La bousculade meurtrière survenue à N’Zérékoré, à l’occasion de la finale du tournoi de football doté du trophée Général Mamadi Doumbouya, continue de polariser les attentions. Alors que le gouvernement fait état de 56 morts, des ONG de défense des droits parlent de 135 décès et d’une cinquantaine de disparus. Interrogé à ce sujet par un reporter de Guineematin.com, Souleymane Bah, président de l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme et du citoyen (OGDH), déplore cette tragédie et appelle à des enquêtes sérieuses pour situer les responsabilités dans cette affaire. Il insiste sur le fait que le barreau de Guinée soit membre de la commission d’enquête.
« Je tiens à présenter mes sincères condoléances à toutes les familles endeuillées et à exprimer mes vœux de rétablissement aux blessés. C’est malheureux que, chaque année, des situations de ce genre se présentent. Aujourd’hui, nous ne connaissons même plus le nombre de décès ni celui de blessés. Chacun interprète les choses à sa manière. Mais ce qui est certain, c’est qu’il y a eu des pertes humaines, il y a eu atteinte à la vie des personnes. C’est donc malheureux que des situations de ce genre surviennent chaque fois en Guinée », regrette-t-il d’entrée.
Par ailleurs, Bah Souleymane est revenu sur la guerre des chiffres en ce qui concerne le bilan, avant de dénoncer les dérives du CNRD. « Les chiffres varient selon les sources. L’État parle de 56 morts, les ONG de défense des droits de l’homme parlent de 135 morts, et la diaspora forestière évoque plus de 300 morts. Quand est-ce que nous allons cesser, en Guinée, de compter le nombre de morts et de blessés ? Nous en avons assez. Soyons aussi un pays paisible, où, je ne dis pas qu’on va éradiquer complètement les violations des droits de l’homme, mais qu’elles diminuent dans notre pays, que nous devenions un pays normal. C’est très préoccupant, cette situation. La junte qui est au pouvoir aujourd’hui, depuis le 5 septembre 2021, n’a pas respecté ses promesses. Ils avaient promis de pacifier la Guinée, de faire de la Guinée un havre de paix, un pays où l’on peut vivre sans crainte, un pays sécurisé. Malheureusement, ce n’est pas ce que nous constatons aujourd’hui. Les violations continuent et s’intensifient. Sous l’ancien régime, nous avons compté plus de 200 morts. Aujourd’hui, avec le nouveau régime militaire, nous en sommes presque à 200. S’il est avéré qu’à N’Zérékoré il y a eu 135 morts, parce que ce sont nos ONG qui ont avancé ces chiffres, nous prenons donc en compte ces données. Avant cela, à chaque manifestation, il y a des morts. Nous avons déjà dénombré près de 60 morts, tués par balle. C’est vraiment préoccupant », a-t-il dit.
Poursuivant, le président de l’OGDH interpelle le gouvernement, dirigé par Bah Oury, de faire en sorte que la paix règne dans le pays, lui rappelant qu’il était un défenseur des droits de l’homme. « Je voudrais attirer l’attention du gouvernement, particulièrement de son chef, M. Bah Oury, qui est le Premier ministre aujourd’hui. M. Bah Oury est l’un des pionniers de la défense des droits de l’homme en Guinée. Il est membre fondateur de la première organisation des défenseurs des droits de l’homme, l’OGDH. Nous lui demandons de faire en sorte que ce pays soit pacifique, où les violations des droits de l’homme soient moins fréquentes. Il doit le dire, il doit le faire. Il doit attirer l’attention de son président de la République pour que cette situation cesse réellement. Nous sommes très préoccupés. Tout le monde est indigné aujourd’hui en Guinée. Celui qui avait promis que la justice serait la boussole des Guinéens est aujourd’hui perçu comme un meurtrier. C’est la vérité. Nous sommes indignés », martèle-t-il.
En outre, Souleymane Bah demande que des enquêtes sérieuses soient menées pour apporter la lumière sur cette affaire. « Nous voulons, nous demandons, comme nous l’avons déjà dit, que des enquêtes claires et nettes soient menées, qu’une commission indépendante soit mise en place. L’autre jour, je l’ai dit, j’insiste pour que le barreau de Guinée participe et soit membre de la commission d’enquête. Voilà, parce qu’aujourd’hui la justice guinéenne, il faut le dire, est défaillante. Il y a des arrestations, des enlèvements, des disparitions. Tout cela n’est pas favorable au gouvernement guinéen, ni à la justice guinéenne. Il faut qu’ils améliorent leur image. Il faut qu’ils améliorent la manière dont ils sont perçus aujourd’hui. On les perçoit mal. Il faut qu’ils changent cela, qu’ils fassent en sorte que le peuple de Guinée ait une meilleure perception de ceux qui nous gouvernent aujourd’hui. C’est ce que je souhaite pour le peuple de Guinée. Donc, cette commission d’enquête, il est absolument nécessaire, j’insiste, que le barreau de Guinée participe et en soit membre », a-t-il souligné
Ismael Diallo pour Guineematin.com
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