En Guinée, où se bousculent tradition et modernité, la pratique de l’hymenoplastie devient de plus en plus récurrente. L’objectif est de se faire réparer la virginité avant de passer au mariage pour préserver l’honneur de sa famille. Cette pratique, bien qu’elle soit jusque-là un sujet tabou dans notre société, est pourtant, pleine de conséquences néfastes sur la santé sexuelle et reproductive de la femme.
Guineematin.com est allé à la rencontre du Dr Mamadou Saïdou Bah, médecin généraliste, pour tenter de mieux comprendre cette pratique médicale consistant à réparer l’hymen déchiré chez les filles.
« L’hyménoplastie est une technique chirurgicale qui consiste à reconstruire l’hymen déjà perdu. Le plus souvent, on le réalise dans le cadre d’une perte de virginité chez la femme. Le plus souvent, quand les femmes ont une agression sexuelle, ou par des manœuvres qu’elles-mêmes ignorent, elles peuvent avoir une rupture de l’hymen. Si elle sollicite un médecin, il pourra réparer cet hymen qui est déjà perdu. L’hymen est une membrane, un repli du vagin qui sert juste à l’esthétique. Il n’a pas un rôle spécifique à jouer. Dans nos croyances, l’hymen est une justification de la virginité chez la femme, mais scientifiquement sa présence ne justifie en rien la virginité d’une femme. Dans la majorité des cas, lorsqu’une femme est vierge, on peut trouver l’hymen. Mais dans d’autres cas, pas très nombreux, on retrouve des femmes vierges mais qui n’ont pas d’hymen. Il y a également certaines filles, par les manœuvres de certains sports, par exemple nos parents aiment dire de ne pas conduire de vélo, parce que le plus souvent, quand tu fais certains mouvements, ils peuvent entraîner la rupture de l’hymen. Donc on peut ne pas trouver l’hymen là-bas. Et si on ne le trouve pas, ça veut pas dire que la fille n’est pas vierge », a-t-il précisé.
Par ailleurs, le médecin a expliqué le déroulement de cette chirurgie et les conséquences qui peuvent en découler.
« L’hyménoplastie est très simple, on n’endort même pas la patiente le plus souvent. Dans la pratique, on fait ce qu’on appelle une anesthésie locale. La partie où on doit travailler, on doit anesthésier cette partie. Il suffit juste de prendre une petite partie du vagin, on ramène où était situé l’hymen et on prend des fils de suture et on suture. Ces fils qu’on utilise sont résorbables, c’est-à-dire que la peau peut consommer ces fils. Donc 2 à 3 semaines après, on trouve que c’est bon. C’est une opération qui prend juste 30 à 45 minutes. Ici, l’élément n’est pas physiologique, c’est-à-dire on le fait pour le côté esthétique seulement. Le chirurgien ou le praticien qui pratique l’opération a une certaine expérience, une certaine habitude à le faire, je crois qu’il va bien le faire. Vous savez, on le fait parce que déjà les gens ont dans la tête que quand tu n’as pas cet hymen-là, tu n’es pas vierge. On le fait juste pour passer l’étape de ce qu’on appelle les nuits de noce. Et puis, par après, ça passe. Déjà, quand il est en rupture, la voie est libre. Mais, dans toute chirurgie il y a des conséquences. Le plus souvent, dans le cas de l’hymenoplastie, les conséquences sont moins par rapport à d’autres chirurgies. Quand on fait une hyménoplastie, on ne va pas faire un pansement. La femme va juste utiliser certains produits de toilette intime sous la prescription du médecin, et ces antiseptiques permettront de faire guérir très vite la plaie. A part cela, il y a l’infection du site opératoire, parce que c’est une zone qui est un peu sensible, très susceptible de développer des infections vu sa proximité avec l’anus. Dès fois, chez certaines, il y a un retard de cicatrisation parce que les peaux sont différentes les unes aux autres. Sinon dans la majorité des cas on peut avoir une guérison très rapide. Ces infections susceptibles d’être contractées avec l’hyménoplastie sont facilement gérées, car elles sont locales. Donc avec l’usage des antibiotiques, on peut arriver à une guérison rapide. Toutes les hyménoplasties que moi j’ai rencontré, il y a moins de conséquences. Et même dans la littérature, quand vous regardez, il y a moins de problèmes. Avant la pratique de l’hyménoplastie, il faut d’abord faire ce qu’on appelle l’examen gynécologique chez la femme pour savoir est-ce qu’elle est en période fertilité ou pas, est-ce qu’elle voit ses règles ou pas, parce que c’est une chirurgie qu’on est en train de faire. C’est une zone qui n’est pas propre, donc on peut avoir des surinfections du site opératoire. Donc, ce qui fait que le plus souvent le médecin détermine, avant de faire l’intervention, les contours qui entrent en compte pour le bon déroulé de l’intervention. Il prend tous ces aspects là en considération. Dire qu’on a fait l’hyménoplastie et les règles viennent, bon dans la majorité des cas, on évite cette situation », a laissé entendre ce médecin.
Enfin, Dr Mamadou Saïdou Bah prodigue des conseils aux femmes qui s’adonnent à cette pratique et en appelle à la méfiance si possible.
« Vous savez, en Afrique et particulièrement en Guinée, le poids de la religion domine sur tout. Ce qui fait que beaucoup de femmes, pour préserver l’image de la famille, préfèrent s’adonner à l’hyménoplastie. Bien que les conséquences sont moindres, elles existent tout de même. Ce que je vais conseiller aux femmes, si elles désirent faire une hyménoplastie, qu’elles le fassent. Mais si elles trouvent qu’elles peuvent vivre comme ça et être acceptées ainsi par leurs maris, tant mieux. Ce n’est pas aussi une technique chirurgicale qui a beaucoup de conséquences, donc celles qui le désirent peuvent y faire recours. Mais je les conseille surtout de faire recours à un médecin habilité à le faire », a-t-il conseillé.
Fatoumata Bah pour Guineematin.com
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