Le petit village côtier de Tayaki, dans la nouvelle commune urbaine Lambanyi a été sérieusement touché par les inondations survenues ces derniers jours à Conakry. Les pluies diluviennes qui se sont abattues sur la région le samedi, 24 août 2024, ont provoqué une montée rapide des eaux de l’océan, submergeant une grande partie de la localité et causant des dégâts matériels considérables. Éprouvés, les habitants des lieux appellent les autorités de la transition au secours, rapporte Guineematin.com à travers ses reporters dépêchés sur place.
Les habitants de Tayaki se sont réveillés ce samedi 24 août les pieds dans l’eau pour découvrir leurs maisons et boutiques inondées. Selon des témoignages recueillis sur place dans la journée d’hier, jeudi 29 août 2024, de nombreuses habitations ont été gravement endommagées, certaines complètement détruites, laissant des dizaines de familles dans la détresse. Les commerçants du village ont également été durement touchés, les stocks de marchandises emportés ou endommagés par l’eau salée.
Cinq jours après le sinistre, Fodé Hafi Sylla, président de la jeunesse de Tayaki, revient sur le cauchemar vécu durant les pluvieuses journées du samedi et du dimanche.
« Avant, nos parents habitaient là-bas (en pleine mer). Il y avait une grande distance entre la mer et le village. Mais au fur à mesure que les gens font du remblayage à Conakry, les conséquences, c’est l’avancée de l’eau de la mer sur les plages. La partie occupée par l’eau-là était notre champ de culture il y a quelques années en arrière. Présentement, nous sommes installés sur un cercle. Dès qu’il y a une forte vague d’eau, nos maisons sont inondées. Beaucoup de médias sont passés nous interroger sur nos difficultés ici, les choses peinent à changer. La montée des eaux survenue samedi dernier a touché beaucoup d’habitations et quelques lieux de vente. L’eau a également impacté les pirogues des pêcheurs. Notre maison des jeunes a aussi été touchée par l’eau. Nous demandons aux autorités de se pencher sur nos difficultés. Nous aussi, nous ne connaissons qu’ici. Et si nous sommes envahis par l’eau, on ne sait plus où aller », a-t-il expliqué.
L’impact de cette inondation sur les pêcheurs de Tayaki est particulièrement préoccupant. La plupart des pirogues de pêche ont été endommagés ou emportés par les vagues d’eau, compromettant ainsi la principale source de revenu du village. Fodé Abass Kalabane, chef du port de pêche de Tayaki, raconte les dommages causés par la montée des eaux.
« Là où vous voyez là, ce sont les arbres et les habitations qui étaient là-bas. Mais, l’eau a tout englouti de nos jours. Ça, c’est grâce à l’occupation de la berge du littoral par les nantis de Conakry. Nous, nous sommes victimes collatérales de ces personnes. Or, l’eau, quand tu lui bloques la route, elle va se frayer un autre chemin. C’est ce que nous vivons ici. Nous, en tant que pêcheurs, quand il y a des phénomènes comme ça, l’eau prend nos pirogues avec force pour les jeter sur le sable et vice-versa. Chose qui ne donne pas longue vie à la pirogue. Samedi dernier, tu ne pouvais pas t’arrêter sur cette plage. Tout était envahi par l’eau de mer. Or, quand une pirogue a un problème, c’est sur la terre ferme qu’on l’amène pour réparation. En plus, après la pêche, c’est sur la berge qu’on débarque les poissons et on les fume, si possible. Et si tout ça est occupé par l’eau, on n’aura pas où aller. C’est pourquoi nous demandons au président Mamadi Doumbouya d’aider les insulaires en disant aux nantis d’arrêter de faire le remblayage le long de la mer. Qu’ils sachent qu’il y a une autre catégorie de personnes qui n’ont pas les moyens de se protéger contre les conséquences de leurs actes. Sinon, nous souffrons beaucoup ici », a-t-il fait savoir.
Même son de cloche chez Naby Laye Touré, pêcheur et victime de la montée de l’eau. Il explique comment sa boutique d’alimentation générale a été ravagée par la montée des vagues.
« La montée de l’eau de mer m’a vraiment affecté. Là où on est arrêté, c’est là-bas que j’avais érigé ma boutique. Mais l’eau a tout gâté. La pluie a commencé la nuit jusqu’au matin. J’ai été vraiment impacté. Le sac de riz qui était là pour ma famille et toute notre nourriture ont été emportés par l’eau de mer. J’avais aussi de l’argent dedans et ma marchandise. Tout est parti. Ça fait deux ans que j’ai érigé cette boutique ici. Mais, jamais l’eau de la mer n’avait monté jusqu’à ce niveau. Toute ma marchandise a été drainée dans la mer. Sincèrement, c’est parce qu’il n’y a pas de moyens que moi je suis là. Sinon, je serais parti d’ici. Toutes les habitations ont été inondées. Même notre maison des jeunes n’a pas été épargnée. La case ronde qui s’est affaissée-là était loin de la mer mais l’eau est venue tout balayer. On ne sait plus quoi dire. Nous voudrions que l’État nous vienne en aide », plaide notre interlocuteur.
Pour sa part, Ibrahima Kalil Camara, victime d’inondation a vu sa case s’écrouler. « Ce jour-là, l’eau a commencé à monter vers 8 heures. J’étais couché quand tout cela a commencé. Ce sont mes enfants qui m’ont réveillé pour dire que l’eau est en train de rentrer dans la maison. Je le savais parce qu’après la construction en 2007, on savait que l’eau là allait nous trouver ici. Mais, on n’a jamais su que ça allait être de cette manière et maintenant. Pour nous, ça allait venir lentement. Et puis, ce n’est pas la première fois qu’on est victime. Nous avions une case qui a été terrassée et engloutie par l’eau, il y a de cela trois ans. J’ai perdu beaucoup de mes affaires dans ce sinistre. On n’a plus le courage d’investir ici. Depuis ça, en tout cas, à ma connaissance, je n’ai vu aucune autorité ici pour constater les dégâts », regrette M. Camara.
Face à cette catastrophe, des voix s’élèvent pour demander des mesures préventives plus fortes et une meilleure gestion des risques d’inondation dans les zones côtières vulnérables. Pour de nombreux habitants de Tayaki, cette inondation est due aux actions anthropiques sur la nature, notamment le remblayage le long de l’océan Atlantique.
De retour de Tayaki, Malick DIAKITE et Mohamed Lamine Touré pour Guineematin.com
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