A l’instar des autres pays du monde, la Guinée célèbre ce lundi 09 décembre 2024 la journée internationale de lutte contre la corruption. Cette journée a pour vocation de mesurer l’efficacité des instruments étatiques dans le cadre de la lutte contre ce fléau qui entrave le développement socio-économique des pays en voie de développement. Dans une interview accordée à un reporter de Guineematin.com, Oumar Kana Diallo, président de l’Association guinéenne pour la transparence (AGT), a dépeint un tableau sombre de la situation dans notre pays.
Pour entamer son argumentaire, Oumar Kana Diallo se penche sur les études internationales qui traitent de la corruption dans les différents pays du monde.
« Il faut dire que la lutte contre la corruption en Guinée connait d’énormes difficultés, si on se réfère des chiffres déjà existants. Le classement de Transparency international pour l’année 2023, publié en 2024, place la Guinée 141ème pays sur 180 pays classés, et l’indice du développement humain (IDH) du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) place la Guinée 181ème pays sur 191 pays classés à travers le monde. C’est juste pour dire que sur le plan politique, nous ne répondons pas aux aspirations et nous ne répondons pas aux attentes des organismes internationaux par rapport aux mesures entreprises dans le cadre de lutte contre la corruption. Dans le cadre juridique, c’est la même chose. Nous avons des lois, nous avons des instruments, nous avons des mécanismes. Tout ça, c’est l’efficacité technique, mais quand vous parlez de la conformité technique et de l’efficacité technique, il y a une différence. L’efficacité technique des lois, on ne peut pas les mesurer parce qu’elles ne sont pas mises en pratique. Compte-tenu d’un certain nombre de facteurs, que ce soit sur le cadre juridique ou sur le cadre institutionnel. Donc, c’est juste pour dire qu’aujourd’hui, la Guinée présente un visage très sombre dans la lutte contre la corruption, parce qu’il n’y a aucune perspective qui montre qu’il y a la promotion de la bonne gouvernance qui a des effets que ce soit dans le cadre macro ou micro économique qui peut avoir des répercussions sur la vie du citoyen », a-t-il déclaré.
Depuis l’avènement du CNRD au pouvoir le 05 septembre 2021, des campagnes ont été démultipliées dans le cadre de la lutte contre la corruption et de la transparence de l’appareil judiciaire. Mais pour Kana Diallo, force est de reconnaître qu’après 3 ans passés, ces campagnes se sont plus inscrites dans l’ordre du populisme et de la propagande. Il estime d’ailleurs que des instruments comme l’Agence nationale de lutte contre la corruption (ANLC), l’inspection générale d’Etat (IGE), la CRIEF, l’agent judiciaire de l’Etat et tant d’autres brillent par leur inefficacité et leur opacité dans la promotion de la bonne gouvernance.
« Quand vous prenez l’inspection générale d’Etat, c’est une structure qui avait fait un bon travail au début de cette transition, qui avait fait sortir un rapport qui avait diagnostiqué toutes les problématiques liées à la promotion de la bonne gouvernance. Mais malheureusement, les recommandations se trouvant dans ce rapport n’ont pas eu d’effets. Vous prenez l’Agence nationale de lutte contre la corruption, qui aussi avait eu une très bonne équipe au début, qui a cherché à faire de telle sorte que l’agence soit représentée à travers toutes les régions du pays et que les lois, les instruments et les mécanismes soient révisés afin que la loi s’adapte au moment et aux besoins spécifiques du pays, cette équipe aussi est partie. Aujourd’hui, nous avons l’impression que nous avons une agence de façade, parce que les membres qui la composent, c’est comme s’ils ne connaissent pas assez leurs rôles. C’est comme si parfois, ils ne veulent pas à ce qu’on voit ce qu’ils sont en train de faire sur le terrain. Malgré que les activités qu’ils font sur le terrain sont très minimes, mais ils ne veulent associer personne et on ne voit pas de résultats par rapport à ce qu’ils sont en train de faire », dénonce le président de l’AGT.
Se penchant particulièrement sur le cas de l’Agence nationale de lutte contre la corruption, Kana Diallo reste convaincu qu’un tel instrument ne pourrait fonctionner sans des textes juridiques et réglementaires pour orienter ses actions sur le terrain. « Il n’est pas compréhensif qu’une Agence nationale de lutte contre la corruption fonctionne sans une stratégie nationale de lutte contre la corruption, sans une politique nationale de lutte contre la corruption et sans faire des évaluations sur le terrain pour connaître effectivement quelles sont les insuffisances, quelles sont les lacunes du cadre juridique et surtout quelles sont les pratiques qui sont là. Mais malheureusement, nous avons une agence de façade dont les membres ne remplissent pas leurs rôles parce que ce sont les activités quotidiennes qu’ils prennent pour des activités qu’ils doivent utiliser pour célébrer la semaine internationale lutte contre la corruption », s’est-il indigné.
Oumar Khana Diallo conclut en disant que pour une lutte efficace contre la corruption il faut un véritable engagement politique, une visibilité claire sur les actions des instruments étatiques de lutte contre la corruption, l’examen des lois guinéennes et des normes internationales auxquelles la Guinée est signataire…
Lamine Kaba pour Guinéematin.com
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