De nombreux acteurs accusent les maisons d’édition d’œuvres littéraires de s’enrichir sur le dos des écrivains. Ces derniers ne bénéficieraient que de revenus dérisoires dans le processus alors que ce sont leurs idées qui sont à la base des œuvres littéraires. Mais, les maisons d’édition balaient d’un revers de la main ces accusations, arguant supporter de lourdes charges avant de mettre un ouvrage sur les rayons des librairies. Tel est le constat fait à Conakry par un reporter de Guineematin.com qui a donné la parole aux deux camps.
Cette dernière décennie, la Guinée a connu une production accrue d’œuvres littéraires, notamment grâce aux différentes maisons d’éditions. Mais, à qui profite cette situation ? Les maisons d’édition ne s’accaparent-elles pas la plus grosse part du gâteau au détriment des auteurs qui vivent difficilement de leur métier ?
Ibrahima Nahou Diallo, homme de lettres, enseignant et auteur des livres « Allusions éparses », « Je parle » et « Journal d’hécatombes », explique : « c’est un fait, une réalité. C’est quelque chose qui devrait à mon avis ne pas être ainsi. D’ailleurs, j’estime qu’un jeune dont le livre est bon, c’est dans l’obligation des maisons d’édition d’éditer l’ouvrage sans que l’auteur ne dépense même un franc. J’ai entendu qu’ailleurs, l’édition n’est pas compliquée. C’est l’éditeur qui fait tout. En plus, ici en Guinée, nos maisons d’édition s’impliquent rarement dans la vente de l’ouvrage qu’il a lourdement financé. C’est déplorable. Ici, même s’il y’a des opportunités de participer à un évènement à l’international, vous partez à vos frais, l’éditeur ne vous accompagne jamais. Quelque chose qui doit normalement se faire. La politique dans le livre est très compliquée ici », affirme cet écrivain.
Même son de cloche chez Oumar Baïlo Bah, auteur du roman « Les larmes de Léa », qui explique cette situation par le manque d’unité des auteurs.
« C’est ainsi, parce que les écrivains ne sont pas soudés. C’est rare de voir des associations d’écrivains ici. Cette situation peut changer, si nous auteurs, on essaye de se dire que ça doit changer. On doit se valoriser, pas se laisser faire. Mais l’envie d’être auteur nous pousse à accepter tout ce qu’on nous propose. Pourtant, on doit examiner nos contrats avec objectivité et savoir que ce sont nos produits que nous sortons. Donc, logiquement, nous devons en bénéficier à satisfaction. Les auteurs doivent produire quelque chose de consistant pour pousser les maisons d’édition à courir derrière eux », conseille-t-il.
Cette idée est loin d’être partagée par Jacques Doumbou Kamano, directeur chargé à la communication de « Innoves éditions Guinée ». Il en donne les raisons.
« L’impression d’un livre se passe de façon échelonnée. Il y a toute une procédure, assez longue, on va dire. Lorsque l’auteur nous donne son ouvrage, on le corrige aux frais de l’auteur. Ça, c’est commun dans toutes les maisons d’éditions. La correction n’est jamais gratuite. Après cette correction, on envoie, après notre constat, à l’auteur qui est libre d’accepter ou pas. Par la suite, tout un processus va être enclenché. On doit payer par après la conception de la couverture de l’auteur avec plusieurs couvertures auprès d’un infographe. L’œuvre est par la suite envoyée à un maquettiste qui arrange bien les pages et tout, des frais pris en charge par la maison d’édition. Et c’est après tout ça que nous fixons le prix de l’auteur. La maison d’édition doit payer par après les frais d’impression de l’ouvrage à l’étranger, puisqu’en Guinée ici, il n’y en a pas. Nous payons aussi les frais de transport, l’auteur ne participe pas à cette prise en charge. Il commande juste ; le reste, c’est sur la tête de la maison d’édition. Transport, dédouanement et autres, sont réservés aux frais de la maison d’édition. Et plus tard, nous proposons aussi des services à l’auteur à nos propres frais, comme les cérémonies de dédicaces que nous organisons dans des endroits, en partenariat avec notre maison d’édition. Là, l’auteur ne paye rien. Mais s’il choisit un autre endroit, il s’en occupe personnellement. Nous avons toute une équipe, un personnel aussi salarié. Donc, tout ceci à mon avis, justifie ce que les gens disent sur le fait que les maisons d’éditions profitent mieux que l’auteur de sa production. Ce qui n’est pas vrai », a-t-il laissé entendre.
Mamadou Baïlo Diallo pour Guineematin.com