Le débat sur une éventuelle candidature du président de la transition guinéenne, le Général Mamadi Doumbouya, continue de faire couler encre et salive en Guinée. Après les vives réactions des acteurs sociopolitiques, l’inquiétude grandit et se transporte dans le monde judiciaire. Pour Maître Almamy Samory Traoré, avocat à la Cour, la charte africaine de la démocratie ne permet pas au tombeur d’Alpha Condé d’être candidat aux prochaines élections présidentielles dans notre pays. Il l’a dit ce vendredi, 27 septembre 2024, dans un entretien accordé à Guineematin.com à travers un de ses reporters.
« Le président de la transition, pour rassurer les Guinéens que nous sommes et la communauté internationale, avant même d’adopter la charte de la transition, il a réitéré qu’il ne sera pas candidat et que les membres des autres organes de la transition ne seront pas candidats à quoi que ce soit. C’est un engagement solennel qui est pris par le chef de l’État. Nous espérons que pour maintenir les fondements de la République, la morale et l’éthique dans la société, qu’il respectera cet engagement. Même si les personnes les plus proches de lui sont aujourd’hui en train de l’encourager dans ce sens ; mais, nous espérons que c’est lui qui a pris les engagements et que c’est lui que le peuple attend sur cette question », a dit d’entrée maître Almamy Samory Traoré.
Répondant à ceux qui parlent de la future Constitution, qui ne devrait exclure personne, l’avocat tranche. « Du point de vue éthique et morale, la candidature du président est inacceptable. Parce que la légitimité même de son pouvoir vient de ce serment qu’il a prêté. Du point de vue juridique, cet engagement qu’il a pris, il l’a rédigé dans la charte. C’est la junte elle-même qui a rédigé cette charte là et qui l’a publiée. Cela a rassuré les Guinéens et les partenaires. Il est précisé à l’article 46 de la charte que le président et les autres membres de la transition ne seront pas candidats aux élections nationales. Donc, le président doit respecter cet engagement aux yeux de la loi, mais également d’un point de vue éthique », a laissé entendre Maître Traoré.
Comme si cela ne suffisait pas, l’avocat s’en est vigoureusement pris au Conseil national de la transition (CNT) qui n’a pas barré la route au chef de l’Etat, aux membres du gouvernement et du CNT, pour les candidatures aux futures échéance électorales.
« Il y a un débat en cours, où moi-même j’ai pris position, concernant l’adoption d’une nouvelle constitution qui va se substituer à la charte. Parce que quand vous prenez l’article 78 de la charte, qui dit que la charte devient caduque dès la publication de la nouvelle constitution adoptée par référendum, il y a deux choses : ce que nous autres ne comprenons pas, c’est le fait que le CNT, essentiellement composé de civils venus des partis politiques, des organisations de la société… pourquoi ceux-ci n’ont pas reconduit les articles 46, 55 et autres de la charte concernant la candidature des membres des organes issus de la transition. La raison qu’ils ont trouvée, c’est que la constitution ne personnalise pas. C’est-à-dire que tel ou tel devait ou ne devait pas se présenter. Sauf que ce projet de constitution comporte les dispositions transitoires concernant l’Amnesty visant une catégorie de personnes et de faits qui se sont produits à un moment donné. Si la constitution comporte les dispositions transitoires, pourquoi on ne va pas céder cette autre disposition transitoire qui dit que les dispositions intangibles de la charte notamment, l’article 46 doit être reconduit. Ça n’enfreint en rien le caractère général et impersonnel de la loi. On pouvait même trouver une autre formulation sans viser une autorité. En disant par exemple que les engagements pris par les autorités de la transition demeurent, même après l’adoption de la nouvelle constitution », a-t-il déclaré.
En outre, notre interlocuteur a expliqué les raisons pour lesquelles le président du CNRD ne peut pas se présenter, même si le projet de la constitution est adopté par référendum.
« Même si par extraordinaire, la constitution est adoptée en l’état, les autorités de la transition ne peuvent pas faire acte de candidature. Pourquoi ? Parce que la constitution viendra trouver en vigueur d’autres engagements internationaux que la Guinée a ratifiés, notamment vous avez la charte africaine de la démocratie, des élections et de la bonne gouvernance. Cette charte, en son article 25, alinéa 4, dispose que les auteurs de changement anticipé constitutionnel de gouvernement ne peuvent ni participer aux élections pour la restitution de l’ordre démocratique ni occuper les postes de responsabilité dans les institutions politiques de leur État. Ça veut dire que les autorités de transition qui ont pris le pouvoir en 2021, à la suite d’un coup d’État, ne peuvent pas faire acte de candidature. J’ai entendu dire qu’il appartient à la charte de s’adapter à la constitution que ce n’est pas l’inverse. Je rappelle à ceux-ci que les dispositions d’une convention internationale et traités régulièrement ratifiés par l’État guinéen constituent une norme interne supranationale et qui devra s’appliquer même en présence d’une constitution », a rappelé Me Traoré.
Pour finir, l’avocat invite les autorités de la transition, à leur tête le Général Mamadi Doumbouya, à respecter leurs engagements premiers. « En tant que citoyen, soucieux du respect de la loi et de la stabilité de notre pays, l’appel que je pourrais lancer, c’est de demander aux autorités de faire en sorte que la transition que nous connaissons aujourd’hui réussisse. Et la réussite de cette transition dépend du respect des engagements qui ont été pris par les autorités. Si aujourd’hui, le Général respecte ses engagements, je suis convaincu que tous les dirigeants qui se succéderont à lui seront tenus à respecter leurs engagements. Mais, moi je suis convaincu qu’il respectera ses engagements » , a-t-il déclaré.
Alors que le débat autour d’une éventuelle candidature du Général Doumbouya continue d’alimenter les conversations, la sortie de Maître Almamy Samory Traoré vient renforcer les voix qui réclament une transition exemplaire, sans compromission avec les valeurs démocratiques.
Malick DIAKITE pour Guineematin.com
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