Youssouf Camara (UFDG) : « nous n’avions pas applaudi le 5 septembre pour revivre le passé sombre de la Guinée »

Le 5 septembre prochain va marquer l’an 3 depuis que le Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD) a renversé Alpha Condé par les armes. Selon Youssouf Camara, le secrétaire fédéral de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) à Matam, le grand espoir suscité par la prise du pouvoir par l’armée s’est transformé en un véritable désenchantement pour le peuple. Dans un entretien accordé à un reporter de Guineematin.com ce lundi, 26 août 2024, cet auteur politique dénonce l’interdiction des manifestations, le bâillonnement de la presse, la répression des manifestants avec des cas de morts et les kidnappings, comme au temps du régime Alpha Condé. Il demande de continuer le combat contre l’arbitraire qui sévit dans notre pays.

« Je crois que par rapport à la date du 5 septembre 2021, qui suscitait assez d’espoir auprès de nos compatriotes suite à tout ce que nous avons mené comme combat pendant les dix années d’Alpha Condé…. Pendant le scrutin de 2020, il y a eu assez de répressions, il y a eu assez des violences et le peuple estimait qu’un changement pouvait alors constituer une solution pour ses problèmes. Très malheureusement, quelques années après le 5 septembre 2021, tous les maux, tous les problèmes que nous avons connus au temps d’Alpha Condé ont refait surface. C’est l’absence de dialogue politique, c’est l’interdiction des manifestations, c’est le bâillonnement de la presse, c’est la répression des manifestations où nous sommes à une cinquantaine de morts. Et nous avons aussi les nouvelles procédures de kidnapping et d’enlèvement, dont le cas Foniké Menguè et Billo sont les cas les plus illustratifs », dit d’entrée notre interlocuteur.

Selon Youssouf Camara, la déception est très grande. Il invite à se mobiliser pour dire non aux maux qui gangrène notre pays. « Nous estimons que nous n’avions pas applaudi le 5 septembre 2021 pour revivre l’histoire du passé sombre de ce pays. Nous nous sommes battus, on estimait qu’il allait y avoir du changement, que les guinéens allaient se donner les mains, qu’on allait mener les choses dans la transparence. Mais très malheureusement, c’est le revers de la médaille et nous estimons que le peuple a été déçu, le peuple a été trahi. C’est la raison pour laquelle nous demandons à ce même peuple, comme un seul homme, de se lever, de manifester le 5 septembre prochain, leur mécontentement, la déception que ce peuple est en train de vivre, de façon très pacifique. Raison pour laquelle, nous estimons qu’en tant qu’activistes politiques et des membres de la société civile réunis au sein des forces vives, nous avons toute la légitimité aujourd’hui, compte tenu de la représentation que nous faisons au niveau national, de faire appel à tous les guinéens épris de paix, de justice et de liberté, et d’exprimer ce ras-le-bol pour que l’opinion nationale et internationale soit témoin que la transition n’a pas tenu toutes ses promesses. A cette date du 5 septembre, nous les appelons encore très humblement, comme nous avons l’habitude de le faire, en toute liberté, sans violence, sans casse, comme nous savons très bien le faire, dans la discipline, dans l’ordre, nous exprimer, à travers les pancartes, à travers les écrits, pour qu’on sache  que dans un Etat de droit, il faudrait que les libertés fondamentales, la liberté d’expression, la liberté politique soient garanties », a-t-il lancé.

Par ailleurs Youssouf Camara n’a pas manqué de parler de la visite du président de l’UFDG, Cellou Dalein Diallo aux États-Unis. Pour lui, c’est une visite réussie. « C’est une très bonne chose. Vous savez, les États-Unis constituent une des bastions de notre parti. Cela se reflète dans les résultats que nous avons toujours obtenus de ce côté. Quand il est reçu là-bas, non seulement il représente beaucoup de choses pour nous, c’est encore à travers nos compatriotes, nos militants. Ils contribuent aussi pour le fonctionnement du parti à travers les cotisations que nous avons et même d’autres combats là-bas, de manifestations, de protestations. On a vu il n’y a même pas une semaine, c’était devant le siège des Nations Unies, il y avait une forte mobilisation de nos militants et sympathisants. Quand le président Elhadj Cellou Dalein Diallo, futur président de la Guinée, se présente de ce côté, il y a beaucoup de sollicitations, beaucoup d’initiatives à la demande des militants et sympathisants…. Donc, c’est la raison pour laquelle nous nous sommes félicités de la qualité de la mobilisation de ce côté, mais aussi des discours responsables qui ont été tenus par le président du parti et sa femme », a laissé entendre le secrétaire fédéral de l’UFDG à Matam.

En outre, Youssouf Camara invite les guinéens à résister face à l’oppression. « Je dirai à nos compatriotes, d’ici et d’ailleurs, de continuer à persévérer. On ne peut pas échanger la Guinée contre un autre pays. Notre devoir, c’est de résister face à l’oppression, c’est de résister face à l’injustice, de savoir que nous devons léguer quelque chose aux générations futures. Nous ne pensons pas seulement qu’à l’intérêt présent, mais nous estimons que notre présence sur cette terre est éphémère. L’Etat de droit se construit progressivement et il faudrait permettre aux générations futures de dire non. Ceux qui nous ont précédés, ils ont posé des actes, ils ont fait ceci, ils ont fait cela. Nous aussi, nous avons le devoir de mémoire de continuer cette lutte pour que d’autres générations aussi en bénéficient. Et c’est ça la lutte politique… »

Mariama Barry pour  Guineematin.com 

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