Nous, Hawa Djan Doukouré et Assiatou Bah, épouses de Oumar Sylla Fonikè Manguè et de Mamadou Billo Bah, venons par cette lettre ouverte partager avec vous ce que nous vivons depuis le kidnapping de nos maris dans la nuit du mardi 09 juillet 2024, par les éléments des Forces spéciales et du Groupement d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) à notre domicile.
En effet, depuis ce jour nous n’avons presque pas eu de nouvelles de nos époux en dehors du témoignage glaçant de leur compagnon d’infortune Mohamed Cissé, coordonnateur communal du FNDC à Matoto.
Au visa de ce que nous avons appris avec vous dans ce témoignage et au vu des sévices subis par ce dernier, il y a milles raisons que nous soyons dans l’amertume sur le sort réservé à nos conjoints.
C’est pourquoi, nous interpellons ici la communauté nationale et internationale sur les craintes que nous avons sur leurs états de santé physique et morale après ce brutal kidnapping et les services qu’ils ont dû subir.
Nous sollicitons d’avoir accès à nos époux pour nous enquérir au mieux de leurs situations. Et, nous demandons expressément au président de la transition Mamadi Doumbouya et son haut commandant de la Gendarmerie de faciliter cela, puisque les éléments venus enlever nos maris relèvent exclusivement d’eux.
Depuis l’enlèvement de nos époux, nous vivons avec nos enfants dans le “mensonge” et la promesse que leurs pères reviendront bientôt de voyage. Cela devient lassant et pesant pour les mères que nous sommes. Psychologiquement et moralement, nous n’avons jamais souhaité élever nos enfants dans cet environnement de “farces” et de “déni”.
C’est pourquoi, en tant que pères, nous souhaitons que vous puissiez comprendre notre état d’âme et présenter nos maris à un juge si vous prétendez qu’ils sont coupables d’un délit. Ce qui n’est absolument pas sûr.
En tout cas, nous les savons tellement attachés à la justice, à l’état de droit et la paix dans ce pays que cela nous étonnerait.
Nos époux ont certes toujours voulu porter les voix de nombreux compatriotes, mais cela avec le plus grand respect des textes qui gouvernent notre pays. Jamais nous ne serions aussi d’accord avec eux si c’était le contraire. On sait que cela nous coûte depuis plusieurs années de vivre dans la peur et l’angoisse. Mais, c’est aussi cela s’engager auprès d’un époux qui se veut rempart des causes justes et universelles.
Depuis les sorties méprisante et insultante du procureur général de Conakry, du porte parole du gouvernement et du ministre secrétaire général à la présidence, nous nous posons la question évidemment si nous sommes fières d’être guinéennes. D’autant plus que les mots prononcés ce jour-là dénotent que nos peines et douleurs personnelles ne peuvent être atténuées par notre État.
Mais, ils participent à nous fendre le cœur par des faits et gestes qui ressemblent à une opération de sape pour définitivement nous indiquer que nous sommes des citoyennes de seconde zone.
Nous prenons le peuple de Guinée et la communauté internationale à témoin sur la volonté manifeste de la junte au pouvoir d’éliminer nos maris.
Car, depuis l’avènement de la junte, nous sommes témoins des nombreuses compromissions proposées par la junte à nos époux et leurs camarades du FNDC aux détriments des convictions qu’ils ont défendues durant des années avec l’ensemble des citoyens pro-démocratie de notre pays pour que nous soyons dans un État démocratique où chaque citoyen est libre de choisir ses dirigeants. N’ayant pas obtenu cette allégeance, nos maris sont en train de vivre le prix de leurs engagements patriotiques.
Nous croyons énormément aujourd’hui que les garder arbitrairement ne leur suffit plus, donc il faut ainsi les anéantir stratégiquement à petit feu pour asseoir leur pouvoir.
C’est pourquoi, nous interpellons les guinéens que nous serons tous en sursis si quelque chose arrivait à nos époux. Car, leur engagement est indéniablement pour chaque citoyen guinéen et leur sort doit être la préoccupation du guinéen simplement. Car, Il s’agit là de notre humanité, de notre liberté, mais aussi de notre droit à la vie.
Par Hawadjan Doukouré & Assiatou Bah, épouses de Oumar Sylla Fonikè Manguè et de Mamadou Billo Bah (kidnappés le 09 juillet 2024 par les forces spéciales et le GIGN)