À moins de 24 heures de la célébration du 2 octobre, date marquant l’anniversaire de l’indépendance de la Guinée, les préparatifs de la fête suscitent des réactions diverses au sein de l’opinion. A l’esplanade du stade du 28 septembre de Dixinn, l’on note de nombreuses restrictions liées aux préparatifs. Si d’aucuns comprennent ces mesures relatives à la fête, d’autres sont choqués puisque perturbés dans leurs activités. Tel est le constat sur place lundi, 30 septembre 2024, par Guineematin.com à travers un de ses reporters.
Si d’habitude la fête est organisée dans les stades ou dans des espaces dédiés, cette fois-ci, des échafaudages ont été mis en place autour de l’esplanade du stade du 28 Septembre, empêchant les citoyens de mener leurs activités quotidiennes et de circuler librement. Une situation diversement appréciée.
C’est ce que dénonce Kaba Condé, professeur. Selon lui, l’organisation de la fête à Dixinn n’est pas faite pour la population.
« Par rapport aux préparatifs, mon constat est le suivant. Les préparatifs ont entraîné un ralentissement des activités économiques dans le périmètre de Madina. Et si les activités sont ralenties à Madina, c’est que c’est ralenti à Conakry. Il y a des dizaines de boutiques qui sont fermées depuis quelques jours et qui ne pourront pas travailler jusqu’au 7 du mois d’octobre. Toutes ces populations sont pénalisées pour une fête de deux heures à laquelle elles ne sont même pas invitées, une fête réservée à l’oligarchie militaire. C’est ce qui est regrettable. Pour la première fois, la fête de l’indépendance n’est pas une fête populaire en Guinée. Elle est réservée à la bourgeoisie militaire. Cette fois-ci, on n’a pas accès. Tout est barricadé. Vous voyez le bord de la route ? On a mis des échafaudages. On a tendu des tissus de sorte que l’on ne peut même pas regarder le défilé. Les populations sont exclues de la fête, qui est pourtant leur fête ».
Même son de cloche chez Ousmane Kaba, microbiologiste de formation, qui dénonce les perturbations liées à la circulation.
« Concernant l’organisation de la fête, on est presque pris en otage. Je suis venu, j’ai garé ma voiture et je dois me rendre à Madina. Les passages et les voies sont bouchés un peu partout. J’ai essayé de passer de l’autre côté, c’est bouché aussi. Donc, j’ai l’impression que ce sera une fête grandiose. Nous attendons de voir ce qu’il y aura. Je n’ai pas du tout accès, tout est barricadé. C’est ma troisième tentative pour passer vers Madina, mais c’est impossible. Je suis obligé de garer ma voiture et de continuer à pied, mais même à pied, je ne vois pas d’issue. Prendre le contrôle des voies, c’est une première. D’habitude, cela se passe au stade du 28 Septembre. Ceux qui sont intéressés allaient là-bas pour célébrer, mais cela ne dérangeait jamais le citoyen lambda les années passées », a-t-il rappelé.
Par contre, Alseny Cissé, gestionnaire de profession, adopte un regard plus positif sur l’organisation de l’événement.
« Pour commencer, il faut dire que c’est une fête nationale, une fête dont tous les Guinéens doivent se réjouir, car elle fait partie de l’histoire de la Guinée. Si vous voyez que chaque 2 octobre, la Guinée fête son indépendance, c’est parce que nous sommes libres. En ce qui concerne l’organisation, ceux qui ont pris l’initiative de la faire sur l’esplanade ici, on peut dire que c’est une bonne idée, car cela contribue aussi à embellir la capitale. Nous avons vu les années passées, c’était délocalisé. Cette fois-ci, ils ont pris l’initiative d’organiser cela à l’esplanade de Dixinn. Pour moi, je suis très ravi et content. Certes, cela peut impacter les autres, mais c’est une contribution aussi. Fermer deux ou trois jours, c’est aussi une contribution pour que la fête réussisse », a-t-il laissé entendre.
Cet autre habitant de Dixinn, partage sa fierté de voir son quartier accueillir les festivités, mais déplore l’absence d’améliorations concrètes de la vie des citoyens surtout des jeunes dans le quartier.
« Nous sommes très contents de voir cette fête se tenir dans notre quartier. Nous remercions Dieu et Doumbouya, mais ils auraient dû penser à la situation du quartier. Quand il pleut, les caniveaux sont remplis et l’eau ne s’écoule pas bien. Ils auraient dû aménager les quartiers avant tout. Il est vrai qu’ils ont fait beaucoup de choses positives, mais le problème, c’est que les jeunes n’ont pas assez de travail. Il faut nous aider à en trouver. Beaucoup de jeunes sont à l’étranger, en Tunisie, en Algérie, en Mauritanie. C’est une fierté pour nous, les habitants de Dixinn, de voir la fête ici, mais les jeunes souffrent », a indiqué Abdoulaye Yansané.
Oscar Makandé Camara, diplômé de l’Institut supérieur des arts de Guinée, se réjouit de l’atmosphère festive autour de la confection des drapeaux guinéens.
« Pour le moment, je peux dire que cela se passe plutôt bien. Les gens sont un peu motivés. Mais pour le moment, il y a un peu de galère, car nous n’avons pas encore commencé à recevoir beaucoup de commandes. Certains viennent nous dire qu’ils veulent des commandes, mais ils viennent trop tard. C’est un problème de passer des commandes deux ou trois jours avant la fête, surtout quand la quantité est importante. Nous ne pouvons pas toujours nous engager car ce sont des êtres humains qui travaillent. Nous pouvons passer toute la nuit à travailler, mais c’est un travail très minutieux. La couleur rouge, jaune, vert demande beaucoup d’attention. Mais avec du courage, nous faisons de notre mieux. Les militaires, les élèves, les footballeurs, tout le monde vient nous demander des drapeaux. Certains viennent très tôt et nous les avons bien servis. C’est un honneur pour nous, qui confectionnons les drapeaux, de voir nos œuvres circuler dans toute la ville. Cela nous fait du bien et nous encourage. C’est une bonne chose de voir cet engouement autour des préparatifs de la fête », a-t-il lancé.
À noter que l’accès au site de la célébration du 2 octobre à l’esplanade du stade du 28 Septembre à Dixinn, en passant par l’échangeur jusqu’au portail d’entrée de l’Université Gamal Abdel Nasser, est interdit aux citoyens, qu’ils soient piétons ou conducteurs de véhicules. Des pick-up de la police, de la gendarmerie et des militaires sont stationnés un peu partout.
Ismael Diallo pour Guineematin.com
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