Me Fréderic Loua sur le drame de N’Zérékoré : « Il faut que les responsabilités soient très rapidement situées »

L’incident meurtrier à N’Zérékoré lors de la finale du tournoi de football doté du trophée Général Mamadi Doumbouya continue de marquer les esprits. Dans une interview accordée à un reporter de Guineematin.com jeudi 5 décembre 2024, Me Foromo Frederick Loua, directeur exécutif de l’ONG Les Mêmes Droits pour Tous (MDT), dénonce l’usage du gaz lacrymogène par les forces de l’ordre, provoquant une panique générale. Selon lui, les victimes doivent se constituer en association pour engager des actions judiciaires.

« Comme vous le savez, c’est une situation déplorable qui est survenue à N’Zérékoré. C’était à l’occasion d’un match organisé par un groupe de personnes dénommées les « leaders de la forêt ». Il s’agissait du match de la refondation, doté du trophée général Mamadi Doumbouya. Le match a bien commencé, mais les choses ont commencé à déraper lors de la demi-finale. Lors de la finale, à la 83e minute, un pénalty a été sifflé contre l’équipe de Labé, qu’elle a contesté, et cela a entraîné des jets de pierres. Dans cette confusion, au lieu d’avoir le réflexe nécessaire pour gérer ce mouvement de foule, les forces de défense et de sécurité présentes sur le terrain ont largué des gaz lacrymogènes dans cette foule compacte, ce qui a contribué à aggraver ce bilan macabre. En effet, alors que la confusion régnait, les gens se dispersaient dans tous les sens. Ceux qui étaient forts pouvaient s’échapper, mais les plus faibles sont tombés et ont perdu la vie », dit-il d’entrée.

Par ailleurs, Maître Loua accuse les officiels d’avoir écrasé certaines victimes avec leurs véhicules. « Autre élément, c’est que les autorités ont réagi dans la panique, plutôt que d’avoir le réflexe nécessaire d’attendre. Elles ont pris leurs véhicules et forcé le passage dans cette foule immense. Cela a aussi contribué à aggraver le bilan, car les personnes ont été écrasées et d’autres sont tombées. Les gaz ont également asphyxié les spectateurs qui couraient dans tous les sens. C’est cette situation qui s’est produite à N’Zérékoré ».

Devant cet état de fait, notre interlocuteur demande des enquêtes. « Ce que nous demandons, que les responsabilités soient situées très rapidement et qu’une enquête judiciaire soit ouverte, afin qu’il y ait une suite judiciaire à cette affaire. Parce qu’on ne peut pas comprendre que plus de 150 personnes, pour l’instant comptabilisées, aient perdu leur vie sans que la justice puisse faire son travail pour situer les responsabilités. Si aucune suite judiciaire n’est donnée à cette affaire, nous garantissons la répétition des mêmes faits. Je pense que ce débat autour des chiffres est mal à propos. Une seule vie perdue est déjà assez. Un seul être humain qui perd la vie, c’est déjà gravissime. L’homme est fait à l’image de Dieu, et de ce point de vue, il y a une certaine dignité, un certain droit qui doit être respecté. Aujourd’hui, ce débat autour des chiffres m’écœure et m’attriste. Affrontons d’abord le problème : qu’est-ce qui n’a pas marché ? Pourquoi les forces de défense et de sécurité ont-elles lancé des lacrymogènes sur cette foule compacte ? Pourquoi les officiels ont-ils forcé le passage sur les spectateurs qui cherchaient à sortir du stade ? Pourquoi n’a-t-on pas pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité maximale de cette foule venue regarder le match ? Vous vous rappelez que ce jour-là, c’était la fête à N’Zérékoré, et il y avait des véhicules qui circulaient dans tous les sens pour emmener les enfants, tout le monde, au stade. Dans de telles circonstances, je pense que l’État doit trouver les moyens d’assurer la sécurité de la manière la plus normale possible, pour que, en cas d’incident, il y ait les moyens nécessaires pour contenir la situation rapidement. Mais malheureusement, cela n’a pas été le cas », déplore-t-il.

En outre, Me Foromo Frederick Loua suggère aux victimes qu’une action collective soit mise en place en s’organisant en association et que des ONG se constituent en partie civile devant les juridictions nationales et internationales. « Notre pays a beaucoup souffert, la Guinée a souffert, et la ville de N’Zérékoré particulièrement a trop souffert. Vous vous rappelez, pendant l’épisode du troisième mandat d’Alpha Condé, lors des élections, la violence qui a suivi à N’Zérékoré était inouïe. Il y a eu de nombreux décès, des morts. On a enterré des gens par dizaines. Il y a eu des fosses communes créées pour enterrer les victimes. Mais tout cela est resté sans suite judiciaire. Pour une fois, cette situation, je pense, doit être jugée. Il doit y avoir un jugement pour que les responsabilités soient situées. C’est le moment de rappeler l’importance d’organiser les victimes en association, celles qui sont à N’Zérékoré et qui se comptent par dizaines, voire par centaines. Il est essentiel d’organiser ces victimes en association et d’inclure des ONG prêtes à se constituer partie civile auprès de cette association de victimes qui sera mise en place, afin que les actions nécessaires soient portées devant les juridictions, nationales ou internationales », a indiqué le Directeur exécutif de l’ONG Les Mêmes Droits pour Tous (MDT).

Ismael Diallo pour Guineematin.com

Tél. : 624 69 33 33

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