Il y a 3 ans jour pour jour, ce 5 septembre 2024, que le président Alpha Condé se faisait renverser par des militaires, à leur tête à l’époque un certain Colonel Mamadi Doumbouya, commandant du Groupement des forces spéciales. L’arrivée de la junte au pouvoir avait suscité beaucoup d’espoir chez de nombreux guinéens qui venaient de sortir des griffes du 3ème mandat d’Alpha Condé. 3 ans après, le bilan est d’une grande tristesse dans le domaine des médias, brouillés, muselés et fermés par la junte. Dans un entretien accordé à un reporter de Guineematin.com, Sékou Jamal Pendessa, secrétaire général du Syndicat des professionnels de la presse (SPPG) décrit un tableau sombre de la gouvernance des putschistes.
« C’est seulement 08 mois qui ont été marqués comme démarche rose pour la presse, il venait d’arriver. C’est à partir du 10 mai 2023 que tout a commencé, parce-que c’est à partir de là qu’ils vont commencer à bastonner les journalistes. Certainement, cette date symbolique on ne va jamais l’oublier, c’est ce jour que Mohamed Bemba Condé du groupe Hadafo de la radio Espace Kania à Kindia a été sauvagement battu par des gendarmes qui étaient derrière le préfet. Il avait été hospitalisé. Par la suite, beaucoup d’autres journalistes seront battus à Kankan, à Boké, à Faranah dans toutes les régions administratives. Ils sont battus ou séquestrés. Il n’y avait pas eu de prison proprement dite, mais beaucoup de gardes à vue. Nous sommes intervenus pour beaucoup de journalistes. Donc, c’est seulement les 8 premiers mois que c’était une période d’espoir, d’accalmie pour la presse », a dit Sékou Jamal Pendessa.
La situation va empirer au fil du temps, mettant à rude épreuve les médias. « Le reste des 3 ans, c’est un enfer sur terre. Le pire est arrivé à partir du mois de mai 2023, avec une vaste campagne de musèlement des médias. Le 03 mai, on célèbre la liberté internationale de la presse et c’est ce même mois que le CNRD choisi pour accentuer ses actions liberticides, le brouillage des ondes a commencé. Pendant le mois de mai 2023, vous avez plus de 10 sites d’informations qui ont été rendus inaccessibles sur le territoire guinéen. Après la libération de Guineematin.com, à la suite d’une manifestation réprimée où on avait été arrêté, et ça a été un triste record d’arrestations des journalistes sur le continent. Après, on a projeté une manifestation. A 72 h, ils nous ont libérés. Pour nous, c’était le plus long combat qu’on avait mené sous l’ère CNRD et qu’on allait plus revoir cela. Mais après, ils vont revenir au mois de novembre 2023 avec le brouillage systématique des médias, suivi du retrait des chaînes sur Canal+ et Star Times. Par la suite, on a projeté une marche le 18 Janvier 2024, qui a été empêchée par la séquestration des journalistes et l’arrestation d’entre eux. Lorsqu’on était dans les démarches pour obtenir la libération de ces journalistes, je fus arrêté. On avait commencé les négociations puisqu’ils avaient commencé à assumer le brouillage des ondes. Qu’est ce qui va se passer ? Le 22 mai, ils notifient à Djoma média, Espace, FIM FM que désormais leurs agréments sont retirés », a rappelé Sékou Jamal Pendessa.
Mais, cette dérive ne va que se poursuivre pour les journalistes, poussés à l’autocensure. « Ceux-là qui vont rester, il faut les intimider, les empêcher de bien travailler. Beaucoup de journalistes nous disent qu’ils ont des informations qu’ils ont peur de publier. Surtout qu’on assiste à la traque des voix dissonantes, au kidnapping. Les Foniké Menguè et Billo Bah, qui se battaient entre autre pour la liberté de la presse, on ne sait pas où ils sont. Donc, c’est une page noire pour la presse », a lancé le secrétaire général du SPPG.
En outre, Sékou Jamal Pendessa a fait savoir que des démarches administratives sont restées vaines pour la libération des médias, mais il assure que la lutte va reprendre bientôt. « Quand ils ont commencé cette campagne de destruction massive des médias, en tant que syndicat, on avait écrit au ministre de la Justice et des droits de l’homme d’alors, Mr. Charles Wright, pour lui notifier les violations des droits des journalistes et des citoyens. On avait également écrit au ministre chargé de la Fonction publique et du travail, Julien Yombouno, qui nous avait reçus. On lui avait dit que si le brouillage des ondes continuait, on risquait d’enregistrer dans 3 mois, 100 emplois perdus. On avait fait des statistiques à l’époque et on avait enregistré plus de 500 emplois perdus. Nous, on avait le souci de préserver une centaine d’emplois. Aujourd’hui, on nous jette à la figure 1000 emplois perdus. On a fait des démarches administratives, on a été reçu par certains, d’autres non. On a même rencontré le nouveau ministre de l’information Fana Soumah, deux fois de suite. On a même transposé le problème au niveau de la CNTG. Le mouvement syndical a rencontré le Premier ministre, ils ont exposé le problème. Le SPPG est allé jusqu’à demander une audience au niveau de la présidence, c’est le plafond. Qu’est-ce qu’on peut faire désormais, si non que reprendre la lutte ? Parce que toutes les démarches administratives se sont avérées vaines. On nous avait informés que le Président avait lu notre courrier. Mais malheureusement, il a préféré écouter ceux qui veulent le désorienter. Désormais, on sera obligé de réactiver le mouvement syndical guinéen. Tout porte à croire qu’on se dirige vers une grève générale pour sauver ces emplois et restaurer l’honneur de ces pères de familles… »
Ismaël Diallo pour Guineematin.com
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