Apprentissage pour adultes : zoom sur le Centre d’Alphabet pour Nous de Sonfonia (Conakry) 

Centre d'Alphabet pour Nous de Sonfonia à Conakry

En Guinée, bien que le français soit la langue officielle du pays, le taux d’analphabétisme reste encore très élevé et très préoccupant. A l’occasion de la journée mondiale de l’Alphabétisation, célébrée le 08 Septembre 2024, le Ministre de l’Enseignement Pré-universitaire et de l’Alphabétisation, Jean Paul Cédy, a souligné que le taux d’analphabétisme en Guinée s’élève aujourd’hui à 68%. Dans un entretien accordé à un reporter de Guineematin.com, mardi 10 septembre 2024, Boubacar Bah, directeur de l’école « Centre d’Alphabet pour Nous », un centre d’alphabétisation, est revenu sur les personnes cibles mais aussi sur les difficultés rencontrées sur le terrain.

Boubacar Bah, directeur du centre

« On a ouvert ce centre depuis 2018. Et c’est pour aider les uns et les autres à pouvoir lire et écrire. Notre objectif est de pouvoir alphabétiser le maximum de personnes en Guinée. Depuis son ouverture, nous avons pu alphabétiser environ 1500 personnes. Les tranches d’âge des apprenants sont de 15 à 65 ans. Nous les recevons ici pour leur apprendre à lire et à écrire. Nous faisons constamment des recherches pour trouver des voies et moyens pour pouvoir surmonter les difficultés, surtout dans le cadre andragogique, parce qu’ici c’est l’andragogie qu’on applique, c’est la pédagogie appliquée aux adultes. Donc, avec beaucoup d’apprenantes, nous surmontons les difficultés et réussissons à près de 90% », a expliqué Boubacar Bah.

Par ailleurs, le directeur de l’école « Centre d’Alphabet pour Nous » a rappelé les conditions à remplir pour s’y inscrire et les difficultés du moment. « La première condition pour s’inscrire à notre centre, c’est d’être analphabète ; et la deuxième, c’est de s’acquitter de la cotisation que doivent faire les apprenants. Pour toute personne, tous âges confondus, pour pouvoir lire un livre en français, nous lui proposons 90 jours. Durant ces 90 jours, si les principes de la formation sont respectés, l’intéressé pourra forcément lire tout livre écrit en français… Nous rencontrons assez de difficultés dans ce travail. Il y a des difficultés liées au financement. Si vous prenez déjà le local, il n’est pas vaste. Donc, ce qui fait qu’on est obligé en fonction de la demande de faire plusieurs programmes pendant la journée. Ça, c’est une énorme difficulté parce que le repos est moins. En plus de ça, nous avons aussi des difficultés dans le cadre de l’enseignement parce qu’enseigner à des adultes qui ont déjà les têtes pleines n’est pas du tout facile. Mais avec les recherches appropriées, nous sommes en train de trouver des solutions pour pouvoir en tout cas travailler d’abord sur la concentration des personnes avant de pouvoir leur inculquer le savoir », dit-il.

D’autres difficultés sont relatives aux moyens financiers. « Vous savez, quand on a un problème de financement, la documentation n’est pas facile à avoir, la gestion du personnel n’est pas aussi facile. Nous avions même souhaité élargir le local pour pouvoir avoir un temps de repos, vu que ce n’est pas facile de travailler du matin au soir. Si on avait un local plus vaste, ça aurait été plus facile d’avoir un programme plus approprié où vraiment les formateurs peuvent trouver un temps de repos. Mais ici, nous sommes obligés de faire au moins trois programmes par jour pour pouvoir toucher le maximum de personnes analphabètes. Nous avons cinq formateurs permanents qui ont des programmes variés, certains ont trois jours dans la semaine et d’autres deux jours, vu que nous évoluons toute la semaine jusqu’au samedi. Pour ce qui est des apprenants, nous en avons au maximum 60 actuellement ».

En outre, Boubacar Bah est revenu sur les catégories d’apprenants et les relations avec les responsables du système éducatif.

« Dans ce centre, nous recevons plus de femmes que d’hommes. Mais ce n’est pas parce que ce sont seulement les femmes qui sont intéressées par la formation, mais c’est parce que ce sont elles qui ont plus de temps. D’ailleurs, avec notre programme ici, nous avons constaté que les hommes ne sont disponibles qu’à partir de 19h. Ce qui a fait que nous avons créé un programme pour 19h-21h réservé uniquement aux hommes. Nous recevons plus d’adultes ici ; il y’a moins de jeunes. Le directeur national adjoint de l’Alphabétisation nous a rendus visite. Je me suis déplacé aussi pour aller le voir, pour signifier que j’avais cette initiative. Ils ont apprécié et on s’est donné des idées pour pouvoir faire avancer le centre et améliorer les conditions d’apprentissage. Mais jusque-là, ça n’a pas encore dépassé là. Je souhaite que ça aille plus loin et qu’il puisse venir en aide pour pouvoir en tout cas élargir le programme pour qu’on puisse toucher le maximum d’analphabètes. Pour ce qui est des institutions liées à l’Alphabétisation ou à l’éducation, pour l’instant on n’a pas eu d’aide. Donc, nous souhaitons que cela soit, parce que ça pourra apporter un plus au centre pour pouvoir faciliter les choses », a-t-il expliqué.

Rencontré par notre reporter, Lamarana Barry, formateur dans ce centre, explique les méthodes utilisées pour faciliter l’apprentissage aux uns et aux autres.

Lamarana Barry, formateur

« Je travaille ici depuis 3 ans. La première difficulté que nous rencontrons ici avec les apprenants, c’est le manque de concentration. Si les apprenants ne sont pas concentrés, il est difficile de leur faire comprendre les choses, et ils maîtrisent difficilement. Donc, ce qui fait que nous travaillons d’abord sur la concentration des apprenants et cela nous facilite le reste du travail. L’autre problème c’est que la plupart des élèves ne sont pas permanents et ça nous fatigue vraiment. Ici, on montre à l’élève comment lire et il lit. On ne lit pas pour l’élève. Pour un début, nous utilisons des documents basiques. Mais après, nous avons également des leçons que nous mettons à leur disposition. J’appelle toute personne n’ayant pas été à l’école de venir vers ces centres d’apprentissage pour acquérir le savoir afin de mieux intégrer la société », conseille le formateur.

Pour sa part, Ibrahima Diallo, marchand et élève du centre, explique les avantages qu’il tire de son inscription dans ce centre.

Ibrahima Diallo, apprenant

« Je suis inscrit dans ce centre depuis un mois. Ce qui m’a poussé à y venir, c’est parce que dans mon quotidien, je suis confronté à d’énormes difficultés dues au fait que je ne comprends pas du tout le français. Je suis donc venu pour apprendre à lire et à écrire. Ce que j’ai à dire aux analphabètes non-inscrits dans ce genre de centre, c’est de chercher à apprendre. L’apprentissage est très important. Depuis que moi j’ai commencé à apprendre, j’ai vu beaucoup d’améliorations en moi. Il y a quelques jours, même mon nom je ne savais pas écrire. Mais aujourd’hui, ça va. Il y a beaucoup de choses que j’ai apprises grâce à ce centre », a-t-il laissé entendre.

Fatoumata Bah pour Guineematin.com 

Tél. : 626-84-48-53

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