Francophonie : « Nous devons continuer à parler français à nos enfants, mais aussi à leur enseigner nos langues »

Échos de la Francophonie

À l’approche du 19ème sommet de la Francophonie, le Centre Culturel Franco-Guinéen (CCFG) a lancé à Conakry une série d’événements intitulée « Les Atayas ». Le premier rendez-vous a eu lieu dans la soirée d’hier, jeudi 03 octobre 2024, à Kaloum, avec un espace de dialogue qui a réuni des comédiens, des artistes, des écrivains et plusieurs acteurs culturels de la Guinée et d’ailleurs. Le thème central de cet évènement est intitulé « Culture et Patrimoine : Oralité, Écriture et Hybridation ». La rencontre était axée sur la relation entre les langues locales et le français, et sur la manière dont ces échanges linguistiques influencent la préservation du patrimoine culturel, a appris sur place Guineematin.com à travers un de ses reporters.

La Francophonie regroupe 88 États et plus de 320 millions de locuteurs. La langue française est la 5ème langue la plus parlée au monde. Elle interagit avec les langues locales.

Sansy Kaba Diakité, Directeur Général de la maison d’édition Harmattan Guinée, a souligné l’importance de ces discussions et a mis en avant l’enjeu que représente le dialogue entre les langues locales et le français.

Sansy Kaba Diakité, directeur Général de la maison d’édition Harmattan Guinée

« Nous sommes à la veille du sommet de la francophonie. Le Centre Culturel Franco-Guinéen a décidé de nous faire vivre cet événement. Il s’agit d’une conférence où des thématiques seront abordées, notamment la culture. Ici à Conakry, en partenariat avec plusieurs institutions, nous avons initié les « Atayas », qui sont des rencontres, des échanges et des tables rondes pour discuter de diverses thématiques. Ce soir, j’ai modéré la thématique « Culture et Patrimoine : Oralité, Écriture et Hybridation ». Il s’agit de comprendre comment nos langues se croisent avec le français, comment un Congolais parle le français, et si les langues locales congolaises ne sont pas menacées. Chez nous, en Guinée, le Poular, le Maninka, le Sosso, le Kissi et d’autres langues ont de l’avenir. Nous avons échangé pendant une à deux heures sur ces questions, afin d’explorer les moyens de sauvegarder ces langues. Nous avons discuté de leurs opportunités, mais aussi de la façon de transmettre ces langues à nos enfants. Cette initiative fait écho au sommet des chefs d’État de la francophonie. Je pense que cette organisation est la nôtre. Il est donc important que cet événement soit prolongé en Guinée. Nous sommes heureux de faire partie de ceux qui aiment le français, mais aussi les langues locales. En bref, nos langues s’enrichissent avec le français et vice-versa. Il n’y a donc pas de péril en la demeure. Nous devons continuer à parler français à nos enfants, mais aussi à leur enseigner nos langues afin qu’ils puissent avoir plus d’opportunités pour se construire, grandir et échanger », a-t-il dit.

Pour sa part, Moussa Doumbouya, alias Petit Tonton, conteur et directeur de la maison de l’oralité, a rappelé que la maîtrise des langues maternelles favorise l’apprentissage d’autres langues et disciplines.

Moussa Doumbouya, alias Petit Tonton, conteur et directeur de la maison de l’oralité,

« Notre tradition repose sur les causeries. Je suis heureux de participer à ce format de rencontres. En mode causeries, on se sent plus libre et plus à l’aise pour aborder certaines préoccupations. Parler de l’avenir du français mais aussi de nos langues est d’autant plus important aujourd’hui, car nous sommes en train de perdre nos langues. J’ai mentionné dans les discussions que nos cultures tirent leur valeur de nos langues ; en perdant nos langues, nous perdons une partie essentielle de notre culture et de notre patrimoine. Il est donc crucial de revenir à nos valeurs traditionnelles et à nos langues. Cela ne signifie pas qu’il faut rejeter les autres langues, car nous devons nous ouvrir au monde. Toutefois, les recherches scientifiques montrent qu’une personne qui maîtrise une, deux ou trois langues maternelles a plus de facilité à apprendre une langue étrangère, ainsi que d’autres disciplines comme les mathématiques, la physique, etc… »

De son côté, Habibatou Bah, coordinatrice de la maison de l’oralité, a souligné le rôle des femmes dans la transmission des langues locales. Pour elle, la communauté francophone partage une langue commune, mais il ne faut pas négliger les langues nationales.

Habibatou Bah, coordinatrice de la maison de l’oralité

« Le message que je souhaite adresser aux femmes du monde, d’Afrique et de Guinée, est que nous avons en commun la langue française au sein de la communauté francophone. Cependant, il ne faut pas oublier nos langues nationales, qui sont très importantes. Pour moi, il est plus facile d’apprendre à nos enfants dans nos langues. Malheureusement, nous avons tendance à les négliger et, dans certains cas, à les perdre. Il est donc essentiel de rappeler l’importance de nos langues maternelles, même si le français nous permet de communiquer avec le monde extérieur. Il faudrait réintroduire nos langues à l’école, sinon nous risquons de les perdre. C’est pourquoi j’encourage les mères à parler ces langues à leurs enfants. Si l’apprentissage est trop difficile, elles peuvent essayer de susciter l’intérêt des enfants par le biais de contes, d’histoires ou d’autres activités qui les attireront vers ces langues. L’idée est de leur faire comprendre la valeur de nos langues », a souligné Habibatou Bah.

Ismaël Diallo pour Guineematin.com

Tél. : 624 69 33 33

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