L’artiste de la musique pastorale Peul Lama Sidibé est en tournée dans différentes localités de Mamou pour le tournage d’un clip pour un de ses morceaux fétiches dédié à la ville carrefour. Dans un entretien accordé au correspondant de Guineematin.com basé dans la préfecture, Lama Sidibé, né en 1965 à Hôré Fello, un quartier relevant de la commune urbaine de Mamou, est revenu sur son clip mais aussi sur l’actualité sociopolitique nationale.
Rencontré à la maison des jeunes de Mamou, sanglé dans un bazin éclatant, égayé par un bonnet et des babouches tout aussi attrayant, Lama Sidibé va réaliser un clip pour son morceau intitulé « Mamou Ka Barkinâbhé », paru en 1999.
Guineematin.com : Dans quel cadre êtes-vous à Mamou, votre ville natale ?
Lama Sidibé : Je suis à Mamou, chez moi. Je suis né ici, à Hôré Fello. Et vous savez, j’avais composé une musique où j’ai vanté et loué Mamou. C’est pourquoi j’ai décidé de filmer les localités situées dans ce morceau pour montrer à mes parents qui sont à l’extérieur et à l’intérieur de la Guinée qui sont loin de Mamou pour qu’ils sachent l’état actuel de Mamou. En plus, venir en aide à Mamou. C’est une ville carrefour, comme la Suisse en Europe. Donc elle mérite d’être vendue et développée.
Quel souvenir gardez-vous de Mamou ?
Je garde un bon souvenir de Mamou. J’avais quitté ici depuis 1977, mais Mamou est réputée pour son unification et pour son intégration. Quand nous étions des enfants, on ne parlait pas d’ethnies. Tout le monde vivait en harmonie. L’enfant était considéré comme un coq par nos parents. C’est-à-dire que les parents nous éduquaient tous, sans exception. On ne parlait pas de Soussous, de Peuls, de Malinkés ou de Forestiers. Tout le monde était uni comme un seul homme. Nous étions tous de la même famille.
Quel est le message que vous avez à l’endroit de vos compatriotes, notamment aux populations de Mamou ?
Je demande à tous les enfants du pays, et à ceux de Mamou en particulier, de s’unir davantage. Qu’ils reviennent développer Mamou. Qu’ils reviennent construire chez eux. Parce que quel que soit le temps qu’ils feront à l’extérieur, ils reviendront un jour. Qu’ils n’oublient pas leur ville natale. Qu’ils soient fiers de cette ville historique et culturelle. J’avais chanté une autre musique intitulée » Ka bananadjé ». Qu’ils cherchent à revaloriser ces plantations qui nourrissaient tout Mamou. En ce moment, les libanais étaient là. Les gens venaient d’ailleurs comme la Guinée Bissau, le Burkina Faso, le Mali ou le Sénégal pour peser ces bananes et envoyer chez eux. Je demande aux enfants de revaloriser tous les bas-fonds et travailler sans cesse pour se développer et développer le secteur primaire, gage de tout développement. Beaucoup des enfants de Mamou ont perdu leur vie dans le désert et dans les mers à cause de l’immigration clandestine. C’est parce qu’ils ne travaillent pas. Donc, que les ressortissants de Mamou mettent des projets ici, des entreprises pour employer les enfants de Mamou, pour freiner cette hémorragie migratoire.
Peut -on attendre la parution d’un nouvel album de votre part ?
Oui, bientôt vous aurez un nouvel album intitulé » Yondho », c’est-à-dire il faut être en mesure en toutes circonstances, et en tous lieux. L’homme ne se mesure pas seulement par son physique, mais l’homme, c’est d’abord sa parole donnée, sa moralité et son origine. L’homme doit être utile à sa société. Être ouvert aux autres. Aimer sa partie. Méritez la confiance des gens. Les voitures, les habits ou les villas, ce ne sont que des parures. L’homme doit être humble et serviable à sa communauté, à sa nation.
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez aujourd’hui ?
J’ai fini mon nouvel album depuis bientôt 2 ans et je n’arrive pas à trouver de financement pour sa parution. C’est une difficulté. Je demande à mes compatriotes, mes frères de Mamou, à notre Ministère, au gouvernement guinéen, voire au président (Mamadi Doumbouya, ndlr) de me venir en aide. Nous ne chantons pas seulement à cause de l’argent mais c’est aussi pour pérenniser et conserver la culture guinéenne. Un pays sans culture, c’est comme un arbre sans feuilles. Si jusqu’à présent l’album n’est pas sorti, c’est parce que les moyens me manquent. Qu’ils m’aident à publier mon album. Je demande aussi aux fils de Mamou de m’aider à avoir un centre d’art ici à Mamou. Dans les années futures, Incha Allah, toutes les fêtes de tabaski je viendrai à Mamou pour célébrer la fête avec mes frères et sœurs.
Vous avez composé un morceau pour Toumba Diakité (condamné dans le cadre du procès du massacre du 28 septembre 2009, ndlr). D’où est venue cette inspiration ?
C’est une chose dont je ne voulais pas parler maintenant. Beaucoup de journalistes m’ont demandé, je n’ai pas voulu répondre. Mais vous savez, moi, c’est la nature, les réalités de mon pays et l’environnement qui m’inspirent. C’était une manière de présenter mes excuses à Toumba Diakité. Je ne pense pas s’il y a quelqu’un qui haïssait Toumba Diakité plus que moi. Toumba Diakité est un Peul du Wassolon, c’est mon frère. Quand j’entendais du mauvais sur lui, des actions contraires à l’islam, contraires à notre tradition, ça m’a vraiment choqué. Mais sa première sortie devant le tribunal, je me suis demandé est-ce que c’est Toumba Diakité dont on me parlait autrefois ou bien c’est un autre Toumba. J’ai compris que ce monsieur est un homme de Dieu. C’est une façon, donc, de me repentir envers Dieu. Je n’ai pas fait l’éloge de Toumba, mais ses vertus et ses vérités. Je croyais que c’était un tyran mais c’est le contraire qui s’est produit. C’était un sauveur. Beaucoup de leaders politiques et d’autres personnes ont témoigné de sa bonté.
Guineematin.com : quel est le mot de la fin ?
Je demande aux guinéennes et aux guinéens, à mes parents de Mamou, d’être ensemble, pas dans la bouche mais dans les actes. De vivre ensemble dans le comportement et dans le cœur. J’aime beaucoup Mamou. Si nous sommes unis et soudés, nous vaincrons tous les obstacles. Évitons la politique. Vivons en frères de lait. Nos parents vivaient ensemble. La relation entre les héros guinéens Samory Touré, Boubacar Biro Barry, Dinah Salifou et Zébéla Togba Pivi et autres, était un exemple vivant et éloquent. Donc, vivons en symbiose et en synergie d’actions pour le bonheur de la Guinée. J’invite nos responsables de penser à la Guinée, à son bien, de travailler pour les filles et fils de ce pays et surtout, d’éviter les erreurs du passé pour ne pas être rattrapé un jour par l’histoire.
Propos recueillis par Boubacar Ramadan Barry pour Guineematin.com
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