“Celui qui nous interdit de jouer ici (Kerfala Doumbouya) a lui-même joué sur cette route, et nous avons une vidéo de lui jouant ici. Aujourd’hui, il agit ainsi parce qu’il est puissant et qu’il est le frère du président.”
Les faits se sont déroulés dimanche dernier, 18 août 2024, au quartier Banakoroda, dans la commune urbaine de Kankan. Sur ordre du frère du président Mamadi Doumbouya, la brigade anti-criminalité (BAC 23) a procédé à l’interpellation de deux jeunes. Ces derniers feraient partie d’un groupe qui s’entête de jouer au football sur une route située tout près du “cimetière sacré” de Mbembakörö où reposent des figures éminentes de la ville de Kankan. Les jeunes dénoncent une injustice, mais le chef du quartier Banakoroda, Lamine Kaba alias “Lamine Djan”, estime qu’ils sont en train de récolter le fruit de leur manque de respect envers les coutumes locales.
Selon les informations confiées à Guineematin.com, les sages du quartier Banakoroda ont, depuis très longtemps, demandé aux jeunes d’arrêter de jouer au football devant ce cimetière par respect pour les défunts. Mais, les jeunes ont continué à faire la sourde oreille. Donc, dimanche dernier, Kerfala Doumbouya (frère du président Mamadi Doumbouya), visiblement agacé par cet entêtement des jeunes, a débarqué sur les lieux avec des agents de la BAC 23 pour prendre les choses en mains. Et, c’est au cours de cette descente que deux jeunes ont été interpellés. D’autres jeunes du quartier (au nombre de 30) seraient aussi visés par une plainte de Kerfala Doumbouya. C’est le cas notamment de Ibrahima Kalil Condé, un jeune qui crit déjà à l’injustice.
« C’est moi qui avais organisé un match contre certains militaires ici, dans mon quartier, autrefois. Quand nous devions commencer à jouer, ce monsieur est venu en voiture pour prendre nos poteaux et les casser, sous prétexte qu’il avait interdit de jouer à cet endroit. Ce jour-là, nous n’avons rien dit parce que les militaires étaient présents, et c’est avec eux qu’il a eu une vive discussion. Lorsqu’il partait, ces militaires l’avaient averti de ne plus répéter ce genre de comportement. Le lendemain, c’était dimanche, il est revenu avec des policiers, alors que c’étaient les enfants, les tout-petits, qui jouaient. Il a interpellé deux de nos amis qui regardaient les enfants jouer. Ensuite, il a pris une autre convocation contre 30 de nos amis, dont moi-même. Nous demandons la libération de nos amis. Celui qui nous interdit de jouer ici a lui-même joué sur cette route, et nous avons une vidéo de lui jouant ici. Aujourd’hui, il agit ainsi parce qu’il est puissant et qu’il est le frère du président. Une autre fois, il est venu heurter un enfant avec sa voiture pendant que nous jouions, et tout ce qu’il a trouvé à dire est que l’enfant se trouvait sur la route. Nos amis ont été arrêtés depuis hier. Nous sommes allés voir le directeur communal de la jeunesse, Belmando, qui nous a demandé de rester à leur côté. Tout ce que nous demandons aujourd’hui, c’est la libération de nos amis », a déclaré Ibrahima Kalil Condé.
De son côté, le chef du quartier Banakoroda, Lamine Kaba alias “Lamine Djan”, soutient Kerfala Doumbouya contre ces jeunes. Il accuse ces derniers de manque de respect envers les coutumes locales.
« Je suis informé que deux jeunes ont été interpellés dans mon quartier. Mais bien avant cette interpellation, le doyen Elhadj Söba avait demandé d’arrêter de jouer près de Mbembakörö. Vous savez, cet endroit se trouve à Banakoroda, mais c’est un lieu sacré qui appartient à tout Kankan. Il a donc été demandé aux jeunes du quartier de cesser de jouer là-bas, mais ils n’ont pas compris. Il m’a personnellement appelé pour m’informer, et je me suis déplacé pour les trouver en train de jouer à cet endroit. Je leur ai dit de faire tout leur possible pour arrêter de jouer près du mur de Mbembakörö et de trouver un autre lieu, plus éloigné. Ils m’ont dit qu’ils avaient compris, mais ils n’ont jamais arrêté. Puis, ils ont eu un problème avec Elhadj Kerfala Doumbouya, lié à ce même lieu. La manière dont le problème est survenu est la suivante : ce dernier gare sa voiture là-bas, et en plus, cette partie de la route est très fréquentée. Quand ils commencent à jouer, ils mettent des cailloux sur la route, et une fois le match terminé, ils les laissent sur place. C’est ainsi que Kerfala leur a aussi demandé d’arrêter de jouer là-bas, ce qui a dégénéré jusqu’à des insultes. Il m’a appelé pour me signaler la situation. Maintenant, en ce qui concerne avant-hier, lorsqu’il a déposé la plainte, il m’a informé. Je lui ai dit que je le soutiendrais simplement parce que j’ai tout fait pour que ces jeunes arrêtent de jouer là-bas, mais en vain », a-t-il justifié.
Face aux accusations selon lesquelles il agirait par peur de perdre son poste de chef du quartier, Lamine Kaba rétorque qu’il a agi en toute conscience, et non par crainte de quiconque.
« J’agis avec ma conscience, pas pour une personne. J’ai agi parce que c’est vrai, cela coïncide avec le problème de Kerfala Doumbouya, mais même si ce n’était pas le frère du président et qu’il s’agissait de quelqu’un d’autre qui n’était pas du quartier, j’aurais réagi de la même manière. Il faut craindre Dieu plutôt que les hommes ou un groupe de personnes. En réalité, la fonction de chef de quartier m’importe peu, mais une fois qu’on l’assume, il faut le faire pleinement. Ceux qui disent que 30 autres personnes ont été convoquées se trompent, ce ne sont que deux personnes qui ont été convoquées. On m’a remis les convocations hier, et comme elles n’ont pas été honorées, une deuxième convocation a été envoyée ce matin », a-t-il précisé.
Dans le quartier, on a cherché à entrer en contact avec Kerfala Doumbouya, mais en vain. Personne n’a daigné nous donner son numéro de téléphone. Des négociations seraient en cours pour tenter de résoudre ce conflit, sous l’égide du chef du quartier. Et aux dernières nouvelles, on apprend que les jeunes ont été libérés.
De Kankan, Abdoulaye N’koya SYLLA pour Guineematin.com