Le consul honoraire d’Ukraine en Guinée, Charles Amara Sossouadouno, poursuit Seydouba Sacko, huissier de justice, et le libanais Moustapha Zaïdan, propriétaire de l’immeuble abritant le siège dudit consulat à Kaloum. Les deux sont jugés au tribunal de Kaloum pour vol aggravé, atteinte à l’inviolabilité du domicile et complicité. Ces faits auraient été commis pendant une opération d’expulsion exécutée au siège du consulat honoraire d’Ukraine et au domicile du consul, sis à Almamya, dans la commune de Kaloum. A la barre, Charles Amara Sossouadouno, partie civile dans cette affaire, dit avoir « tout perdu » lors de cette perquisition sur un endroit qu’il considère comme jouissant d’une certaine immunité et du principe d’inviolabilité. Alors qu’il réclame plus de 3 milliards, le parquet de Kaloum a demandé de renvoyer les 2 prévenus pour délit non établi, a constaté sur place Guineematin.com à travers un de ses reporters.
Cette affaire remonte au mois de mai dernier, lorsque l’huissier de justice, Seydouba Sacko, s’est rendu au siège du consulat d’Ukraine à Conakry dans le cadre de l’exécution d’un arrêt d’expulsion rendu à la Cour d’appel en faveur de Moustapha Zaidan, propriétaire de l’immeuble abritant à fois le consulat et le domicile du consul, qui avait assigné son locataire en justice pour non-paiement de loyer. Mais à la barre ce mardi, le consul honoraire défend à tout prix l’inviolabilité du domicile sur le siège des représentations diplomatiques et dénonce l’illégalité de la démarche de l’huissier. « Selon un acte pris par le Ministère de la Justice, émis à l’issue d’un problème avec le PNUD, et partagé aux magistrats et au barreau, il est signifié l’inviolabilité des territoires des ambassades, consulats et sièges des institutions internationales. En plus, l’article 30 de la convention de Genève parle aussi de l’inviolabilité des ambassades et consulats. Donc, en aucun cas maître Sacko ne doit exécuter un arrêt de justice dans un consulat. Il est allé illégalement sur le territoire ukrainien. Or, le consulat est inviolable. Il jouit de l’immunité », a-t-il dit à l’entame de son propos.
Poursuivant, monsieur Sossouadouno a égrené un chapelet de biens dérobés et saccagés lors du passage de l’huissier et ses manutentionnaires. À l’en croire, la mémoire du consulat a été détruite et plus de 3 milliards dérobés du coffre-fort. « Lors de leur opération, ils ont emporté le coffre-fort et tout son contenu qui comporte plein de biens à savoir : des ordinateurs, des passeports, des montres… Ils ont tout emporté dans ma maison aussi qui se trouvait à l’étage, y compris les bijoux de mon épouse. Ils coupent l’eau et l’électricité, ils violentent mes enfants. Tout ce qui était là-bas, ils ont tout emporté. En tout, l’huissier et ses loubards ont emporté 4 ordinateurs des ressortissants ukrainien, 28 passeports des étudiants guinéens, et 17 passeports des ressortissants ukrainiens, les archives du consulat. Ils ont détruit la mémoire du consulat pendant 12 ans d’exercice au consulat. Au total, 3 milliards 725 millions GNF ont été dérobés tant au niveau du siège du consulat que dans mon domicile qui se situe au même immeuble », a-t-il déclaré.
En outre, le consul jure n’avoir jamais été saisi d’un quelconque arrêt d’expulsion rendu à la Cour d’appel. « Ce n’est que le 10 mai 2024 (soit une semaine après l’acte), à mon retour de Kankan, que je me suis rendu au consulat en présence de mon huissier. Rien n’a été laissé là-bas. Le procès-verbal en fait foi. On n’a reçu aucun acte de signification de cet arrêt, et lors de l’opération, l’huissier n’a laissé aucun PV à ma femme qui était présente sur les lieux. Le consulat n’a jamais été saisi d’une procédure d’expulsion ou de mise en demeure contre moi. Jamais je n’ai reçu l’arrêt d’expulsion rendu par la Cour d’appel. Et même si tel était le cas, il ne devrait pas s’attaquer aux locaux d’une mission consulaire », a indiqué monsieur Sossouadouno.
Après cette déposition, le tribunal a envoyé les parties à la phase des réquisitions et plaidoiries.
En prenant la parole, l’avocat du consulat honoraire d’Ukraine en Guinée a qualifié l’acte de l’huissier de justice de bavure, avant de revenir sur les “énormes” préjudices causés à leur client. À en croire l’avocat, cette situation a eu des répercussions jusqu’à l’ambassade d’Ukraine à Dakar de qui révèle le consulat honoraire d’Ukraine en Guinée. Par conséquent, il demande au tribunal de recevoir le consulat honoraire dans sa constitution de partie civile. Ensuite, de condamner solidairement Moustapha Zaïdan et Seydouba Sacko au paiement d’une somme de 3 milliards 725 millions de francs guinéens au principal, et 500 millions de francs de dommages et intérêts.
Pour l’avocat de Amadi Condé, également partie civile, son client a été victime de vol par l’agissement de l’huissier de justice et ses manutentionnaires. C’est pourquoi il réclame un montant de 79 768 euros aux prévenus et le paiement d’un franc symbolique pour tous préjudices causés.
Dans ses réquisitions, le ministère public, représenté par un auditeur de justice, a estimé que l’infraction d’inviolabilité du domicile n’est pas établie à l’encontre de l’huissier Seydouba Sacko. Selon le parquet, cet officier de service public a agi dans l’exécution légale d’un arrêt de justice. Par rapport au vol aggravé, le magistrat indique que la saisie vente faite par l’huissier à l’issue de son opération est conforme à la loi. Selon le ministère public, l’infraction de complicité reproché à Moustapha Zaïdan ne saurait être établie à son encontre dans la mesure où l’infraction elle-même n’est pas établie à l’égard du présumé auteur de l’infraction. Par conséquent, il a demandé au tribunal de renvoyer les prévenus des fins de la poursuite, conformément à l’article 544 du code de procédure pénale.
Abondant dans le même sens que le ministère public, le collectif des avocats de la défense des prévenus a tenté de prouver l’innocence de leurs clients. Selon eux, l’huissier n’a fait qu’exécuter un arrêt de justice dûment établi. Par rapport aux faits de complicité allégués contre Moustapha Zaïdan, Me Lanciné Sylla a soutenu que son client a agi en toute légalité. Estimant que celui-ci a été brisé dans cette procédure, l’avocat a sollicité le paiement de 5 milliards de francs par la partie poursuivante pour abus de constitution de partie civile.
Par la suite, le tribunal a mis l’affaire en délibéré pour décision être rendue le 12 novembre 2024.
Malick DIAKITE pour Guineematin.com
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