Foulamory (Gaoual) : Mamadou Aliou Diallo, éleveur raconte comment il a échappé au lynchage à Kankody

Mamadou Aliou Diallo dit Sylla, éleveur victime de violence à Kanlody

Du 10 au 12 septembre 2024, des groupes d’individus tous originaires du District de Kankody se sont mobilisés pour semer la terreur chez des éleveurs du District voisin de Kambambolou en pleine brousse. Ils ont enlevé des bœufs, détruit des abris, terrorisé les personnes retrouvées sur place, notamment les femmes et les enfants.  Bref, ils ont créé l’enfer à des personnes inoffensives et malheureuses.

Bétail à Djouddoun dans Dar-es-Salam à Koumbia

De l’avis de certaines personnes, cette rébellion a été amplifiée suite aux propos tenus par le doyen Mamadou Aliou Diallo dit Sylla, â gé de 70 ans, marié à 4 femmes et père de nombreux enfants.  Il a croisé le groupe en pleine brousse chez son jeune frère Boubacar, débout au milieu d’une foule armée de gourdins, de couteaux, de coupe-coupe et autres. Un journaliste de Guineematin.com l’a rencontré, le lundi16 septembre 2024, à Koumbia.

Selon ce rescapé, c’est grâce à lui que le pire a été évité. Il explique comment.

« Le 10 septembre dernier, j’étais allé pour compter la zakat parce que c’est à Kakoni où se trouve mon bétail. Je suis venu jusque-là où on appelle Djourdé poua (en brousse, à côté de Kambambolou). Arrivé là-bas, j’ai trouvé qu’un groupe d’environ vingt personnes au moins a attaqué mon frère du nom de Boubacar. J’ai demandé à mon frère ce qui s’est passé. Il m’a dit qu’ils l’ont attaqué à cause d’un bœuf. J’ai demandé pourquoi toutes ces personnes sont venues alors que vous aviez discuté pour un bœuf ? Il a répondu qu’ils avaient dit de payer des bœufs en groupe.  J’ai appelé les chefs et je leur ai demandé qui avait élaboré ce programme. J’ai demandé si le District en était informé. Ils m’ont dit que non. J’ai demandé si la commune en était informée. Ils m’ont dit non. Ils m’ont dit que ce sont les sages du village, notamment Tounkan Camara qui les ont mis en commission. C’est Tounkan Camara qui était à la tête de l’équipe. Je leur ai dit si vous êtes une vingtaine de jeunes, pourquoi vous venez armés et surchauffés. Si jamais vous vous disputez, est-ce que ce sera bon ? Je leur ai dit de venir avec moi en ville pour régler ce problème. Je les ai suppliés là-bas. J’ai dit à Boubacar comme ils ont encerclé ta moto, il faut laisser la moto avec eux et venir avec moi sur la mienne. Ils ont dit qu’eux, ils ne veulent pas de moto. Qu’ils veulent coûte que coûte repartir avec leur bœuf. En ce moment, la grande sœur de Boubacar est arrivée et a demandé ce qui n’allait pas et c’est là qu’elle a eu une crise. Elle est tombée. Je les ai suppliés là-bas longtemps mais ils s’étaient partagés. Ils étaient au nombre de 40 en tout chez mon frère Boubacar. Il y avait un autre groupe qui était allé ailleurs. Finalement ils ont accepté et nous sommes tous allés au village. On a fait ensemble la prière de Magreb (crépiscule) là-bas à Kankody.  Après on a dit ce qui nous a amené là-bas.  Mais chez eux, ils avaient fixé une règle selon laquelle chaque berger doit donner un bœuf pour pouvoir s’installer chez eux et ça a commencé cette année. Parmi les bergers inscrits pour ça il y’ a mon frère du nom de Boubacar et le fils de ma sœur du nom de Baba Gallé. Ils ont été inscrits mais sans leur consentement. C’est quand ils ont refusé de donner ces bœufs qu’ils sont venus en groupe pour les attaquer », a relaté le vieux Sylla.

Convaincu que rien ne pouvait faire reculer les assaillants, fort de leur nombre, le vieux a trouvé une stratégie pour sauver son frère et éviter le pire.

« J’ai dit aux responsables de ces groupes armés que mon petit frère et mon neveu ne mourront pas pour une affaire de bœufs. Je vais prendre dans mon parc pour payer. Je leur ai dit le lendemain à 14h de venir chez moi je vais leur donner les deux bœufs. Le lendemain mardi, 11 septembre, je partais chercher les bœufs pour leur donner mais très tôt le matin déjà, ils ont pris leurs motos pour me devancer là-bas. Avant mon arrivée sur place là-bas, des gendarmes venus de Foulamory y sont venus. Les assaillants aussi, comme ils ont duré là-bas sans me voir, ils ont décidé de revenir. Dieu les a fait croiser avec le nommé Koba qui est le gendarme en fonction à Foulamory. On s’est tous croisés là-bas. Maintenant en revenant, Koba les a photographiés.  Ils avaient la corde mais pas les bœufs. Quand ils sont arrivés, il leur a demandé où ils étaient. Ils lui ont dit qu’ils étaient partis chercher des bœufs.  Il leur a demandé s’ils m’avaient confié ces bœufs. Ils ont dit non. Il leur a ensuite demandé s’ils ont acheté ou si c’est un prêt. Ils ont dit non. Ils lui ont ensuite dit ce qui les y avait amené. Après ça on s’est croisé à Kankody. Une fois là-bas ils ont dit que moi j’ai dit qu’ils sont enchaînés.

C’est en ce moment qu’on nous attaqué à la maison là-bas. Les deux colonels et moi plus les deux commissaires de Foulamory et le Président de la Délégation spéciale. Nous avons été attaqués chez le président de District par tous les habitants de Kankondi. Quand ils nous ont attaqué, ils ont dit maintenant c’est deux choses l’une : soit on me tue ou je donne les bœufs dont je me suis porté garant de payer. Les gendarmes ont dit que je ne vais pas être tué en leur présence. Finalement les gendarmes m’ont menotté et ils ont dit qu’ils m’amènent à Gaoual pour m’emprisonner. Mais il le disait juste pour nous sauver de la foule qui était là déchaînée contre la délégation. Ils ont applaudi et nous ont permis de quitter les lieux. Les agents m’ont amené jusqu’à la sortie du village avant d’enlever les menottes. On a passé deux jours là-bas à Foulamory centre, dans le commissariat de police. Pour me ramener chez moi, ils ont dû me masquer et me faire traverser la nuit. Le lendemain, je suis retourné chez moi et les victimes sont allées à Gaoual. C’est jusque-là que je sais. Mais sincèrement, j’ai frôlé la mort et mon frère Boubacar aussi », a expliqué cette victime, encore sous le choc.

A rappeler qu’après l’attaque, les gens de Kankody, ont festoyé pendant plusieurs jours avant que les premières convocations de la gendarmerie ne viennent perturber leur fête.

 Abdallah BALDE avec le décryptage de Fatoumata Bah pour Guineematin.com

Tél : 628 08 98 45

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