Dans la nuit du mercredi au jeudi, 5 septembre 2024, plusieurs familles ont été piégées par la montée des eaux au centre-ville de Coyah et dans la commune de Manéah. Une situation provoquée par d’intenses pluies qui s’abattent sur la Guinée, particulièrement Basse Côte depuis des semaines. Il y a déjà plus de 200 ménages impactés et des dégâts matériels importants à Manéah, selon le rapport provisoire de la société civile et de la croix rouge communale, consulté par un reporter que Guineematin.com a dépêché dans ces deux communes.
Quelques heures après ces inondations, les conséquences du sinistre sont encore perceptibles dans le secteur Halo, au quartier Tanènè 2, et à Tanènè 1, dans la commune urbaine de Manéah. Dans ces endroits, sillonnés par Guineematin.com ce vendredi, 6 septembre 2024, la désolation et l’angoisse se lisent sur les visages.
Rencontrée sur sa terrasse recouverte de la boue, Rouguiatou Soumah, une des victimes, dit avoir abandonné sa concession au secteur Halo pour se mettre à l’abri chez les voisins. « Avant hier, c’est dans les bandes de 7 heures qu’on a été envahi par l’eau. Moi, j’ai reçu un coup de fil d’un voisin qui m’a dit de venir voir la maison, que ça ne va pas. Parce que nous, c’est la quatrième fois qu’on est victime d’inondations cette année. Depuis la première fois, je n’ai plus eu le courage d’y rester. Je fais des va-et-vient entre chez moi et chez les voisins. Hier aussi, c’est à 22 heures que la pluie a commencé et jusqu’à 3 heures on n’a pas pu dormir. Depuis l’année passée, on ne fait que perdre des biens matériels : les matelas, les cafetières, les fauteuils, la télévision… Depuis lors, c’est juste la croix rouge qu’on a vu à nos portes. Je demande à l’État de nous venir en aide. Parce que ça commence à nous embêter. Chaque année s’il faut fuir sa concession, c’est compliqué », a fait remarquer cette victime.
Également piégé par les eux, Abdoul Baldé, mécanicien de son état, ne sait plus à quel saint se vouer. Depuis 4 ans, il dit être obligé de faire face à la même situation pendant la saison pluvieuse. Il regrette d’avoir construit à ce endroit et demande à l’Etat de leur trouver un site de recasement.
« Hier, je me suis réveillé vers 3 heures pour constater ça. Mais, il y avait beaucoup d’eau. Donc, j’ai commencé par évacuer ma famille chez les voisins. Moi, j’y suis resté jusqu’au moment de la prière. Après la prière de l’aube, j’ai décidé de quitter la maison puisque le niveau d’eau montait. Ici, c’est comme ça que l’eau nous emmerde. Avant, c’était chaque deux ans ; mais, ces dernières années, c’est chaque année que ça inonde. Ça nous fatigue tellement, ça a gâté toutes nos affaires comme les matelas, la télévision, les habits, le frigo et même le mur de la cuisine n’a pas été épargné. Nous demandons à l’État de nous recaser ailleurs. Parce qu’ici, si on savait, on n’allait pas venir construire », a-t-il dit.
Au quartier Tanènè 1, Kadiatou Camara et sa famille ont été sauvées de justesse. Elle pointe du doigt la montée des eaux au niveau du pont Kitema qui sépare le Bananeraie à Manéah. « Les inondations de l’année dernière nous avaient surpris. Mais, cette année, on a pris des précautions. Il n’y pas eu de dégâts chez moi. Parce qu’on on a eu ce marigot rempli d’eau, on est allé confier quelques affaires dans le voisinage depuis le mois d’août dernier. Mais, la nuit d’avant-hier à la matinée de ce vendredi, l’eau a fait des dégâts dans notre quartier. L’eau est entrée chez tous les voisins ici. Nous, en tout cas, on a été moins touchés cette année, contrairement à l’année dernière. Chez nous ici, c’est quand le pont Kitema est débordé qu’on est inondé. Sinon, on n’est pas dans le bas-fonds », a-t-elle déclaré.
Croisé sur le terrain avec son équipe de recensement à Manéah, Ousmane Karamoko Camara, vice-président du comité communal de la croix rouge de Manéah, fait état de plusieurs biens matériels perdus. Il pointe un doigt accusateur sur l’État qui, selon lui, n’a pas su freiner la vente et la construction des berges du marigot qui traverse la route nationale N°1 à Manéah. « C’est dans la nuit du mercredi à hier jeudi 5 septembre que tout cela a commencé, aux environs de 4 heures du matin. Au moment où je vous parle, plusieurs familles ont abandonné leurs concessions à cause de l’eau. Tous les salons, chambres, sont inondés par l’eau. Depuis lors, nous avons déployé des agents sur le terrain pour faire le recensement qui sera probablement bouclé aujourd’hui. Pour le moment, en attendant la finalisation de ce travail, on dénombre plus de 200 et quelques victimes. Il n’y a pas eu de perte en vie humaine mais les dégâts matériels sont considérables. Parce que certains ont perdu des armoires, des fauteuils, des réfrigérateurs, des lits…», a-t-il expliqué.
Par ailleurs, le président du conseil communal des organisations de la société civile de Manéah accuse l’État de complaisance et appelle à la solidarité autour des sinistrés.
« Les raisons de ces incessantes inondations sont liées à la construction anarchique sur les berges du marigot. Toute cette bordure est vendue et construite. Il y en a certains même qui sont en train de construire jusqu’à présent. Donc, moi je pense que les normes ne sont pas restées, l’État n’a pas pris ses responsabilités pour faire comprendre aux citoyens que l’endroit là est une zone réservée. Conséquences, les gens ont barré la route au passage de l’eau. Or, quand vous agressez l’eau, il y a toujours des conséquences. Sinon, avant, dans les années 2000, il n’y avait pas d’inondations dans la zone. Mais depuis 2018, on a commencé à enregistrer les inondations. Pour le moment, on n’a rien vu de part de l’État, mais nous de la société civile, on a anticipé les choses. Je lance un appel au Ministère de l’Administration du territoire, à travers l’ANGUCH, de venir aider ces sinistrés. Parce qu’à date, ils n’arrivent même pas à trouver de quoi manger, encore moins préparer parce qu’ils sont dans l’eau », a-t-il laissé entendre.
Pour sa part, Amara Kanté, président de la commission eau, hygiène et salubrité à la commune urbaine de Manéah, affirme que la prise en charge des sinistrés est assurée. Il souligne des dispositions sont en train d’être prise pour évacuer ces zones afin de préserver des vies humaines à l’avenir.
« Nous avons été informés par le chef de quartier de Tanènè 2, nous disant que le quartier est touché dans le secteur Halo. Et du coup, nous nous sommes rendus sur le terrain pour faire le constat. Le niveau de l’eau a commencé à monter vers 4 heures. Nous avons aussitôt alerté les gens de quitter les lieux. Nous avons identifié le groupe scolaire Olivier Sidibé comme le point de ralliement des victimes. Depuis l’année dernière quand ce même secteur a été touché par l’inondation nous avions demandé aux gens de quitter. Heureusement, beaucoup ont quitté. (…) La croix rouge est sur le terrain pour recenser les victimes et évaluer les dégâts matériels. Les gens qui habitent ce secteur viennent d’arriver. Sinon, cette partie est une zone inondable. C’est un bas-fond et il n’y avait que de l’eau. C’est pourquoi aujourd’hui, on est en train de passer par tous les moyens pour déplacer. Il serait normal d’enlever les gens et de les recaser ailleurs », a souligné Amara Kanté.
Il convient de rappeler que ce n’est pas la première fois qu’une telle catastrophe frappe la préfecture de Coyah. L’année dernière encore, au mois d’août précisément, des inondations meurtrières avaient été enregistrées à Coyah et Manéah, notamment aux quartiers Bananeraie et Tanènè 1 et 2, laissant ainsi plusieurs familles dans la détresse. Ces inondations avaient coûté la vie à un jeune secouriste à Coyah.
Malick DIAKITE pour Guineematin.com
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