En Guinée, de nombreux mariages sont célébrés avec des états civils parfois débordés. Mais, nombre de ces mariages finissent en queue de poisson, avec des cas de divorces. Après un divorce, les enfants conçus dans ce mariage se retrouvent au centre d’un sérieux problème de garde. Que dit la loi à ce propos ? Pour répondre à cette interrogation, un reporter de Guineematin.com a donné la parole à maître Murielle Houesse Houindo, avocate au barreau de Guinée. Cette membre du pool des avocats du bureau des consultations juridiques, mis en place en partenariat avec le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF), membre du conseil de l’ordre des avocats de Guinée, a apporté des précisions précieuses sur le sujet.
D’après maître Murielle Houesse Houindo, en cas de divorce, c’est le juge qui a la latitude de prendre la décision de la garde des enfants, selon des conditions et des textes bien précis. « En cas de divorce des parents, c’est le juge qui décide de la garde des enfants, en principe. Vous avez deux types de juge : le juge qui est saisi de la procédure de divorce, qui doit non seulement se prononcer sur la dissolution du mariage ou le divorce entre les époux, mais également régler les effets liés au divorce. Donc, lorsque les conjoints décident de commun accord, par convention, de la garde de l’enfant, le juge dans sa décision peut intégrer les effets de la convention lorsque c’est un divorce par consentement mutuel. Lorsque c’est l’un des conjoints qui sollicite le divorce, le juge peut également décider de qui des deux parents aura la garde des enfants. Ça, c’est le juge civil, lorsqu’il est saisi de la procédure de divorce. Il y a également le juge pour enfants, qui siège au tribunal pour Enfants, qui est compétent pour connaître toutes les questions relatives à l’enfant. Lorsqu’il y a un événement qui vient troubler la quiétude de l’enfant, ou lorsque l’un des parents, séparé de fait ou de droit, entrave à la relation entre l’enfant et l’autre parent, le parent qui se retrouve brimé dans ses droits peut saisir le juge à l’effet de statuer sur la garde de l’enfant ».
Poursuivant, l’avocate a apporté des détails précis. « En cas de divorce, la garde de l’enfant sera accordée à l’un des conjoints suivant ces aspects : l’intérêt supérieur de l’enfant qui prime au-dessus de tous les autres, l’aspect sécurité et l’aspect financier. En principe, c’est ce que la loi dit. Mais dans les différentes décisions de justice qui sont rendues au fur et à mesure, vous voyez que pour la plupart du temps, le juge tient rarement compte de l’aspect sécurité de l’enfant, de l’intérêt supérieur de l’enfant. Il se focalise un peu plus sur l’aspect financier. Pour la plupart des décisions qui ont été rendues et que j’ai en ma connaissance, la garde de l’enfant a toujours, pour la plupart du temps, été octroyée à 90% à la mère. Parce qu’on a toujours tenu compte du fait que la mère soit un peu à même d’éduquer son enfant. Mais le constat est que, les mamans, souvent, ont tendance à entraver les relations entre le père et ses enfants. Et dans l’autre, 10% des cas, le magistrat se borne souvent à donner la garde de l’enfant au parent qui a le plus de ressources financières qui même si psychologiquement parlant n’est pas bien pour l’enfant, on lui accorde tout de même la garde de l’enfant. Donc, c’est un peu biaisé à ce niveau. Il y a de ces moments où ce sont des considérations sociales qui entrent en compte. Il y a de ces moments où, ce sont des considérations financières qui entrent en compte », affirme maître Murielle Houesse Houindo.
Par ailleurs, l’avocate a apporté des précisions sur les critères et types de garde à accorder pour les cas de divorce. « Les critères pour accorder la garde de l’enfant, vous avez : l’intérêt supérieur de l’enfant, c’est-à-dire le parent qui est à même de l’éduquer, qui est à même de lui accorder son temps, qui est à même de lui donner la possibilité d’avoir une assise psychologique fiable pour le futur. Pour ce qui est du premier point, vous avez l’article 327 pour le juge du droit commun qui dit ceci : ‘’S’il y a des enfants mineurs, le juge se prononce sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale, il peut décider à les confier à un tiers. Il se prononce également sur le droit de visite et d’hébergement, et fixe la contribution due pour leur entretien et leur éducation, par le parent chez lequel les enfants ne résident pas habituellement ou qui n’exerce pas l’autorité parentale’’. En ce qui concerne les types de garde en République de Guinée, nous avons : le droit d’hébergement et le droit de visite accordé à l’autre époux qui n’a pas le droit d’hébergement permanent de l’enfant. Souvent, comment est-ce que ça se présente ? Le parent chez lequel l’enfant réside habituellement pendant l’année scolaire, c’est-à-dire du lundi au vendredi, l’autre parent qui n’a pas la garde de l’enfant, a soit tout le week-end, la possibilité de venir récupérer l’enfant et de passer le week-end avec lui, soit un week-end sur deux, de passer le week-end avec l’enfant. Et il aura également la possibilité, selon le juge, d’avoir une moitié de congés, une moitié de vacances scolaires. C’est ainsi que la garde de l’enfant est souvent exercée entre les deux conjoints qui se sont séparés. Ces types de garde interviennent souvent lorsque les parents sont divorcés aux yeux de la loi, ou sont séparés de fait. Parce qu’il y a une différence entre être séparés de fait et être séparés de droit. Séparés de fait, c’est quand les parents ont décidé de rompre la vie commune, chacun vit de son côté, mais le juge, aucun magistrat ne s’est prononcé sur la dissolution de leur mariage. Donc là, ils sont séparés de fait, mais aux yeux de la loi, ils sont encore mariés… », a-t-elle expliqué.
Dans les familles, des cas de décès peuvent survenir et les enfants restent le plus souvent livrés à eux-mêmes où se retrouvent encore une fois, au centre d’énormes polémiques familiales. Dans ces cas également, des textes de loi précis existent pour protéger l’intérêt suprême des enfants. « Pour ce qui est de la garde de l’enfant en cas de décès, je vais vous ramener au niveau de l’autorité parentale où il est dit, dans l’article 213 du code de l’enfant : ‘’L’autorité appartient au père et mère pour protéger l’enfant dans sa sécurité, sa santé, son éducation scolaire, sa moralité et son développement. Ils ont à son égard droit et devoir de garde, de surveillance, de protection et d’éducation’’. Maintenant, l’autorité parentale appartient aux pères et aux mères qui n’ont pas été déchus par une décision de justice. Il est dit dans l’article 217 du code de l’enfant : ‘’Pendant le mariage, les pères et mères exercent en commun l’autorité parentale’’. Et on nous ramène à l’article 218, qui nous dit ceci ’’si le père et la mère ne parviennent pas à s’accorder sur ce qu’exige l’intérêt de l’enfant, la partie qu’ils avaient précédemment pu suivre dans les occasions semblables leurs tiendraient lieu de règles. A défaut d’une telle pratique ou en cas de contestation sur son existence ou ces biens fondés, l’époux le plus diligent peut saisir le juge compétent, qui statue après avoir tenté de concilier les partis. Donc là, l’autorité parentale appartient aux deux. Maintenant, lorsque l’un des conjoints décède, l’autorité parentale appartient exclusivement au parent ou au conjoint qui survit. L’article 220 du code de l’enfant est clair : perd l’exercice de l’autorité parentale ou en est provisoirement privé, celui des père et mère qui se retrouve dans l’un des cas suivants : S’il est hors d’état de manifester sa volonté en raison de son incapacité, de son absence, de son éloignement ou de toute autre cause, s’il a consenti une délégation de ses droits selon les règles établies au paragraphe 3 de ce présent chapitre, s’il a été condamné selon les divers chefs de l’abandon de famille tant qu’il n’a pas recommencé à assurer ses obligations pendant une durée de 6 mois au moins, si un jugement de déchéance ou de retrait passé de l’autorité parentale a été prononcée contre lui’’. Maintenant, l’article 241 dit que si l’un des père ou mère décède ou se retrouve dans l’un des cas énumérés par l’article précédent, l’exercice de l’autorité parentale est dévolu au survivant… Donc, si l’un des conjoints ou l’un des parents meurt, l’exercice de l’autorité parentale revient maintenant exclusivement au parent qui a survécu… »
Qu’en est-il en cas de décès des deux parents de l’enfant ? « En cas de décès des deux parents, c’est le conseil de famille qui va statuer et on peut saisir le juge pour statuer, pour savoir entre les grands-parents maternels et ceux paternels, entre les oncles, les tantes du côté paternel et du côté maternel, qui est à même de pouvoir garder et assurer la sécurité des enfants. Lorsque les deux parents décèdent, on va nommer un tuteur ou un administrateur légal et cet administrateur légal est placé sous le contrôle du juge pour enfants, conformément aux dispositions de l’article 257 du code de l’enfant. Cet administrateur légal a pour but de représenter l’enfant dans tous les actes civils, exception faite des actes où l’enfant mineur a l’obligation de le faire par lui-même. Lorsque le tuteur manque à ses obligations, il y a un conseil de famille. Comme on le dit, le tuteur administre les biens de l’enfant en bon père de famille. Donc, cela voudrait dire qu’en cas de manquements, il y va de sa responsabilité. Et lorsqu’il y a manquement, il y a possibilité à ce qu’il soit révoqué. Mais tout cela se passe sous le contrôle du juge pour enfants, du conseil de famille et du respect de la loi. Parce qu’autant le tuteur prend soin de l’enfant, il a l’obligation de rendre compte au conseil de famille qui lui a confié l’enfant ou si le père ou la mère qui mourrait, lui aurait confié l’enfant. Donc, c’est ainsi que ça se passe. Maintenant, lorsqu’il manque à ses obligations, il y a la possibilité de révoquer l’administrateur légal. Ça veut dire que si on le révoque, le conseil va encore saisir le juge pour voir dans quelle mesure on peut nommer telle autre personne comme administrateur légal de l’enfant, pour pouvoir continuer à garder, à veiller sur les biens de l’enfant et à donner une éducation à l’enfant, jusqu’à ce que ce dernier soit majeur », a fait savoir maître Murielle Houesse Houindo.
Fatoumata Bah pour Guineematin.com
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