Depuis quelques temps, les dreads locks sont devenus une coiffure des plus tendances en Guinée. Si avant, elle était portée par des rastas, depuis quelques années maintenant, elle est devenue une coiffure ordinaire portée plus par les femmes que les hommes. Malgré le » mauvais » regard porté sur cette manière de se coiffer, plus de jeunes filles et de femmes continuent à s’y adonner. Interrogées à ce sujet par un reporter de Guineematin.com, ces femmes et filles expliquent le ressenti qu’elles ont face au regard des autres sur le port de cette coiffure.
Aminata Sassa Camara, étudiante, assistante de direction et coiffeuse, exprime la raison du choix de cette coiffure et les difficultés qu’elle rencontre dans la société.
« A la base, j’avais des cheveux crépus qui étaient super longs et volumineux. Je galérais tout le temps à faire la coiffure. A l’époque, c’est mon père qui m’aidait un peu mais quand il est tombé malade, c’est devenu très compliqué parce que je n’avais plus le temps pour prendre soin de mes cheveux. C’est après que j’ai demandé à mon papa l’autorisation de mettre des locks. Il a accepté sous condition que ce soit uniquement avec mes cheveux. Donc, je les ai mis il y a 4 ans. C’était vraiment compliqué au début, pas avec mes parents, mais le reste de la famille. Et même quand je sors pour aller dans les marchés, on me voit comme une fille sans pudeur, une personne qui est dans les vices… Je ne sais pas pourquoi mais quand tu as des locks, on pense que tu as un lien avec les artistes ou que toi-même tu es artiste. Personnellement, je n’ai pas eu assez de problèmes parce que les milieux que je fréquente sont des milieux où il y a des personnes qui sont très ouvertes d’esprit, des personnes qui ont dépassé certaines barrières depuis longtemps. Je pourrais dire que je ne suis pas ségréguée parce que le milieu dans lequel je suis, il y a plein de personnes qui portent des locks et tout ; et peu importe le type de locks qu’elles portent en fait. Franchement, c’est une chance pour moi d’avoir des personnes qui sont ouvertes d’esprit et qui sont ouvertes au métissage culturel. A l’université, lorsque j’étais en première année, il y a certains professeurs qui avaient du mal à m’accepter avec ma coiffure. D’autres, juste en me voyant avec ma coiffure, ils portaient un jugement sur ma personne. C’est au fur et à mesure que l’année avançait, ils se sont rétractés, ils ont changé d’avis. Ils m’ont ouvertement dit qu’au départ, ils me voyaient en des choses pas trop saines, mais que finalement, ils ont compris que ce n’est pas le cas. C’est pourquoi même on dit qu’il ne faut pas juger un livre de par sa couverture. Dans lieu de travail, je n’ai pas rencontré de difficultés par rapport au fait que je porte des locks. Au contraire, les gens les apprécient. J’ai même des collègues présentement pour qui j’ai fait des locks et que je suis en train d’en faire. Du côté de la religion, c’était chaud parce que le plus souvent, je ne couvre pas ma tête et tout, je suis rarement avec les foulards. J’en porte qu’en allant à la mosquée ou quelques rares fois quand j’ai envie de changer de look. Il y a certaines personnes dès qu’elles me voient directement avec les locks, elles me demandent si je ne prie pas ou si je ne suis pas musulmane. Mais après, je me demande où se trouve le rapport. Ce qui est interdit, c’est lorsque les cheveux sont mélangés avec du fil, des mèches en tout cas lorsqu’il y’a du rajout. A partir du moment où le Saint Livre a dit ce qu’il ne doit pas être fait, je me dis que ça va. A ces filles qui mettent des locks et les enlèvent après ou qui veulent en mettre mais qui ont peur des jugements des autres, c’est vrai qu’il faut respecter ce que dit la religion, ce que dit la famille et tout, mais à partir du moment où tu sais ce que tu fais que c’est sur le bon chemin, c’est sur le droit chemin, ça ne dérange en rien ta foi religieuse ou ta personne, fais-le en fait. Fais ce que tu veux de ton corps, de tes cheveux, c’est à toi en fait. A partir du moment où franchement ça ne va pas à l’encontre des prescriptions religieuses, libre à toi et tout, c’est ton corps, ça t’appartient et peu importe les décisions que tu vas prendre, c’est à toi d’en assumer les conséquences », a-t-elle déclaré.
Si pour Aminata Sassa Camara, cette coiffure lui cause des difficultés, pour Rassy Diallo mannequin, tel n’est pas le cas. En famille ou dans la rue, elle ne perçoit aucun jugement quant au port des locks qu’elle dit représenter son authenticité.
« J’ai mis des locks parce que je les adore. Non seulement ça me fait un plus sur ma beauté, mais ils représentent également la persévérance et l’engagement dans un processus naturel. Pour moi, les locks représentent l’authenticité parce que c’est moi, ce sont mes cheveux naturels, sans rajout. Ma famille a une totale confiance en moi et en ce que je fais. Ce que je fais est à leur image. Le fait que j’ai mis des locks ne dérange aucun membre de ma famille. A l’université, pour mon cas, ça va. Ils n’ont pas un autre regard de moi. Les locks n’y sont pas interdits. C’est une coiffure naturelle et propre surtout. Du point de vue religieux, je n’ai jamais reçu de critiques pour ce qui est de mes locks. Aux personnes qui émettent souvent des critiques à l’encontre des femmes qui portent des locks, je leur demande de respecter le choix des autres tout comme elles souhaiteraient que leurs choix soient respectés. Chaque personne mérite d’être acceptée et valorisée pour qui elle est, et non pour la façon dont elle se conforme à des normes superficielles ou à des attentes sociales », a-t-elle laissé entendre.
Pour sa part, Djeinabou Chérif Diallo, mariée et mère de 3 enfants, dit avoir rencontré des difficultés avec son entourage, mais qu’elle a pu gérer.
« J’ai mis les locks pour plusieurs raisons. Mais la première, c’est parce que d’abord je n’aime pas me tresser. Ensuite, par amour pour la coiffure et surtout je n’ai pas le temps de me tresser ou d’entretenir mes cheveux. Souvent ma belle-famille me dit que ceci ne figure pas dans la religion ; mais bon, avec le temps, je leur ai fait savoir que j’aime et ils ont fini par comprendre. Je suis mariée. Quand, j’ai voulu mettre des locks, je me suis rapprochée de mon mari, je le lui ai expliqué, on a été d’accord, il m’a donné l’argent et je suis allée le faire. Quand ma mère a vu, elle a commencé à me critiquer, comme quoi j’ai délaissé ma tête comme une fille de la rue et tout, que ma tête n’est pas jolie et tout. Il y a beaucoup de personnes qui avaient critiqué, mais au fur et à mesure que je leur expliquais, elles finissaient par comprendre… »
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