la région administrative de Kankan et notamment à Siguiri, qui est une zone économique sensible. Nous interpellons aussi les notabilités, mais aussi les démarcheurs de crise qui mettent les communautés en conflit en faisant la navette entre les autorités administratives et judiciaires pour attiser le feu. Nous les mettons en garde », a lancé Sékouba Traoré.
Il faut dire que toutes nos tentatives d’avoir la version des faits des sages de la localité de Sèkè Yorola sont restées vaines.
De Kankan, Souleymane Kato Camara pour Guineematin.com