Zoom sur la route de l’enfer Dubréka-Tanènè : chauffeurs et usagers racontent leur calvaire

La route nationale numéro 3, reliant Dubréka à Tanènè Bouramayah, dans la région de Boké, est devenue un véritable calvaire pour les chauffeurs et les usagers. Depuis plusieurs mois, cette importante voie de communication qui mène à la zone minière du pays, se noie dans une détérioration très avancée, provoquant l’angoisse et le désespoir parmi ceux qui l’empruntent quotidiennement. Les usagers du trajet dénoncent le mauvais état de cette voie, très pratiquée actuellement. Ils pointent du doigt la prolifération des gros porteurs sur le trafic, appartenant aux sociétés minières, qui ont détérioré l’asphalte, créant des nids-de-poule et rendant le trajet impraticable, a constaté un reporter que Guineematin.com a dépêché sur les lieux.

Longtemps maintenu dans cette situation, l’état de cette route nationale N°3, le tronçon de l’enfer, s’est aggravé récemment avec l’arrivée de la saison des pluies. Du Km5 à Tanènè, en par Yorokoguiya, Djoumaya et Bawa, le constat est le même. Tout au long de la route, de nombreux véhicules en panne sont visibles.

Iliassa Sacko, secrétaire général chargé des affaires sociales du syndicat des transports de Dubréka

Iliyassa Sacko, secrétaire général chargé des affaires sociales du syndicat des transports de Dubréka, responsable de la ligne de Boké-Kamsar, témoigne de la dégradation de cette route. « Avant, au temps de feu Lansana Conté, d’ici à Tanènè, je pouvais faire 4 voire 5 voyages par jour. Mais aujourd’hui, pour préserver ton véhicule, il te faut mettre deux heures du temps pour arriver à Bouramayah Tanènè. À ton retour, tu passes par le garage pour aller serrer certaines choses. Actuellement, nous achetons les pneus comme nous achetons le carburant à la pompe. Tu ne peux pas faire 2 ou 3 semaines sans changer de pneus. Au temps du président Lansana Conté, cette route avait été bien faite. Mais aujourd’hui, il y a trop de surcharge là-dessus. C’est ici que tu vois les camions de 22 roues qui transportent des machines ou des conteneurs de 40 pieds. Pire, s’ils sont devant toi, tu es obligé de les suivre. Dès que tu tentes de les dévier, ils te renversent dans le ravin. C’est pourquoi il y a trop d’accidents sur cette route. Si ce n’est pas notre maîtrise en tant que chauffeur, aucun petit véhicule ne peut circuler ici à cause des camions », a expliqué cet ancien chauffeur de la route Dubréka-Tanènè-Boké.

Rencontré derrière son bureau, tickets en main, Mouctar Sylla, chef de ligne Dubréka-Tanènè au km5, déplore quant à lui la baisse de la recette du syndicat, due au repli des chauffeurs qui ont boudé les lieux. Par ailleurs, il dénonce les travaux de remplissage des nids-de-poule par des pierres, entamés par l’AGEROUTE qui, selon lui, contribue à l’aggravation de la situation déjà pénible des usagers. « En tant que syndicalistes, toutes les difficultés des chauffeurs reposent sur nous. Parce que si les chauffeurs constatent la dégradation poussée de la route, ils quittent la ligne. Et c’est nous qui allons souffrir pour la mobilisation de fonds. Les chauffeurs qui reviennent de Tanènè nous évoquent les mêmes difficultés. Chaque aller-retour, ils sont obligés d’aller au garage. En plus de ces difficultés, ils se plaignent aussi de la prolifération des brigades mobiles sur la route qui les obligent à payer de l’argent à chaque barrage. Ce que nous pouvons dire au Ministère des travaux publics, à travers le ministère des transports, c’est de réhabiliter cette route. Car nous syndicats, nous ne pouvons pas faire un rendement à la commune si ça ne circule pas. En plus, le remplissage des ornières qu’ils font aujourd’hui gâte davantage les engins. Ils mettent certains blocs sur la route qui perforent le carter des véhicules. Nous, nous considérons cela comme une manière d’aggraver la situation très critique de la route et des automobilistes. Ce sont des véhicules bas qui assurent le transport. Il n’y que les camions qui peuvent s’en sortir avec les pierres sur la route. Nous, nous demandons le bitumage de cette voie, rien d’autre », a-t-il lancé.

Face à cette situation critique, chauffeurs et usagers interpellent le gouvernement Ils demandent une intervention urgente pour la réhabilitation de cette route essentielle pour la région. C’est le cas d’Aboubacar Camara, chauffeur sur la ligne Boké-Kamsar. Au-delà du mauvais état de la route, ils sont confrontés également à la multiplication des barrages sur la route.

Aboubacar Camara, chauffeur sur la ligne Boké-Kamsar

« Nous faisons face à beaucoup de difficultés sur cette route. Au-delà du mauvais état de la route, il y a beaucoup de brigades mobiles. De Dubréka à Boké, il te faut régler 4 postes de la gendarmerie. Avant, il n’y avait qu’un seul poste. Mais aujourd’hui, si tu règles ces quatre barrages, tu t’en sors bredouille. Entre Dubréka et Tanènè il y a deux brigades. À Boffa, il y a deux brigades, avant de rentrer à Boké. Il te faut régler tout ça dans une voiture de 6 places. Dans ce cas, comment pouvons-nous réparer nos véhicules en cas de panne ? A chaque voyage actuellement, il te faut faire un tour au garage. Qu’est-ce que toi tu auras enfin de compte pour ta famille ? En temps normal, Dubréka-Boké, c’est 3 heures, au maximum 4 heures. Mais aujourd’hui, il te faut 6 heures de temps sur la route. Nous demandons aux autorités de nous aider à réparer cette route, mais aussi de réduire le nombre de barrages », a plaidé Aboubacar Camara.

Alia Ousmane Camara, conducteur de taxi moto sur la Dubréka Tanènè

Pour sa part, Alia Ousmane Camara, conducteur de taxi moto sur la Dubréka-Tanènè, témoigne son quotidien. « Cette route est impraticable, de Kagbelen à Tanènè. Une fois qu’on sort avec les usagers, nous avons de sérieux problèmes, notamment avec les gros porteurs. Parce que vu l’état de la route, quand tu te croises avec un engin lourd et que tu te diriges vers la partie qui est un peu bonne, cela peut provoquer de l’accident. Par rapport à l’état de nos engins, c’est un sérieux problème. Tu ne peux pas rouler de Kagbelen au Km5 au bout de trois jours sans partir au garage. Et quand tu pars au garage, il te faut des pièces de rechange. Même la recette du patron qu’on doit donner chaque jour manque parfois, à cause des pannes incessantes. Surtout les pneus. Avec les roches qu’ils ont déversées sur la route comme ça. C’est ce qui endommage rapidement nos pneus. Ça, ce n’est pas bon du tout. C’est pourquoi nous demandons à l’État de nous venir en aide pour que la route Kagbelen-Tanènè soit bitumée aussi rapidement que possible », a-t-il dit.

Les usagers, eux aussi, expriment leur ras-le-bol. Mariama Camara, une commerçante de Tanènè, raconte son calvaire : « Je vais à Conakry chaque semaine pour acheter des marchandises. Mais avec l’état de la route, je mets des heures pour un trajet qui devrait en prendre beaucoup moins. C’est épuisant et décourageant. »

Pour l’heure, les usagers de la route Dubréka-Tanènè attendent avec impatience une réponse concrète et des actions tangibles pour mettre fin à leur calvaire.

Malick DIAKITE pour Guineematin.com

Tél : 626-66-29-27

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