Le 22 mai 2024 restera gravé dans l’histoire de la presse guinéenne comme une journée noire. Ce jour-là, le gouvernement de la transition, par le biais d’un arrêté émanant du ministre de l’Information et de la Communication, a retiré les agréments des groupes Djoma Média, Hadafo Média et Fréquence Médias. Cette décision brutale a plongé un millier de journalistes dans le chômage, les laissant dans une profonde incertitude. Depuis, les journalistes de ces médias, notamment ceux de la région de Kankan, vivent des moments difficiles. Nombre d’entre eux se sont résignés à se tourner vers d’autres activités pour se tirer d’affaires dans une conjoncture économique particulièrement compliquée, rapporte un des correspondants de Guineematin.com basé dans la préfecture.
Plus de 100 jours après cette décision, la majorité de ces professionnels de l’information a perdu tout espoir et se trouve dans l’incapacité de subvenir aux besoins de leurs familles. Pour ne pas sombrer, certains d’entre eux ont choisi de se reconvertir.
C’est le cas de Kadiatou Sylla, ancienne journaliste reporter à Djoma Médias Kankan, qui a créé une agence événementielle spécialisée dans la célébration des anniversaires et des surprises.
« Vu que le gouvernement ne revient pas sur sa décision, je me suis lancée dans d’autres activités avec mon agence que j’ai créée. Je m’occupe désormais de l’organisation des anniversaires, des demandes en mariage. Kankan se développe, et les gens célèbrent ces événements chaque jour. Le journalisme était ma passion, un rêve brisé, mais je suis obligée de m’adapter », confie-t-elle.
Ahmed Sékou Nabé, ancien journaliste du groupe Hadafo Médias, n’a pas tardé à trouver une alternative. Dès les premières heures suivant la décision, il s’est reconverti dans l’infographie et la photographie. Ce qui lui permet aujourd’hui de joindre les deux bouts.
« Nous avons tous été surpris de voir nos médias, où nous travaillons depuis 3 à 4 ans, fermer soudainement, nous laissant au chômage. Malgré mon statut de célibataire, j’ai des responsabilités familiales. Je ne pouvais pas rester inactif. J’ai donc décidé de me former dans d’autres domaines. Ayant déjà une formation en journalisme, j’ai choisi de me spécialiser en graphisme. Aujourd’hui, j’ai créé ma propre agence de communication, San Communication, qui propose des services tels que la photographie, l’infographie, la création de spots vidéos et la conception d’affiches. C’est ce qui me permet de m’en sortir, car le journalisme est devenu une profession menacée dans ce pays », explique-t-il.
Cheick Mohamed Kaba, ancien directeur de Djoma Kerouané, s’est lancé dans la création d’une chaîne web pour reprendre progressivement ses activités journalistiques.
« Depuis plus de 100 jours, nous sommes au chômage à cause de la fermeture des médias. C’est une situation difficile. Rester à la maison sans rien faire n’était pas une option. J’ai donc décidé de créer une activité qui me permettrait de subvenir aux besoins de ma famille. J’ai des parents et des enfants à charge, et rester sans rien faire aurait été irresponsable. C’est ainsi que j’ai créé une chaîne web pour continuer, à ma manière, à exercer le journalisme », déclare-t-il.
De son côté, Michel Yaradouno, ancien rédacteur en chef adjoint de Djoma Kankan, a décidé de retourner dans le secteur des ONG, un domaine qu’il maîtrise bien, pour surmonter cette épreuve. Toutefois, son plus grand souhait reste de voir ces médias renaître un jour en Guinée.
« C’est tout ce que nous espérons. Dire que je n’ai pas d’espoir de voir Djoma renaître serait mentir. Ce moment difficile finira par passer. Nous traversions des moments de camaraderie inestimables chez Djoma, comme une véritable famille. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, mais nous espérons que ces épreuves prendront fin et que Djoma reprendra ses activités. Nous pourrons alors retrouver cette belle famille que nous avions construite ici à Kankan et partout ailleurs en Guinée », espère-t-il.
Malgré la situation précaire de ces journalistes au chômage et les multiples appels lancés tant au niveau national qu’international, la junte au pouvoir en Guinée reste inflexible quant au retour de ces médias dans le paysage médiatique du pays.
De Kankan, Abdoulaye N’koya SYLLA pour Guineematin.com