Après avoir passé deux mois de vacances, les avocats de Guinée vont reprendre leurs activités à partir du mois d’octobre prochain. Une reprise qui intervient dans un contexte où notre pays est à la croisée des chemins dans divers domaines. Pour parler de cette reprise, un reporter de Guineematin.com s’est entretenu ce mardi, 24 septembre 2024, avec Me Faya Gabriel Kamano, avocat à la Cour, porte-parole du barreau de Guinée. Les points liés à la « rentrée solennelle des avocats qui sera une première en Guinée », les difficultés rencontrées par le barreau, les multiples demandes adressées aux différentes autorités pour l’obtention de la « maison de l’avocat » ont été abordés au cours de cet entretien.
Décryptage !
Guineematin.com : après avoir passé deux mois de vacances, comment le barreau se prépare à la reprise des activités judiciaires. Qu’est-ce qui est prévu et quelle sera la particularité de cette année ?
Maître Faya Gabriel Kamano : comme toute reprise, les avocats, individuellement pris, chacun se prépare pour la reprise des audiences à partir du 1er octobre 2024. Mais au-delà de ça, vous avez parlé de l’ouverture judiciaire. Nous, nous ne parlons pas de l’ouverture judiciaire cette fois-ci. Cette année, contrairement aux autres années, le Barreau de Guinée compte organiser une rentrée solennelle. Cela est une première. Cette rentrée solennelle se tiendra pour les journées des 12, 13, 14, et 15 novembre 2024. Elle sera ponctuée par une session de formation pour deux jours. Cela va regrouper beaucoup d’avocats venus de beaucoup d’horizons. Des avocats du Barreau de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine), les avocats du Barreau de l’espace OHADA (Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique), des associations d’avocats, les avocats du Barreau français… Disons en quelque sorte, pendant ce temps, Conakry sera la capitale des avocats francophones.
Guineematin.com : quelles sont les difficultés rencontrées par le Barreau de Guinée.
Me Faya Gabriel Kamano : vous savez, comme toute institution, le Barreau de Guinée traverse des difficultés. Il y a des difficultés institutionnelles. C’est-à-dire que nous peinons à organiser des sessions de formations pour l’ensemble des avocats. Parce que comme vous le savez, la formation continue est un impératif pour tout avocat. La preuve est que dans beaucoup de barreaux, comme dans le nôtre, chaque avocat doit totaliser 25 heures de formation par an. Parce que l’intellectuel n’est jamais parfait. On est toujours appelé à apprendre pour améliorer notre prestation. Donc, de ce point de vue, nous rencontrons des difficultés de finances pour organiser les sessions de formation ou pour faire inviter des formateurs à partir de l’étranger. Mieux que ça, nous peinons à trouver la maison de l’avocat. Quand vous partez dans les barreaux étrangers, chaque barreau a la maison de l’avocat. C’est-à-dire le siège des avocats qui est souvent une maison vraiment digne du rang des avocats. Mais chez nous, nous avons tenté avec les gouvernements successifs, nous avons fait la demande, ne serait-ce que, à défaut de nous trouver la maison de l’avocat, de nous trouver un terrain où nous-mêmes, avec nos maigres moyens, nous pouvons bâtir la maison de l’avocat que nous peinons à trouver. Cela fait que c’est très gênant quand nous recevons nos confrères étrangers. Parce que nous sommes quand même dans un siège qui ne reflète vraiment pas l’image de la corporation. Nous avons aussi des difficultés quant au financement. Nous ne recevons pas de subvention de l’Etat guinéen. Or, beaucoup se demandent pourquoi les avocats vont bénéficier d’une subvention. Nous sommes dans une société moderne. Une société civilisée dans laquelle une justice ne peut pas fonctionner sans le concours des avocats. Une société où on ne peut pas parler de démocratie, de respect de l’Etat de droit sans la participation des avocats. Donc, les avocats participent activement au service public de la justice. C’est pourquoi dans beaucoup de barreaux aujourd’hui, on ne peut même pas parler des auxiliaires de justice. Les avocats sont des partenaires de la justice. Pour preuve, il y a des procédures par exemple dans notre code de procédure pénale, des procédures qui concernent des mineurs, des procédures criminelles, où les juges ne peuvent pas entendre l’inculpé ou la personne mise en cause sans l’assistance d’un avocat. C’est pour vous dire que la présence de l’avocat est obligatoire. C’est le cas des procédures qui sont devant la Cour de répression des infractions économiques et financières (Crief). Il faut absolument la présence des avocats. Donc, les avocats participants au service public de la justice, c’est tout à fait normal que les avocats soient subventionnés. Parce que c’est l’image même du pays. Aujourd’hui prenez le cas de beaucoup de contentieux devant les juridictions internationales, les Etats Africains sont obligés de faire recours aux avocats étrangers. Alors qu’ils ont des avocats locaux… Donc c’est tout à fait normal que l’Etat subventionne le barreau pour que le barreau participe activement au service public de la justice par la formation qu’il va offrir aux avocats dans l’ensemble.
Guineematin.com : Pour ce problème de siège, est-ce que vous avez posé ce cas aux gouvernement actuel, aux autorités de la transition ?
Me Faya Gabriel Kamano : nous avons demandé à tous les présidents de la Guinée, à l’exception de Sékou Touré, parce que notre barreau est créé en 1986. Mais nous avons posé ce problème de siège au feu président Lansana Conté, nous l’avons posé au président Moussa Dadis Camara, nous l’avons posé au président Sékouba Konaté, nous l’avons posé au président Alpha Condé, et nous l’avons posé au président Mamadi Doumbouya en 2022. Ce jour, c’est le ministre Alphonse Charles Wright qui nous a accompagnés, il nous a introduit chez le président de la République. Que le ministre soit remercié de passage pour cela. Ce jour, le président avait promis fermement de nous trouver un siège. Mais pour le moment, on s’est dit qu’il n’a pas trouvé sûrement l’espace qu’il nous faut ou il n’a pas trouvé les moyens qu’il nous faut. Mais nous insistons et nous continuons à espérer que l’Etat, un jour, pensera à nous trouver un siège. A défaut de nous trouver un siège, de nous trouver un terrain adéquat de 3000 mètres où nous pouvons bâtir un siège digne de notre corporation.
Entretien réalisé par Saïdou Hady Diallo pour Guineematin.com
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