Soixante-douze heures après les inondations qui ont frappé Conakry, la vie reprend progressivement son cours pour les sinistrés, sérieusement affectés par le drame. Au quartier Matoto Kondéboungny, dans la commune du même nom, un élan de solidarité s’est mis en place en faveur des victimes. Une école privée du quartier a été réquisitionnée pour la circonstance par les autorités pour accueillir les familles, composées en majorité de femmes et d’enfants. Bien que satisfaits de la chaîne de solidarité, les sinistrés sont encore dans la détresse et demandent davantage d’aide de la part des autorités, a constaté sur place Guineematin.com à travers ses reporters.
Les inondations, causées par des pluies torrentielles, ont submergé de très nombreuses maisons à Matoto, laissant les habitants dans une grande situation de détresse. Ils n’ont pas eu d’autres choix que de quitter leurs domiciles, abandonnant tout derrière eux.
Rencontrées ce mardi 27 août 2024, dans leur nouveau cadre de vie, ces victimes, au nombre de 35 femmes et leurs nourrissons, décrivent les conditions de prise en charge par l’Agence nationale de gestion des urgences et catastrophes naturelles (ANGUCH) et se souviennent encore de leur cauchemar. C’est le cas de Hawa Camara, victime, ressortissante de Beyla.
« D’habitude, nous sortons toutes pour aller laver les habits. Mais ce jour (samedi 24 août), il a beaucoup plu. Donc, on est tous restés à la maison. Mais au fur à mesure que l’eau augmentait de volume, nous avons cherché à sortir de la maison. Nous n’avons pas pu transporter nos affaires. On a tout abandonné pour fuir. C’est ainsi que l’eau a envahi toute la maison, mouillant toutes nos affaires. Mais nous remercions Dieu car il n’y a pas eu de perte en vie humaine et personne n’est malade parmi nous. Nous avons perdu nos vêtements, de l’argent ainsi que nos marmites, tout a été emporté par l’eau. Rien n’a pu être sauvé. Depuis samedi soir, nous avons été recasés dans cette école. Ils nous ont apportées des matelas avec des couvertures. Chaque matin, ils nous apportent du café pour le petit-déjeuner. Après, ils nous donnent du riz et les conditions pour préparer du riz. Ici nous sommes au nombre de 35 femmes ménagères. L’ANGUCH prend bien soin de nous ici. Tout ce qu’elle gagne, elle nous l’amène », a-t-elle expliqué.
Grâce à l’intervention rapide des autorités locales et des organisations humanitaires, les victimes ont été recasées temporairement dans une école privée du quartier, transformée en centre d’hébergement d’urgence. Trois salles de classe ont été aménagées dans l’enceinte de l’établissement pour servir de logement provisoire, offrant un minimum de confort à ces familles en détresse.
Sidiki Baro Condé, policier et victime, parle d’une inondation inédite. « Samedi, vers 4 heures du matin, il a commencé à pleuvoir pendant qu’on était dans la chambre. Mais, ce n’est qu’à partir de 6 heures qu’on a constaté le volume d’eau. Depuis que je suis né, je n’ai jamais vue une telle quantité d’eau. C’est ainsi que je suis allé dire à mon jeune frère et à mes locataires de sortir de la maison. 30 minutes plus tard, l’eau s’est engouffrée dans la maison et a tout emporté. Mes locataires, ce sont des femmes vulnérables qui viennent laver les habits à Conakry pour subvenir à leurs besoins. Puisque nous sommes du même village, c’est pourquoi je les ai hébergées. Mais, c’est la première fois que cela nous arrive depuis 2007. Pour le moment, cette agence nous a aidés. Ils nous ont dit que nous sommes là pour 15 ou 20 jours. Même hier, l’UNICEF était venu et le maire de Matoto également. Pour le moment, ce sont eux qui nous prennent en charge. Je lance un appel aux autorités pour nous aider. Comme elles l’ont commencé à travers la mise en place de ce centre d’accueil », a-t-il déclaré.
Malgré l’accueil de certaines victimes et les efforts déployés pour les rendre heureuses, certaines familles impactées par les eaux, attendent encore assistance de la part de l’État. Rencontrée tout près de là, Oumou Condé, la septuagénaire se souvient encore de la pression de l’eau qui a emporté une partie de sa concession. Elle appelle au secours.
« Ce jour-là, contre toute attente, on a été envahie par les eaux. Nous, on n’est pas habitué à une telle catastrophe. On était assis vers 10 heures quand une vague d’eau s’est déversée sur notre habitation. En même temps, j’ai crié au secours puis les voisins sont venus nous aider à mettre à l’abri les enfants dont le niveau d’eau avait déjà atteint la hanche. Entre-temps, la deuxième vague, toujours venue du goudron a quant à elle éventré les murs des bâtiments, occasionnant les dégâts dans la maison. Nos lits, armoires… tout a été emporté par les eaux. J’ai fait plusieurs décennies ici, c’est ici j’ai eu tous mes enfants (12, dont 5 survivants), mais c’est la première fois que cela nous arrive. Je ne sais pas maintenant si c’est la route de la corniche nord qui a été mal faite ou c’est le fait de Dieu. Ce n’est pas l’eau de la rivière, c’est l’eau de la route qui a provoqué ça. L’eau est entrée dans toute les maisons mais c’est ici qu’elle a fait assez plus de dégâts. Après l’acte, les autorités sont venues recenser mes enfants, petits-enfants et mes locataires. Je demande à l’État de m’aider. Car aujourd’hui, je n’ai pas de moyen, je n’ai plus de force et je ne sais pas où aller en ce moment », a souligné cette concessionnaire.
Poursuivant notre immersion dans le quartier, nous avons croisé Hawa Keita, une mère de famille entourée par ses enfants en quête de soutien.
« Quand la pluie a commencé la nuit, on était déjà touchés. C’est au petit matin maintenant que l’eau nous a envahi. Je me suis dit maintenant d’aller récupérer quelques affaires dans la chambre, mais c’était trop tard. Je ne pouvais plus avoir accès vue la quantité d’eau. Du coup, les jeunes du quartier sont venus nous secourir. Quand ils sortent un objet de la maison, l’eau le traine automatiquement vers la rivière. Presque toutes nos affaires ont été emportées par l’eau. Finalement, on avait plus peur pour la vie des secouristes que pour nos biens. L’eau est entrée jusque dans l’armoire. Les deux matelas qu’on avait sont déjà trempés par l’eau. Moi, je dors actuellement à même le sol. Je passe la nuit à hurler à cause de la fraîcheur de la dalle qui ne rime pas avec ton pied enflé. Une équipe de l’ANGUCH était venue me voir. Ils nous ont enregistrés et nous ont dit qu’ils allaient revenir. Mais hélas. Tout mon argent est parti. Là où je suis comme ça, je n’ai même pas pris mon petit-déjeuner. Je demande au gouvernement de nous aider à avoir ne serait qu’à manger. »
En attendant une solution durable, les habitants de Matoto Kondéboungny, surtout les femmes en migration saisonnière, continuent de faire face avec courage à cette épreuve.
Malick DIAKITE et Mohamed Lamine TOURE pour Guineematin.com